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Etude du Livre VI. Chap. III, VI & VII de l'Ethique à Nicomaque d'Aristote : Peut-on parler d'une "vérité pratique" ?

mis à jour le 10/09/2007


vignette Aristote philosophie

La valeur de vérité n'a pas seulement un sens logique, ou même, plus généralement théorique et spéculatif. N'y a-t-il pas au contraire différents régimes de la rationalité ? Nos actions en effet n'ont-elles pas également besoin d'un éclairage théorique, mais capable, non de contempler des vérités nécessaires et éternelles, mais de s'ajuster aux particularités et aux contingences qui forment le milieu même de l'existence humaine, milieu individualisé et soumis au temps et au devenir ? Qu'est-ce alors qu'un savoir éthique, et quel rapport entretient-il avec la science ou la « sophia » contemplative ?

mots clés : vérité, technique, morale, opinion, art, désir, intuition, temps, démonstration


Etude du Troisième chapitre de l'Ethique à Nicomaque, Livre VI. d'Aristote

Le texte

Lire

L'étude


Etude des deux premiers paragraphes, p. 280 (« Reprenons (...) erreur »).
La note 1 de J. Tricot est contestée : « ces dispositions » seraient plus vastes que « les vertus dianoétiques ».
Une question est posée sur l'éventualité d'un rapport aux Réfutations sophistiques, à propos du terme dianoia ; cette question évoque chemin faisant le statut « inférieur » de la dialectique et est donc l'occasion de préciser que les termes aristotéliciens sont toujours à contextualiser : il est difficile  par exemple de dire, au vu des différents usages de « dialectique », que la dialectique a toujours un statut « inférieur » dans la pensée aristotélicienne.
On peut néanmoins affirmer que dialectique et dianoia n'ont pas même statut que chez Platon. Chez Platon, la dialectique permet de parvenir à ce que Aristote appelle l'intuition des principes mais, toujours chez Platon, noùs et dianoia s'articulent. Aristote s'intéresse à la relation noùs / dianoia plutôt qu'au rapport dialectique / dianoia.
Avec Aristote, on se situe plutôt dans la dialectique au sens de dialekton, la parole. Le fait que le dialekton soit le caractère spécifique de l'homme (distingué de la phonè) n'implique-t-il pas une dimension dialectique du logos ? Le vrai s'affirme alors soit sous la forme d'une affirmation, soit sous la forme d'une négation (deuxième ligne du deuxième paragraphe). Affirmation et négation constituent alors des modes d'expression fondamentaux de la vérité. Toute énonciation de la vérité prend la forme soit de l'affirmation, soit de la négation. Le logos aristotélicien présente donc bien une dimension dialectique.
Précisons les termes grecs qui correspondent aux cinq « états » de l'âme énonçant la vérité (deuxième paragraphe, p. 280) : technè (art), épistémè (science), phronésis (prudence), sophia (sagesse), noùs (raison intuitive). Problème : d'autres éthiques (à EudèmeGrande morale) intègrent le jugement (upolepsis). Le jugement est ici évoqué avec l'opinion (doxa), ce qui est l'occasion de préciser que, si la doxa n'est pas toujours négative chez Platon (chez qui il existe une opinion droite), c'est a fortiori le cas chez Aristote. Le fait même d'utiliser dans un même mouvement textuel upolepsis et doxa montre qu'elles ont rapport au vrai.

Suite et fin du troisième chapitre :
Ce passage est centré sur l'analyse de l'épistémè, en rapport avec l'induction (épagogè) : c'est la fondation des déductions dans le domaine des épistémata (= des objets de science) qui est en question dans cet extrait. L'induction fait problème car elle n'est pas réductible à la généralisation à partir de l'expérience, c'est-à-dire à son sens « courant » dans le cadre des sciences expérimentales. Cela dit, selon le contexte, c'est parfois tout de même à partir de certains cas donnés dans l'expérience qu'il y a épagogè ; pourtant, le plus souvent, l'épagogè est saisie immédiate : elle est une vision qui est le principe des déductions : une sorte d'intuition. Un collègue suggère alors de distinguer l' « induction empirique » de l' « induction noétique » pour évoquer cette difficulté.

