Contenu

Lettres

Recherche simple Vous recherchez ...

espace pédagogique > disciplines du second degré > Lettres > enseignement > projets

Victor Hugo VS Napoléon III : Le duel

mis à jour le 28/06/2020


Victor_Hugo_by_Étienne_Carjat_1876_-_full.jpg

Comment utiliser l'oral, et plus particulièrement la joute verbale, pour s'approprier une oeuvre intégrale, ses enjeux et son contexte d'écriture ?

mots clés : oral, poésie, engagement, histoire littéraire


Le projet

S'approprier une oeuvre

Cette séance a été menée avec une classe de seconde.

Séance finale d’une séquence sur le romantisme. Nous avons travaillé avec les élèves le lyrisme, l’élégie, des poèmes extraits de Pauca Meae et des poèmes emprunts de tristesse et de mélancolie. Cette séquence sur l’engagement vise à montrer un autre pan du romantisme. La séance présentée vient après une lecture analytique de « Souvenir de la nuit du 4 » de Victor Hugo.

Les élèves ont fait des recherches sur Napoléon III (la présidence, le coup d’état, le Second Empire et la débâcle en 1870), et sur Victor Hugo, notamment au travers de leur lecture personnelle de Pauca Meae.
Après avoir insisté sur l’antagonisme violent entre les deux hommes, l’enseignant propose de le mettre en scène sous forme de duel verbal et poétique. Les élèves incarneront au choix soit le poète, soit l’Empereur. Ils se présenteront devant la classe, deux contre deux. Puis, ils liront chacun leur tour un poème polémique à leurs adversaires, avec un fond musical adapté.Les élèves doivent avoir en tête l’engagement virulent de Victor Hugo contre l’Empereur, ainsi que les registres employés dans « Souvenir de la nuit du 4 » pour faire adhérer le lecteur à sa cause.



Les objectifs

Rédiger un poème polémique
Employer les registres observés dans le poème « Souvenir de la nuit du 4 »
Affronter un duo d’élèves avec son poème polémique
Redécouvrir l’antagonisme politique entre deux personnages historiques : Victor Hugo ou Napoléon III
S’approprier l’Histoire littéraire



Les compétences visées

Compétences disciplinaires :

  • être capable d’écrire un poème
  • être capable d’utiliser l'ironie
  • S’interroger sur l'efficacité de la parole et l'art de la formule

Compétences transversales :

  • être capable de prendre la parole en public
  • être capable de collaborer
 

 

Modalités de mise en oeuvre


Étape 1 : Enoncer la consigne et fixer des contraintes

Tout d’abord, les élèves prennent connaissance des règles du duel. Des questions sur des points de détails peuvent surgir, et y répondre efficacement permet de mieux cerner l’organisation de ce duel. Ainsi, on explique que les élèves se séparent en deux groupes distincts pour commencer : une moitié incarnera Victor Hugo, l’autre Napoléon III. Puis, au sein de chaque moitié, les élèves forment des duos. Chaque duo prépare un poème polémique contre son adversaire : un duo Victor Hugo prépare un poème contre un duo Napoléon III, et vice versa. Il est important de laisser assez de temps aux élèves pour peaufiner leur texte. En effet, le fait de se présenter face à un adversaire en présence les motive particulièrement. Ils manifestent assez régulièrement leur envie de bien faire et d’avoir un poème aussi percutant que possible.

L’enseignant se doit donc de beaucoup circuler dans la salle afin de tempérer certaines ardeurs, et de pousser les élèves à soigner leur langage. En effet, le format de l’activité peut pousser certains d’entre eux à employer un vocabulaire vulgaire. De fait, cet exercice leur rappelle grandement les clashs de rap, où deux artistes s’invectivent et s’insultent une minute durant chacun leur tour. Les références à ces clashs sont nombreuses chez les élèves, que l’on pense au film 8 mile du rappeur américain Eminem, ou aux Rap Contenders, compétition française officielle de clashs ou battles de rap. Ces images d’affrontements verbaux et rimés sont facilement disponibles sur Youtube, et jouissent d’un grand succès, notamment dans la classe d’âge de nos lycéens. Beaucoup d’élèves seront à la recherche de la « punchline », de la formule percutante qui marquera les esprits. Ainsi, il n’est pas rare que des élèves demandent à l’enseignant de reproduire des traits d’humour, des mises en scène ou des propos entiers tirés de ces références. L’enseignant ne doit pas hésiter à aller visionner ces images pour se faire une idée, et savoir ce qu’il peut tolérer ou non. Il est donc normal de refuser tout propos vulgaire ou rabaissant.

