L'ETRANGE NOEL

DE MONSIEUR JACK

de Tim BURTON

Mise en images de Henry Selick

 

Dans l'imaginaire très personnel de Tim Burton, le mythe de Frankenstein apparaît comme fondamental. Deux aspects intéressent particulièrement l'artiste :

- attitude du créateur par rapport à sa créature

- récurrence du thème de l'individu seul, exclu, en quête d'amour.

L'esthétique de son film est directement inspirée des expressionistes allemands notamment du Cabinet du Dr Caligari (1919) de Robert Wiene et du Nosferatu (1922) de Murnau.

 

 

Une oeuvre se nourrit des oeuvres existantes. Celle de Tim Burton regorge d'hommages et de références :

- à Frankenstein et La fiancée de Frankenstein de James Whale (avec Boris Karloff) et à E.T de Steven  Spielberg (des individus créés ou venus d'ailleurs qui sont seuls dans un monde qui n'est pas fait pour eux, qui recherche l'amour des autres ou veulent rentrer chez eux).

- à ses propres films : Edward aux mains d’argent et Beettlejuice sans oublier bien sûr son court-métrage Frankenweenie qui est une parodie de Frankenstein

Dans tous ces films se retrouvent développés les mêmes thèmes.

  • FRANKENSTEIN

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La créature du Dr Victor Frankenstein :

Boris Karloff dans le film de James Whale

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Sallie : la créature du Dr Finkelstein

 

Les scènes entre Sallie et le docteur Finkelstein sont des références constantes au personnage du Dr Victor Frankenstein inventé par Mary Shelley, mais Burton se réfère aux films de Whale : le laboratoire de Finkelstein, la scène de la création des rennes, la scène de la création d'une fiancée...

Le visionnage d'extraits de ces films (scène de la création, 1ère apparition de la créature, rejet du monde, accueil de l'aveugle, création de la fiancée et réaction de celle-ci) permet de  comparer le personnage de Sallie et la  créature du Dr. Frankenstein : toutes deux sont couvertes de cicatrices qui les défigurent et échappent à leur créateur même si elles ont besoin de lui ; le créateur se prend pour Dieu lui-même : "I made it (you) with my own hands" est une réplique commune aux deux films.

fkstein.gif (8036 octets) Mais les motivations des deux docteurs sont différentes : le désir de trouver le principe de l'immortalité pour l'un, le désir de se créer une compagne à sa mesure pour le second. Devant son échec avec Sallie, il finit par se créer une fiancée à son image en lui donnant la moitié de son cerveau et trouve le bonheur. Frankenstein  est lui confronté à la folie et l'échec : la fiancée qu'il est contraint de créer pour sa créature hurle de terreur en voyant son "fiancé" marquant ainsi le basculement définitif de sa créature dans le Mal alors que tout ce qu'elle recherchait était un ami, quelqu'un qui l'accepte et ne le rejette pas en raison de son apparence comme l'avait fait le vieillard aveugle qui l'avait recueilli et aimé et ne l'avait pas rejeté comme l'avait fait son créateur et les autres gens.
  • E.T.

L'allusion à Spielberg se fait uniquement à travers l'image du traineau passant devant la lune, image mythique du film de Spielberg des vélos -poursuivis par le FBI et la police alors que les enfants conduisent E.T. à son rendez-vous avec ses amis- passant devant la lune et devenue emblème de la société de production de Spielberg : Amblin.  L'omniprésence de la pleine lune dans le film est symbolique et lié au caractère fantastique et maléfique de la lune, mais elle établit aussi un lien entre E.T. et Jack. E.T. est isolé dans un monde qui n'est pas fait pour lui et essaie de retourner parmi les siens ("ET téléphone maison") tout comme Jack n'est pas fait pour Noël ; or c'est au moment où Jack s'envole pour jouer les pères Noël que se situe le passage du traineau devant la lune.

 

Tim Burton fait aussi référence à ses propres films :

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  • D'abord à Edward aux mains d'argent 

Une créature fabriquée et aimée par un savant décédé avant d'avoir pu le terminer et dont les mains sont en fait des couteaux et des cisailles vit solitaire dans le chateau de son créateur jusqu'au jour où une femme sans préjugés le recueille dans sa famille. Il est d'abord accepté par les habitants de la petite communauté - pourtant très conformiste (cf. maisons et l'esthétique générale, il s'intègre parfaitement et fait profiter la ville de ses dons particuliers. Il trouve l'amour auprès de la fille de la famille qui l'a recueilli jusqu'au jour où, victime de la médisance, de la jalousie et de l'incompréhension, il est obligé de s'enfuir. Un policier qui le poursuivait et qui déclare l'avoir abattu le sauve de la vindicte populaire mais le condamne à vivre seul pour toujours.

 

  • Beettlejuice :

on retrouve dans ce film les personnages fantasmagoriques qui sèment la terreur lors du Noël organisé par Jack (le serpent notamment) et l'humour débridé et un peu macabre du réalisateur. A noter que dans ce film, le personnnage de Jack apparait brièvement dans la maquette "vivante" de la ville.

 

  • Frankenweenie :

ce court-métrage est une parodie du film de James Whale. Un enfant dont le chien vient d'être tué par une voiture décide de faire revivre l'animal et joue ainsi les Dr Frankenstein. La créature se révèle là aussi bien difficile à maîtriser.

 

L'ESTHETIQUE EXPRESSIONNISTE

Il est intéressant de replacer le film de Burton dans le cadre de cette esthétique. Les statues du cimetière, les maisons et les rues de la ville d'Halloween (perspectives étranges et "tordues"), les couleurs (ou l'absence de couleurs), Jack qui sort debout de son cercueil au moment où il part distribuer les cadeaux : tout cela relève de l'esthétique expressionniste et notamment des films de Murnau : Nosferatu (1922) et de Robert Wiene : Le cabinet du docteur Caligari (1919) -pour l'esthétique et l'éclairage des rues et des maisons notamment. Des extraits de ces films -mais aussi certains tableaux- permettent de montrer ces similitudes.

Quelques exemples de cette esthétique dont s'est inspiré Tim Burton :

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Affiches du film : Le cabinet du Dr Caligari (1919), le premier grand film d'horreur de l'histoire du cinéma.
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Extrait du Cabinet du Dr Caligari Extrait de Nosferatu

 

CONCLUSION

Dans tous les films de Tim Burton se retrouve ce thème récurrent de la différence, de la solitude. Même lorsqu'il s'attaquera à Batman, film hollywoodien par excellence, il fera de ce dernier un individu solitaire qui s'interroge sur lui-même et souffre de ce qu'il est devenu. Burton rejette le conformisme. Pour autant ses films ne sont pas désabusés, leur issue est généralement positive ; l'humour macabre et débridé dont ils sont empreints et leur esthétique toujours très personnelle en font des films à part et reconnaissables entre tous.

 

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