Une question est posée sur un parallèle possible entre ce texte et le Discours de la méthode, dans la mesure où la morale par provision recommande d'éviter l'excès, un peu à la manière de la détermination d'une médiété (première maxime : « me gouvernant (...) suivant les opinions les plus modérées, et les plus éloignées de l'excès », édition Alquié, tome 1, p. 592-593).
Certes, cette perspective peut être mentionnée mais, en un sens, sans doute faut-il se garder d'en rester à la morale par provision lorsqu'on évoque la morale d'un Descartes par ailleurs auteur des Passions de l'âme. Et, de plus, si l'on tient à tisser des liens entre la pensée de Descartes et celle d'Aristote, sans doute serait-il opportun d'aller chercher du côté de l'évidence. Par exemple, dans le développement de sa conception de l'évidence, Husserl part d'un socle « cartésien » que l'on pourrait déjà trouver chez Aristote (l'épagogè est un « voir »), ou même chez Platon, lorsqu'il évoque la saisie de l'anhypothétique.

Retour au mouvement du texte :
A ce stade de notre lecture, il y a diverses manières d'alètheuein : par la science démonstrative, dans l'ordre de la déduction à l'œuvre dans le syllogisme, et par l'intuition des principes, autorisée par le noùs, ces deux registres définissant la vérité pratique ; par la technè et la phronésis, qui relèvent de la vérité pratique.
Le texte part de la nécessité (anankè) : « les choses dont nous avons la science ne peuvent être autrement qu'elles ne sont » (p. 280) ; il s'agit ensuite de « voir » cette nécessité, de voir que ces réalités existent nécessairement, d'où leur éternité (un parallèle avec la pensée kantienne est ici envisageable, dans la mesure où les catégories logiques de la modalité sont pensées comme des modes de « remplissement » du temps), d'où leur caractère inengendré et incorruptible (haut de la p. 281).
Ce passage du texte dévoile un autre grand caractère de ces objets susceptibles de science : on peut les enseigner et donc les apprendre (p. 281). Ce caractère-là conduit à une division des facultés de l'intellect. Tout enseignement donné vient de connaissances préexistantes.
On est ici proche de la réminiscence platonicienne ; on objectera néanmoins que cette thématique suscite l'agacement d'Aristote : plus justement, il conviendrait de dire qu'Aristote s'agace de la réminiscence comme réponse chez les platoniciens mais que, chez Platon, la réminiscence comme question qui oblige à s'interroger a toute sa considération.

Une conclusion s'amorce avec « Ainsi », p. 282. Apodeixis y est traduit par « démontrer ». Précisément, la science démonstrative n'est acquise que par celui qui est capable de produire des syllogismes et des intuitions : il s'agit de conclure, à partir de prémisses (vraies) données et de voir. Dès lors, la démonstration entendue comme simple déduction est-elle bien la forme par excellence de la vérité ? Au vu de ces textes, ce n'est pas sûr : en rester au stade de l'inférence formellement valide, c'est manquer l'apodicticité comme telle qui réclame le travail d'intuition. Ne savoir que conclure, sans savoir intuitionner, ne déboucherait que sur une connaissance accidentelle du vrai.

Une précision est ensuite fournie sur les objets susceptibles de science : il ne s'agit pas simplement des objets mathématiques (sur ce point, consulter les pages où Kant évoque la construction des concepts propre aux mathématiques, posant de ce fait même la question de savoir si la vérité mathématique est réductible à une vérité purement logique). Ce texte d'Aristote pose le problème du statut de la logique : Aristote n'admettrait pas que l'on néglige l'intuition des principes, ce qui pose, en même temps que, comme on l'a vu, le problème de l'intuition au cœur même de la compréhension déductive, celui du rapport entre le logos et l'être, autrement dit du rapport entre le logique et l'ontologique (cf les Catégories, qui développent les structures du discours / De l'interprétation, qui évoque l'être du logos). La question de la vérité met alors en jeu la capacité de mettre quelque chose (ici, le logos) en relation avec quelque chose d'autre (dans ce contexte, l'être). A l'inverse, le Descartes des Regulae se situe dans l'ordre d'une césure vis-à-vis de la tradition aristotélicienne, dans la mesure où son cheminement ne convoque que la raison, sans l'ordre de l'être (c'est-à-dire : que la raison, sans genres de l'être garantis par l'ontologie). Mais  la question du fondement des relations de la raison à l'être se posera chez Descartes, conduisant des Regulae aux Méditations métaphysiques (sur ce trajet, qui même d'un auto-éclairage de la raison en terme d'ordre et de mesure à celui de l'ordre de l'être, on consultera avec profit les travaux sur Descartes de P.Guenancia).
 

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information(s) pédagogique(s)

niveau : Terminale

type pédagogique : leçon

public visé : élève, étudiant, enseignant

contexte d'usage : classe

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