Cependant, le registre polémique entraîne l’ironie et l’humour. Et les élèves ont réalisé des recherches sur leur adversaire. Ils sont régulièrement tombés sur des caricatures des deux personnages. Des images représentant Hugo avec son large front dans des postures de réflexion exagérées, ou Napoléon III en nain voguant sur son chapeau trainé par un corbeau. On peut donc accepter que les élèves incarnant Napoléon III se moquent ponctuellement de certaines caractéristiques physiques de Victor Hugo, ou de moments précis de sa vie. Ils peuvent railler sa prétention, ses allures d’intellectuel, son romantisme excessif. De l’autre côté, les élèves campant le poète ont pu se moquer de la petite taille de l’Empereur, de sa fourberie politique ou de sa réputation de coureur de jupons.
L’enseignant peut accepter ces moments de « récréation » tant que les élèves écrivent un poème polémique s’appuyant sur des arguments solides et véridiques. En effet, ils ne doivent pas perdre de vue qu’ils ont à captiver et convaincre leur auditoire, notamment le seul juge de ces duels : l’enseignant. Il est possible de s’inspirer des vrais clashs de rap et de faire voter les élèves, soit à main levée soit à l’applaudimètre. Cependant, si le travail est noté, l’objectivité des élèves peut être fortement altérée.

L’intonation, la gestuelle et la mise en scène entrent donc grandement en compte dans le choix des vainqueurs. Mais les critères de réussite sont aussi plus techniques. Les élèves ont le choix d’écrire soit en octosyllabes, soit en décasyllabes, soit en alexandrins. L’enseignant laisse donc aux élèves ayant du mal à atteindre les douze syllabes la possibilité de réduire leurs vers. On peut même aller jusqu’à autoriser ces trois types de vers en même temps, dans tout le poème pour ceux ayant plus de difficultés. Mais il n’est pas rare que des élèves se donnent pour objectif de tout écrire en alexandrins. Les registres polémique, pathétique et épique doivent transparaitre dans le texte. Ils ont été observés et travaillés lors de la lecture analytique précédant cette activité.
Enfin les élèves devront insérer au moins trois figures de style et pourront s’appuyer sur la fiche des procédés distribuée en début d’année. Les élèves sollicitent beaucoup l’enseignant pour le décompte des syllabes ou pour vérifier la justesse d’une figure de style. Cependant, l’enseignant devrait laisser les élèves ayant une idée mais ne parvenant pas à la formuler se débrouiller seuls, dans un premier temps. Il prend acte de leur idée, mais insiste sur le fait que les élèves sont en binôme, et qu’ils doivent réfléchir à l’agencement du vers pour le rédiger convenablement. Leur rappeler que les enjambements, rejets et contre-rejets sont possibles permet de débloquer des situations.


                     


Étape 2 : Penser la différenciation

Certains élèves très enthousiastes et/ou très doués souhaitent en faire plus, ou finissent plus vite que les autres. C’est là qu’interviennent deux particularités de l’activité. Tout d’abord, le « Facteur X ».
Les classes étant généralement composés de 35 élèves, les deux camps sont composés chacun de 17 élèves. Il en reste un seul. Cet élève devra donc écrire deux poèmes : un contre Victor Hugo et un contre Napoléon III. Il choisira, selon la tournure des événements, de lire l’un ou l’autre de ses poèmes. Par exemple, s’il sent que l’équipe Victor Hugo a une longueur d’avance, il lève la main à la fin d’un duel et attaque le duo Napoléon III. Au contraire, s’il souhaite combler un écart, il vient en aide à l’équipe qu’il juge en difficulté. Cet élève jouira évidemment d’une gratification particulière au vu de son double investissement.

Ensuite, l’élève « joker », ou « tag » ou « soutien ». Cet élève doit, avec son binôme écrire son poème comme tous les autres. Mais, en plus, il a la possibilité d’ajouter six vers supplémentaires qu’il lira à un moment de son choix, par surprise. Il peut donc soit enfoncer un adversaire déjà mis à mal par ses coéquipiers, soit venir en aide à son camp. Il peut y avoir plus d’un joker, mais ils ne doivent pas être trop nombreux au risque de brouiller les duels. Les jokers ne sont pas connus par l’enseignant, sauf s’ils le souhaitent. L’équipe adverse ne doit pas non plus savoir qui est le joker d’en face.

Ces deux apports sont expliqués dans le polycopié distribué, et sont illustrés par des exemples concrets. Il est nécessaire de répéter à l’oral, devant le groupe en quoi consistent ces deux apports.
 

Étape 3 : La joute verbale

Une fois la phase d’écriture terminée, les élèves entrent en scène. L’enseignant aura au préalable établi une liste des affrontements, afin de rendre les duels équilibrés et intéressants. On peut aussi choisir les duels par tirage au sort. Les élèves savent juste avant le début du tournoi contre qui ils vont tomber.
L’idéal est de pouvoir organiser ces duels dans la salle polyvalente du lycée, avec les micros et le matériel audio afin de bénéficier d’une qualité sonore optimale. De plus, l’espace étant plus grand, on peut facilement disposer les deux camps dans deux endroits différents et séparés.

L’enseignant doit se montrer compréhensif vis-à-vis du trac de certains, mais doit rester vigilant quant au temps pris par les élèves lors de la recherche de leur bande audio. Il faut également gérer le volume pour que le son n’écrase pas la voix des élèves, trop occupés à lire leur texte.
A chaque duel passé, les élèves laissent leur texte sur le bureau et regagnent leur camp. Les duels s’enchainent. Très souvent les élèves s’encouragent et essayent d’influencer l’enseignant en exagérant leur admiration après les attaques de leurs coéquipiers.

