Occurrences du nom "bifteck" dans la nouvelle.


Il éprouva de nouveau une sensation de faim non satisfaite.

- Bon sang ! Ce que je mangerais volontiers un morceau de bifteck ! murmura-t-il avec un juron étouffé et en serrant ses poings énormes.


II m'a dit qu'à son avis Sandel te battrait ce soir, et que nous lui devions déjà une somme rondelette. Tom King grogna, mais ne répondit point. Il songeait à certain bull-terrier que dans sa jeunesse il avait nourri de biftecks pendant un temps considérable. En ce temps-là, Burke lui aurait fait crédit pour un millier de biftecks. Mais les temps étaient changés. Tom King devenait vieux ; et les vieux boxeurs, qui font assaut dans les clubs de second ordre, ne peuvent s'attendre à de gros crédits de la part des commerçants.


Il s'était éveillé ce matin-là avec le désir d'un morceau de bifteck, et ce désir persistait. Il n'avait pu s'entraîner comme il faut pour le combat actuel. La sécheresse régnait cette année en Australie ; par ces temps durs, le travail, même le plus irrégulier, était difficile à dénicher.


D'ailleurs, dès le début, ses forces avaient été insuffisantes. Ses jambes s'alourdissaient sous lui et il commençait à y éprouver des crampes. Il n'aurait pas dû faire ces deux kilomètres à pied. Et puis ce bifteck dont il avait eu envie toute la matinée ! Une grande et terrible haine s'éleva dans son cœur contre ces bouchers qui lui avaient refusé tout crédit. C'était dur pour un vieil homme d'aller se battre sans avoir mangé à sa suffisance ! Un morceau de bifteck, c'est si peu de chose ! Cela vaut quelques pence tout au plus, mais pour lui ce peu de chose représentait trente livres.


Sandel se dégagea du corps à corps en essayant de s'équilibrer sur le cheveu qui sépare la défaite de la survivance. Un seul coup bien asséné le renverserait une fois pour toutes. Tom King, dans un éclair d'amertume, repensa à ce morceau de bifteck et regretta de ne pas l'avoir derrière le coup de poing qu'il devait appliquer à toute force. Il se raidit dans l'effort, mais le coup ne fut ni assez lourd ni assez rapide. Sandel oscilla sans tomber : il recula en titubant jusqu'aux cordes et s'y retint. Tom King le suivit en chancelant et, dans une angoisse mortelle, lui décocha un nouveau coup. Mais son organisme venait de le trahir. Rien ne subsistait en lui qu'une intelligence combative et voilée par l'épuisement. Le coup destiné à la mâchoire n'atteignit que l'épaule. Il avait voulu le loger plus haut, mais ses muscles éreintés ne lui obéissaient plus. Et, sous le choc en retour, Tom King lui-même vacilla et faillit tomber. Il essaya encore. Mais cette fois, le coup rata complètement, et, par faiblesse pure et simple, King s'accola en corps à corps contre Sandel, se cramponnant à lui pour s'empêcher de rouler à terre.


Ah ! le morceau de bifteck lui aurait permis de s'en tirer ! II ne lui avait manqué que cette petite chose au moment décisif, et il avait perdu ! Ses seconds le soutenaient à moitié pour l'aider à quitter la plate-forme. II s'écarta d'eux, se faufila sans aide à travers les cordes, puis sauta lourdement sur le plancher et les suivit sur les talons pendant qu'ils lui frayaient un chemin dans la foule encombrant l'allée centrale.