La farce de

Maître Pathelin

Etude et pratique de la langue dans le cadre d'une oeuvre intégrale
par Janette Sauvage et Antoine Chantecaille, aides-IPR

 

 

SEQUENCE INTEGRALE

 

 

Problématique : LA TROMPERIE EST-ELLE THEATRALE ? LE THEATRE EST-IL TROMPEUR ?

 

 

Séance 1 : Préparer la lecture de l'œuvre (1 heure)

Travail sur un corpus donné à lire à la maison.

Objectif : définir le genre des textes lus , repérer les points communs (thématique de la tromperie, personnages essentiellement animaux , registre comique)

Corpus :

Esope, Du renard et du bouc in Fables , Les Belles Lettres

Fabliau  L'enfant de neige , in Fabliaux, traduction G Rouger, Gallimard

Le Roman de Renart, l'épisode avec le chat Tibert, in Le Roman de Renart (choix de textes), traduction et édition établies par Elisabeth Charbonnier, Livre de poche /

La Fontaine, Le corbeau et le renard , in Fables , livre de poche

 

Séance 2  : Une écriture théâtrale

(1 heure ), lecture d'un extrait photocopié (édition Bordas ) pages 30 à 32, fin de la scène 3.

Après une lecture silencieuse des élèves, on recherche les points communs entre cet extrait et le corpus de la séance 1 , on cherche ensuite les différences :

•  Personnages humains :

On caractérise les deux personnages : qui est Guillemette ? Qui est Pathelin ? Quels rapports les personnages entretiennent-ils ?

•  théâtre

On insiste sur la spécificité du texte de théâtre et on amène un travail sur l'histoire littéraire à partir du titre : farce (origine du mot, sens au théâtre, époque médiévale), anonyme (étymologie du mot) date de la composition (faire utiliser leurs connaissances en histoire), Patelin (adjectif).

 

Travail d'écriture en classe  :

Un jour, Pathelin décida de se procurer des étoffes, pour cela -------

Compléter la phrase amorce (10 minutes), puis lire quelques productions.

Au tableau on fait une synthèse des hypothèses, on élimine les aberrations par rapport à l'extrait.

S'il reste du temps, on procède à la lecture expressive de l'extrait.

Pour la séance suivante on demande aux élèves de lire les pages qui précèdent l'extrait étudié afin de valider les hypothèses.

 

 

Séance 3   : la scène d'exposition (dominante langue)

Retour sur le résumé proposé lors de la séance précédente

Qu'apprend-on dans cette scène qui puisse préciser les hypothèses de lecture ?

 

On travaille alors sur la grammaire de discours :

le jeu de pronoms : JE / NOUS / VOUS / ON

 

indices donnés par les temps verbaux et adverbes

Avant la scène

Au moment de la scène

Après la scène

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lieux

 

Ici

Ailleurs

 

 

 

 

 

Exercice d'écriture :

résumer en 5 lignes cette scène d'exposition de façon à ce que le lecteur comprenne ce qui se passe dans la scène 2 :

un jour Pathelin décida-----

 

On recopie un résumé au tableau ou sur transparent. On compare alors les deux types de textes (la narration et le texte théâtral.)

Sur le classeur on note dans un tableau les différences entre les deux énoncés ancré et coupé (temps, pronoms, indices de lieu et de temps ).

On passe ensuite au bilan : la prise en charge de la narration par un narrateur et le rôle de spectateur

 

Pour la séance 4, apprendre à deux par cœur les lignes 20 à 46 de la scène d'exposition.

 

Autres exemples de sιance de langue

 

 

Séance 4 : Qu'apporte la représentation ?

On travaille sur l'interprétation de l'extrait appris par cœur et on s'interroge sur ce qu'apporte en plus le texte théâtral par rapport au récit et sur l'effet sur le spectateur.

On peut par exemple répondre à des questions comme :

Quel est le caractère de G ? A quoi le vois-tu ?

Quel est le caractère de P ? A quoi le vois-tu ?

