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comprendre l’échec scolaire – Stéphane Bonnéry

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Stéphane Bonnéry propose dans cet ouvrage de « comprendre l’échec scolaire » non comme le résultat d’une « fatalité » ou de seuls déterminismes sociaux structurels, mais en portant une attention particulière aux interactions et à la mise en œuvre des dispositifs pédagogiques au sein mêmes des classes.

Stéphane Bonnéry est maître de conférences en sciences de l'éducation à l'université Paris-VIII et membre de l'équipe de recherche ESSI-ESCOL. Il propose dans cet ouvrage de « comprendre l’échec scolaire » non comme le résultat d’une « fatalité » ou de seuls déterminismes sociaux structurels, mais en portant une attention particulière aux interactions et à la mise en œuvre des dispositifs pédagogiques au sein mêmes des classes. Partant du constat que les enfants désignés comme étant « en grandes difficultés » ne l'étaient généralement pas à l'école primaire, le sociologue choisit de s'intéresser à la transition entre école primaire et collège en suivant 16 élèves lors de leur dernier trimestre de CM2, et durant leur année entière de 6e (dans deux collèges au recrutement massivement populaire).

Si l'institution scolaire traite surtout le « comportemental », les difficultés d'ordre proprement intellectuel rencontrées dans les processus d'apprentissage s'avèrent en réalité essentielles pour comprendre la construction de la « grande difficulté scolaire ». Divers dispositifs pédagogiques sont analysés (mises en activité des élèves, cours dialogués, situations-problèmes, tableaux de synthèse…) et mettent en évidence des cadrages inadéquats des activités (à la fois pas assez cadrés tout en étant morcelés en mini-tâches) qui facilitent les malentendus sociocognitifs. Les élèves suivis, loin d'adopter les postures cognitives d'appropriation des savoirs requises et adoptées spontanément par les élèves fortement dotés en capital scolaire et culturel, mobilisent des attitudes de conformité aux signes extérieurs de l'étude : ils obéissent aux consignes et cherchent à parvenir au résultat juste de l'exercice, sans imaginer que ce qu'on attend d'eux ne s'en tient pas là. Ils sont dès lors incapables de « décontextualiser / recontextualiser » le savoir dans différentes tâches. Simplement « mis en présence » des savoirs, ils ne sont pas « mis en travail » ce qui ne leur permet pas d'apprendre à s'approprier les savoirs de manière réflexive.

Si au primaire ce malentendu est limité par la valorisation fréquente des attitudes de conformité, au collège, quand les encouragements se font plus rares, l’attitude de conformité ne suffit plus : l’incompréhension et le sentiment d’injustice grandissent pour ces élèves face aux verdicts scolaires négatifs. Ainsi, un des élèves observé par le chercheur qui a passé de longues heures à mémoriser un tableau de classification d’animaux entre vertébrés et invertébrés se sent « trahi » par l’enseignante, qui, lors du devoir demande de classer d’autres animaux que ceux étudiés en classe. Constatant que d'autres élèves y « arrivent », il conclut que ceux-ci avaient été mis au courant avant le devoir. Bien entendu, le délit d’initié dénoncé par cet élève est d’un tout autre ordre ! Il en va de même des activités qui partent de l’expérience des élèves et de leur quotidien (utilisées justement très souvent motiver « ces élèves là »). L'institution scolaire exige en effet aujourd’hui de plus en plus des élèves qu'ils ne se contentent pas de retenir des savoirs pré-scolarisés, mais qu'ils « construisent » eux-mêmes le savoir, ce qui signifie qu’ils doivent à la fois identifier, comprendre, institutionnaliser, scolariser et apprendre. Ici les enseignants postulent implicitement que la conversion des élèves de leur rôle d'enfants à celui d'apprenants (capables de transformer l'expérience ordinaire en connaissance dépersonnalisée) se fera naturellement, sans pour autant leur donner vraiment les moyens de le faire ou bien de préciser explicitement cet objectif. Ces élèves sont ainsi « leurrés » par l'apparente familiarité que les enseignants mettent en œuvre dans l'intention de les guider vers un savoir réflexif.

L'auteur s’intéresse ensuite aux différents agents de socialisation avec lesquels les élèves sont en contact (pour l’essentiel leur famille et les groupes de pairs : « copains de quartiers ») et les éventuelles oppositions qui peuvent découler des pratiques et comportements valorisés dans ces groupes, et généralement sanctionnés négativement à l’école. La « valorisation des origines » des élèves mise en œuvre avec bienveillance par les enseignants s’inscrit également souvent dans une logique de reconnaissance et de motivation des élèves issus des classes populaires. Mais cette valorisation peut se retourner contre l’institution scolaire lorsque les difficultés surviennent au collège. Cela peut en effet conduire ces élèves à adopter une lecture « ethnicisée » du conflit qui les oppose à l'enseignant et aux « bons » élèves. On retrouve ainsi bien souvent une distinction entre « Eux » (les professeurs, les bons élèves) et « Nous ».

Enfin, dans le dernier chapitre, l'auteur s'intéresse aux « spirales de l'échec », décrites ici comme un processus qui conduit un élève considéré comme « normal » à se retrouver désigné comme « élève en difficulté ». L’auteur insiste sur la dimension séquentielle du processus et surtout la diversité des trajectoires à travers 6 parcours distincts qui vont du décrochage silencieux ou différé jusqu’à l’escalade conflictuelle. Il n’y a ainsi aucune fatalité dans la construction de l’échec scolaire et il est impossible de détecter de manière précoce « des élèves à problèmes » car il s’agit bien d’un processus co-construit au sein même du système scolaire. Voilà pourquoi en conclusion, l'auteur invite à évacuer tout fatalisme, aussi bien sur le plan politique que dans les dispositifs pédagogiques. Il faut rendre explicite ce qui se passe à l’école, ce qui passe nécessairement par une réelle remise à plat des dispositifs pédagogiques et de leurs effets démocratisants. Il s’agit aussi de repenser la posture enseignante comme inscrite plus largement dans un contexte général de conflictualité sociale.


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