L’enseignant réalise un important travail de prise de notes lors des duels. Il repère les figures de style, les registres, les champs lexicaux... Les textes ayant été lus dans leur intégralité au préalable par l’enseignant, lors de la séance d’écriture, il saura ce qu’il cherche pendant le duel. Observer le comportement scénique des élèves entre aussi en ligne de compte. Ramasser les copies après les duels permet de confirmer ou modifier l’appréciation. L’enseignant doit être rapide dans sa prise de décision pour donner du rythme à la séance. Voilà pourquoi il doit avoir lu tous les textes avant les duels, et il doit avoir un panel de notes et observations avant de commencer. Ceci dans l’optique de déclarer un vainqueur à la fin des joutes. Il est possible de prendre seulement des notes, de ramasser les copies et d’annoncer le vainqueur à la séance suivante.
Une fois les duels terminés, l’enseignant annonce l’équipe gagnante. Au vu de l’implication des élèves, la joie des vainqueurs peut être très expressive.

Ce travail n’est pas nécessairement noté. Pour ma part, il entre dans le cadre des points bonus. Tout au long de l’année, mes élèves disposent d’un « compte en banque » où ils stockent leurs points bonus. Ils peuvent les utiliser pour n’importe quelle évaluation, la limite étant de trois points par évaluation. Ils doivent attendre ce type d’activités pour espérer glaner des points. Le maximum de points à gagner est de 3. Ici, tous les membres de l’équipe gagnante ont gagné 3 points. Les perdants ont obtenu un seul point. On peut aussi faire du cas par cas, et donner des points aux gagnants des duels, sans se soucier de l’équipe victorieuse.

 

Bilan


Cette activité a toujours suscité beaucoup d’enthousiasme chez les élèves. L’idée de faire partie d’une équipe, d’écrire dans un but précis et collectif les motive. Travailler en binôme permet de régler des difficultés d’inspiration, de rédaction. Une véritable émulation nait lors de cet exercice. Les élèves se souviennent ainsi de l’antagonisme politique entre Hugo et Napoléon III, et s’appuient sur des recherches historiques et leur analyse de « Souvenir de la nuit du 4 » pour composer leur texte. Enfin, la volonté de gagner les pousse à respecter scrupuleusement les consignes d’écriture, et ainsi travailler leur métrique, les procédés, les registres, les effets sur le lecteur...

J’ai également réalisé cette activité en fin de séquence avec une classe de Première ES dans le cadre de la lecture intégrale des Châtiments.





Il faut cependant rester vigilant sur plusieurs points. Tout d’abord, l’enseignant se doit de tout lire en amont. Il ne doit pas y avoir de mauvaise surprise. Des élèves peuvent être tentés d’insérer des insultes, ou des propos familiers qui gâcheraient l’activité. Si on peut accepter que des tournures de phrase ne soient pas toujours excellentes, ou ressemblent au langage des élèves, le vocabulaire lui, doit être noble et respectable. Dans la forme du moins, car il ne faut pas oublier que les deux personnages s’invectivent et s’accusent.

L’autre difficulté vient du polycopié présenté. Sûrement gagnerait-il à être simplifié. En effet, les règles sont longues et accompagnées d’exemples. Peut-être faut-il retirer des règles, comme le joker et le Facteur X, et garder les exemples pour une explication à l’oral. Face à la masse d’informations, les élèves sont dans un premier temps décontenancés.


Le consentement des élèves et de leurs parents a été recueilli afin de permettre cette publication.

 

Image : Portrait photographique de Victor Hugo publié dans la revue illustrée Galerie contemporaine, littéraire, artistique qui faisait partie d'une série publiée par Goupil & Cie. Parue entre 1876 et 1884, la série comprend 241 portraits de personnalités dans les domaines de l'art visuel, de la littérature, de la musique, de la science et de la politique. Les portraits, de photographes parisiens, étaient imprimés par photoglyptie, procédé opto-mécanique qui dégagait les parties claires des parties sombres, grâce à une gradation de tons continus. Sa vitesse et son faible prix, ainsi que la longévité des reproductions (les procédés concurrents produisaient des copies dont le contraste diminuait avec le temps), en ont fait un procédé prisé pour l'impression en grande quantité., auteur : Étienne Carjat — Bibliothèque nationale de France, date : 01/01/1876, Licence : Domaine public (CC0)

 
 
auteur(s) :

Youness Elarif, Lycée Yourcenar, Le Mans

information(s) pédagogique(s)

niveau : Lycée tous niveaux

type pédagogique : scénario, séquence

public visé : enseignant

contexte d'usage : classe

référence aux programmes : BO spécial n°9 du 30 septembre 2010

haut de page

Pour faire un lien, saisissez l'adresse complète du site web (http://www.siteweb.fr) ou du mail.


écoutez le mot à saisir

Lettres - Rectorat de l'Académie de Nantes