Quels gestes et mimiques les personnages peuvent-ils faire ? (rédiger quelques didascalies)

 

Pour la séance 5, lire la réception de M Dimanche dans Dom Juan acte IV, scène 3. Ce texte te rappelle-t-il un moment de l'acte I de la farce ?

 

 

Séance 5  : l'espace scénique : son rôle

Retour sur la lecture de M.Dimanche, Dom Juan , acte IV, scène 3

Travail sur acte II, scène 1

lecture silencieuse de la scène.

Qu'est-ce qui fait rire dans cette scène  ? on recense avec les élèves les moments et les procédés repérés.

On travaille ensuite à partir d'une image page 4 de l'édition Bordas. On demande aux élèves de trouver dans la scène qu'ils viennent de lire un jeu de répliques qui correspondrait à cette image.

On procède ensuite à la lecture de l'image en repérant les différents espaces scéniques. (intérieur/extérieur). Il faut amener les élèves à comprendre que le spectateur voit tout (le trompeur et le trompé) . On peut aborder ici un aspect très spécifique du théâtre du Moyen Age.

On demande alors aux élèves en quoi cet espace scénique amplifie le comique  , ils peuvent imaginer ce que fait Pathelin à l'insu du drapier et de Guillemette.

 

Pour la séance 10, finir la lecture de la pièce.

T'attendais-tu à ce que le berger trompe Pathelin ? (écris ta réponse)

Pour la séance 6 avoir lu jusqu'à l'acte 2, scène 5 incluse.

 

 

Séance 6 : Ce que parler veut dire ( dominante langue)

Travail sur la scène 5 de l'acte 2.

Que se passe-t-il dans cette scène ? qui mène l'action ? (rapidement on amène les élèves à dire que P parle beaucoup)

 
Travail sur le lexique

•  La première étape consiste en un relevé : Recherche tous les mots qui désignent la parole de Pathelin

•  On recherche la classe grammaticale des mots relevés : A quelle catégorie appartiennent les mots que tu as relevés ?

Délirer, chanter, baragouiner, bredouiller, gargouiller, conter des balivernes, jargonner, parler couramment, parler, parler toutes sortes de langues, marmotter, marmonner, ne pas parler chrétien.

•  On observe ensuite les verbes pour un travail sur leur formation : Les suffixes et doublement de consonnes, la dérivation.

•  On demande ensuite aux élèves de réfléchir sur ce que parler veut dire. On peut par exemple proposer : parler c'est ------/ ce n'est pas------

•  On revient alors aux verbes relevés et on cherche leur sens précis dans le dictionnaire . On insiste sur jargonner, verbe qui sera utilisé en séance 8. On opère ensuite un classement selon leur sens.

Délirer / conter des balivernes

Articulation : baragouiner, bredouiller, gargouiller, marmotter, marmonner

Parler

Chanter (polysémie)

Autres langues : jargonner, parler toutes sortes de langues, ne pas parler chrétien.

On ajoute les termes galimatias et onomatopée.

 

Bilan :

Pourquoi tant de termes désignant la parole dans ce texte ? Il s'agit d'un texte de théâtre et d'une farce, et la parole permet de tromper l'autre.

Tout acte de parole fait sens même quand il ne veut rien dire.

 

Lecture cursive à faire à la maison : Tardieu, Les mots inutiles (début)

Quel verbe parmi ceux que nous avons rencontrés conviendrait le mieux pour désigner les paroles de personnages ?

 

 

 

Séance 7 : parler pour quoi faire ?

Le travail sur la langue se poursuit dans cette séance. Après avoir montré l'importance de la parole de Pathelin, on réfléchit à son utilité.

On travaille sur l'extrait suivant acte II, scène 5, lignes 51 à 94 de l'édition Bordas.

Pourquoi Pathelin parle-t-il ainsi ? (il ne veut pas communiquer avec le drapier)

Qu'est-ce qui empêche la communication ? on recherche avec les élèves, par un questionnement on les amène à trouver :

•  La langue employée

•  L'absence de destinataire nettement désigné

•  L'absence de lien ou de reprise d'une phrase à l'autre (on fait remarquer que chaque phrase individuellement fait sens mais qu'il n'y a pas de cohérence entre les phrases donc pas de discours)

•  Une conversation verrouillée : pas de réponse attendue de l'interlocuteur

 

Y a-t-il néanmoins des passages qui prennent sens pour le spectateur et pourquoi ?

