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Vita e morte di Ludovico Lauter, Alessandro DE ROMA

compte-rendu de lecture de Frédéric Cherki

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Informations sur l'auteur

Alessandro De Roma est né en 1970 à Carbonia en Sardaigne. Diplômé en Philosophie à l'Université de Cagliari, il a quitté son île pour s'installer à Turin, où il réside et enseigne aujourd'hui après avoir enseigné l'Histoire et la Philosophie dans des lycées de Nuoro et de Sanremo.


Si l'on fait exception d'un récit satirique paru dans la revue Inchiostro, l'on peut considérer qu'il débute sa carrière de romancier en publiant récemment Vita e morte di Ludovico Lauter chez Il Maestrale, éditeur qui est à la Sardaigne ce qu'est la célèbre maison Sellerio (Camilleri, Tabucchi...) à la Sicile.


La sortie de ce roman a d'ores et déjà été saluée par l'attribution de la mention spéciale Opera Prima du Prix de la Ville de Vigevano et, surtout, par une sélection au sein du cercle très fermé des six finalistes du prestigieux Prix Viareggio pour la première œuvre. Un succès de plus pour un premier opus qui a d'ores et déjà suscité de nombreuses critiques, toutes plus flatteuses les unes que les autres, pour un De Roma qui invente et raconte la carrière littéraire du « plus grand écrivain de tous les temps », le Ludovic Lauter du titre.


Dans un récent article paru sous la plume de Luigi Mascheroni dans les colonnes du Domenicale, hebdomadaire culturel fondé en 2002 et centré sur les grandes questions de l'actualité italienne culturelle et politique, le journaliste offre à Alessandro De Roma la troisième place de son classement des Sept grands du roman italien contemporain, aux côtés des Massimiliano Parente, Michelangelo Zizzi, Pippo Russo, Alcide Pierantozzi, Valter Binaghi et Silvio Formisano.

Dans ce même article, après avoir mentionné le talent hors du commun'de De Roma, Mascheroni cite le mail que lui a adressé le jeune écrivain sarde à qui l'on a demandé de parler de lui-même : «Avant d'être un écrivain je suis un lecteur. J'ai écrit ce livre pour ceux qui aiment lire des histoires. J'aime les histoires et peu m'importe qu'elles soient tromperie ou accumulation de salades. Et même, je dirais que c'est encore mieux ainsi. Récits croisés, personnages capables d'une vraie méchanceté, paumés fragiles écrasés par la vie. Des salades ? Et si possible un final à surprise. Et puis un nouveau début ».


Un autre article élogieux signé Ermanno Paccagnini paru dans le «Corriere della sera» du 11 mars dernier, souligne les débuts surprenants' du jeune De Roma.


L'histoire en bref


Des millions de copies vendues, une renommée planétaire comme auteur d'univers narratifs insolites ou de reality-shows géniaux tout autant que cyniques. La vie et la carrière de Ludovico Lauter, le plus grand écrivain de tous les temps, n'en demeurent pas moins un vrai mystère. Sans compter que l'énigme a encore enflé, depuis qu'au sommet de la célébrité, l'écrivain à succès semble s'être évanoui dans la nature.


Un modeste écrivain, à l'aube de la soixantaine, s'acharne à en rédiger la biographie. Pour lui, c'est sûr, l'heure du rachat vient de sonner - du moins le pense-t-il - après une somme de livres incolores pour le compte d'éditeurs ratés et des colonnes à profusion dans les pages de la presse féminine à sensation. Tout quitter alors, embarquer à bord d'un bateau en partance pour la Sardaigne, s'isoler dans une maison sur la côte, semblent les conditions indispensables au succès d'une telle entreprise, en ce début d'automne.


Et puis Lauter n'est finalement pas si mystérieux : il le sait bien, lui, où se trouve le Maestro. Ne dispose-t-il pas, en effet, d'informations inédites et de toute première main sur son compte ? Il doit donc l'écrire, et sans tarder, cette biographie.

Ecrire l'enfance du futur grand écrivain, fils d'Hermann, l'allemand triste, et d'une insouciante jeune sarde aux talents prophétiques ; à commencer par les heures de la naissance sur les ruines des bombardements américains de Cagliari.