Le spectateur sait que Pathelin délire, il est complice, il sait que les injures sont adressées au drapier : douce demoiselle, crapaud, merdaille, face de carnaval .

On profite de l'occurrence de l'expression pour préciser ce qu'est le carnaval au Moyen Age et ce qu'il induit.

 

Travail d'écriture  :

(lignes 50 à 70) Vous réécrirez les paroles de Pathelin à la mode du XXIème siècle, en maintenant leur aspect comique et la complicité qui se noue avec le public.

On explique l'énoncé et on reprend avec les élèves les critères vus en lecture analytique à savoir :

•  Le recours à un jargon propre à notre époque

•  L'absence d'un destinataire défini (utilisation de la 3 ème personne)

•  Des phrases qui ne sont pas reliées entre elles

•  Des injures adressées au drapier

 

 

Pour préciser l'expression « à la mode de  », on revient sur le terme jargon et on propose aux élèves des textes dans lesquels sont utilisés des jargons.

 

Autres exemples de sιance de langue

 

 

Séance 8 : écriture

Les élèves réalisent en classe leur travail d'écriture en s'aidant à la fois des exemples de jargons et du travail de la séance 7.

A la fin de la séance, les élèves lisent leurs productions, il faut vérifier l'effet sur le lecteur.

 

 

Séance 9 : l'imbroglio final (dominante langue)

Travail sur Acte III, scène 3 ;

  1. Que désignent ces pronoms quand ils sont employés par les personnages suivants ?

 

 

personnages

 

pronoms

 

 

A qui parle-t-il ?

 

De qui parle-t- il ?

 

 

Le drapier

 

 

IL………………..

VOUS…………...

 

…………………………………

 

…………B…………….

 

………………A…………………………

 

-------------------.

 

 

Le juge

 

NOUS………

VOUS………

TU……………

IL……………

 

……………………………………………………………………………… 

 

………………………………………………………………………………………---------------------………………C…………………

 

 

 

Pathelin

 

VOUS…………..

TU……………..

IL………………

 

………………………………………………………………………………………..

 

………………………………………………………

……………………………D………………

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On observe et on commente le tableau :

•  la différence entre les deux premières personnes et la troisième

•  Pathelin ne s'adresse pas au drapier

•  Le tutoiement du berger

•  Le « nous » qui dénote la connivence entre le juge et Pathelin

•  La double fonction attribution de certains pronoms et l'ambiguïté qui peut en découler.

 

 

2. Relevez des passages où les doubles désignations surlignées produisent des ambiguïtés

A: L 95 / L96 : confusion du discours dans l'esprit du Drapier

B : L84 / L87 : confusion dans l'attitude du drapier

C : L226/ L227 : la folie du Drapier et du berger sont associées ( on notera l'emploi du mot farce)

D : L 176/L177 : la folie de Pathelin

 

3. On peut après avoir relevé l'ambiguïté du pronom « il », travailler sur des phrases où l'on pourra repérer les variations du pronom lorsqu' il est sujet / COD ou COI

Exemples : l 54 /55 « ---------qu' il lui a volé les laines de ses brebis  »

L 72 : « il le fréquente ; il ne peut pas ne pas le connaître »

On fait repérer que hors contexte, on ne distingue pas les personnages. On fait rédiger un tableau avec les différentes formes du pronom .

 

 

4. Lecture orale et placement dans l'espace de façon à souligner le double emploi des pronoms .

( extrait du début jusqu'à la ligne 90)

 

Le jeu des regards doit être assez serré pour maintenir l'ambiguïté des pronoms.

 

 

 

PATHELIN

 

LE JUGE

 

 

LE BERGER

 

LE DRAPIER

 

 

 

 

 

C) Analyse d'une tirade. L 93 : «  je disais donc ………….. les six écus d'or . » Travail sur le texte en ancien français.

- à quoi servent les points de suspension ?

- les coupures sont-elles aussi nettes dans la version originale en vers ?

Le juge déclare au sujet de ce passage : «  Il n'y a ni rime ni raison dans toute ce que vous dites . »

Partagez-vous son point de vue ?

Qu'est-ce qui peut l'embrouiller dans ce texte lui qui ne connaît pas l' histoire ?

- la progression thématique croisée

- les substituts nominaux

 

Au niveau des substituts on relève :

ce gentil maître / mon berger / il/ il/ mon berger/ il/ Maître Pierre/ ce truand-ci / il / il .

certains s'opposent et provoquent un effet comique .(………..)

Les autres peuvent s'articuler grâce au « il » ou au sens . (……..)

 

Ecriture : En reprenant les éléments du texte vous recomposerez la progression thématique autour de maître Pierre en y ajoutant «  ce truand-ci ».

 

Bilan : Pourquoi le drapier est-il une fois de plus trompé dans cet imbroglio ?

•  parce que ses deux adversaires refusent de dialoguer avec lui

•  parce que Pathelin qui maîtrise le langage donne un sens au croisement des deux thèmes qui va jouer contre le drapier

( « comme s'il disait qu'il le vole (son habit) et qu'il lui a volé les laines de ses brebis « )

•  parce que le drapier ne maîtrise pas la langue.

 

Pour la séance 10 : relire la dernière scène.

Sommaire

 

 

Séance 10 : le trompeur trompé

 

A ce moment de l'étude il convient de faire le point avec les élèves et de vérifier s'ils ont compris la fin de la pièce.

On reprend chacun des actes et on y recherche le trompeur et le trompé en s'appuyant sur le texte. On se rend compte que la structure est assez complexe.

Qui trompe qui dans chacun des actes ?

 

Acte 1 : le drapier trompe Pathelin sur le prix de l'étoffe / Pathelin trompe le drapier

Acte 2 : Pathelin et Guillemette trompent le drapier

Acte 3 : Le berger et Pathelin trompent le juge / le berger trompe le drapier

le berger trompe Pathelin

 

On demande ensuite aux élèves de rédiger une morale à la fin de l'acte 3.

On s'interroge sur le sens du mot morale «Une morale est-elle morale ? », en revenant par exemple au corpus de départ.

 

Les élèves lisent leurs propositions et on argumente, on s'interroge sur le caractère moral de la pièce, on insiste sur la satire sociale.

On peut préciser que la critique porte sur l'injustice, la cupidité, l'abus de pouvoir du langage, la tromperie comme système social .

 

Dans un dernier temps, on revient à la question posée à la fin de la séance 6 afin de s ‘appuyer sur la première impression de lecture .

On demande à ceux qui avaient deviné sur quoi ils s'appuyaient, pour les autres, on se demande pour quelles raisons ils imaginaient que Pathelin resterait impuni.

 

Lecture cursive :

On peut demander aux élèves de lire une autre farce : La farce du cuvier ou Le pâté et la tarte .

On peut ensuite les faire échanger en classe à partir d'une question : « Quelle farce préférez-vous ? », on montrera ainsi que la farce de maître Pathelin est plus intéressante parce que les personnages ont davantage d'épaisseur psychologique et que l'intrigue est plus complexe. On conclura sur la place de ce texte dans l'histoire littéraire .

 

 

 

Evaluation finale  : Pathelin, de retour chez lui doit répondre aux questions de sa femme sur la réussite du procès.

A toi d'imaginer la scène . Quelle sera l'attitude de Pathelin ? Comment Guillemette va-t-elle réagir ?

 

La grille d'évaluation est fabriquée avec les élèves, on rappelle notamment qu'il faut respecter :

  • La spécificité du texte de théâtre
  • La situation d'énonciation (vouvoiement des personnages, temps, adverbes----)
  • Le caractère des deux protagonistes (on renvoie aux scènes où Guillemette apparaît)