Ecrire aussi l'adolescence romaine et les années des études universitaires à Bologne, ponctuées par des séjours à Wiesbaden, sorte de temple de la culture européenne des années soixante, aux sources d'une histoire familiale paternelle traumatique marquée par la figure inoubliable de l'oncle Siegfried.

Ecrire ensuite le temps de l'affirmation littéraire fulgurante à Milan aux abords de la Galerie Vittorio Emanuele, et le final sous les grandes verrières de l'appartement new-yorkais des heures de gloire de la trilogie de l'Etoile de mer, laboratoire d'inventions narratives pour scénari d'émissions de télé-réalité à sensation, atelier de névroses et dernière résidence connue de l'écrivain, disparu subitement sans laisser d'autre adresse.


L'hiver, en attendant, s'installe sur la mer aux abords des maisons de vacances depuis longtemps désertées par les estivants.

Ici, pour l'anecdote, les destinées du biographe imaginaire et de l'auteur de ce premier roman se rencontrent, à en croire les témoignages d'amis du jeune écrivain sarde qui se plait à rappeler comment, pour écrire ce récit, il a dû s'isoler lui-même dans une maison surplombant une falaise où quelques amis, venus suivre l'avancée des travaux, lui ont régulièrement rendu visite.


Dans le roman aussi le biographe écrit, creuse et les existences s'entremêlent, se compliquant en une sorte de troisième acte expéditif et théâtral où se confondent bientôt deux itinéraires : celui du biographe et celui du Maestro. En effet, la troisième partie du roman réserve de nombreuses surprises et se révèle une savante satire du narcissisme, une critique acerbe du cynisme le plus débridé des plateaux de télé et du star-system littéraire.

Sous ses multiples facettes, ce roman n'est pas sans rappeler certains grands représentants de ce système que l'auteur se garde bien de nommer clairement. Mais à la fin, la parenté avec un certain Stephen King est quasiment transparente.



Un regard critique

Un premier roman copieux, bien articulé à triple facette : celle du protagoniste à l'identité d'abord unique, double ensuite et enfin triple ; un mystérieux écrivain à la personnalité schizophrène dont la portée tridimensionnelle émerge peu à peu, au point de désarçonner le lecteur au seuil d'une deuxième partie qui ne s'ouvre qu'à la 272ème page, au terme d'un long premier acte mené tambour battant et sans lourdeur aucune.

De Roma accouche ici d'un essai de biographie exemplaire ; notamment par son habileté à distraire le lecteur de l'idée (tout à la fois vraie et fausse) que c'est ici Lauter en personne qui écrit sur lui-même : le tout avec une grande précision quant aux dates, aux lieux, un luxe de précisions et des ouvertures judicieuses sur les épisodes clefs de la vie et de l'histoire familiales ou des extraits bien choisis de roman dans le roman et de nombreuses incursions dans le présent de la maison sur la falaise.

Une biographie admirable au point d'irriter le lecteur quand la deuxième partie (pages 275-310) vient tout remettre en cause. Le biographe y prend alors, contre toute attente, l'allure d'un justicier' et ne montre plus que le côté obscur, faux, cynique et cruel de Lauter devenu, dès lors, LL et rien d'autre, en abusant alors de la technique du récit dans le récit.


Dans la foulée, la troisième partie (pages 311-340), est construite autour d'une correspondance romantique dans laquelle Roberta, propriétaire curieuse de la maison sur la falaise, témoigne auprès de son fiancé australien Matt de tout ce qui ne tourne pas très rond chez le biographe solitaire. Un moyen de relire la deuxième partie sous un autre angle : celui de la folie débordante qui éclate enfin au grand jour.


Le roman ne s'achève pour autant vraiment qu'à la fin ; une fin où tout recommence pour ramener le lecteur au début, l'invitant à repenser aux destins étrangement croisés de Lauter et de son biographe.


L'ensemble est servi par une écriture solide et cultivée, un sens du rythme qui sait jouer des différents retournements de situation et les registres variés d'un roman captivant, tendre par certains aspects, cruel aussi par tant d'autres.

De Roma tisse avec maestria les nombreux fils de l'intrigue, trouvant d'entrée la bonne mesure et un style déjà emprunts d'une grande maturité littéraire.


Parfois, cependant, le lecteur peut finir par éprouver un sentiment de lassitude pour une certaine forme de littérature pour la littérature dont on peut s'interroger sur l'utilité réelle.




 

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