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apprendre à chercher en arts plastiques

Qu'est-ce que chercher en arts plastiques ?

apprendre à chercher en arts plastiques

Un réflexion pédagogique et didactique à partir d'une situation d'enseignement en réseau d'Éducation prioritaire.

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Qu’est-ce que chercher pour des élèves en arts plastiques ?

 

L’enseignement des arts plastiques c'est avant tout "enseigner des problèmes" et non des résultats pour citer Bernard MICHAUD 1 ; donc c’est enseigner à problématiser autour d'une situation plus ou moins balisée selon le degré d'apprentissage de l'élève. Ces balises, posées par l’enseignant sont d’ordres plastiques, techniques, temporelles, spatiales,….

Chercher induit un certain ENGAGEMENT de la part de l'élève. Pour permettre cet engagement, l’enseignant doit mettre en place un cadre et un dispositif qui le permettront. Le cadre correspond à l’atmosphère de travail des élèves et prend en compte autant la confiance réciproque entre le professeur et l’élève que l’organisation matérielle et spatiale de la classe. Le dispositif, pour sa part, doit être questionnant. Sans question, l’élève n’entrera pas dans une phase de recherche.

Chercher en arts plastiques passe aussi par le tâtonnement, l’expérimentation voire le « tâtonnement expérimental » (Freiner). Cela sous-entend différents degrés de recherche et d’engagement. L’enseignant visera pour l ‘élève, la capacité pour lui d’aller de l’intention à la réalisation de manière autonome.

Mettre l’élève en position de chercheur en Arts Plastiques, c’est lui permettre d’ACQUÉRIR des RÉFLEXES , des ENVIES et de l’EXPÉRIENCE et des CONNAISSANCES qu’il saura exploiter dans d’autres contextes.

 

Est-ce difficile de faire chercher les élèves en Éducation Prioritaire ? Pourquoi ?

 
La difficulté est d'enclencher ce mouvement de l'esprit chez l'élève . Cette opération est possible si plusieurs éléments sont en place car l’élève se lance dans une « enquête ». Pour que cela ne soit pas décourageant, il faut que l’élève ait conscience que le problème posé est construit sur des éléments qu’il connaît, que l’on a découvert en classe au préalable. L’élève en éducation prioritaire doit, plus qu’un autre, être rassuré explicitement sur ce point : le problème est alors repéré ! Le cheminement de pensée de l’enseignant dans l’élaboration de la construction de savoirs doit être explicité (progression spiralaire).

Un autre point semble également important: l’organisation de l’espace de la classe (l’atmosphère de travail). Cette organisation doit permettre à l’élève en EP d’être autonome et à l’enseignant de le laisser travailler en toute confiance. Cette organisation doit être balisée et réajustée si besoin en fonction des situations d’enseignement dans un soucis d’efficacité, de concentration, d’autonomie de l’élève mais aussi de sécurité (pistolets à colle, scies, ...)
 
 

Pourquoi faire chercher les élèves ?

 

L'expérience intime de la recherche réflexive et plastique permettra à l’élève de comprendre et donc d’apprendre de ses gestes. Enseigner les arts plastiques c’est «enseigner les arts par la pratique » et non l’histoire de l’art. L’expérience de la pratique (exploratoire ou aboutie), du FAIRE permet de mieux saisir les enjeux de la MATIERE, de la FORME, des GESTES, ….. donc de mieux les saisir dans les œuvres rencontrées. Faire chercher les élèves en arts plastiques, c’est leur donner la possibilité de se forger les clés de compréhension des œuvres qu’ils croiseront plus tard. 

Pour permettre à l’élève d’entrer dans la situation proposée par l’enseignant, il est important de construire le cours sur les prérequis des élèves. Ils apporteront la confiance qui manque cruellement chez les élèves d’EP.

Démarche expérimentée en 6ème, à la fin du premier trimestre:



Alexandre, Tugba, Enzo, Killian
 

Prérequis : Il s’agissait de réaliser une trace photographique d’une installation constituée de petites sculptures pensées pour être projetées. Elles avaient été conçues dans ce but par les élèves et un questionnement autour de la MATERIALITE était en jeu. 

Le dispositif du cours se déroule dans le noir mais éclairé avec des lampes de poche. L’éclairage entraîne des déformations, des agrandissement, des nuances de gris que les élèves découvrent. Le croisement des éclairages fait apparaître des dédoublements amusants. Les élèves ont pour consigne de réaliser une photographie qui permettra de garder en mémoire cette expérimentation. Si certains îlots décident de réaliser plusieurs photographies, ils devront se mettre d’accord pour n’en présenter qu’une et devront expliquer leur choix.

Les photographies révélaient des cadrages différents : certaines se concentraient sur les ombres, d’autres sur l’ensemble du dispositif tandis que d’autres élargissaient la prise photographique à la manipulation des lumières par les élèves du groupe. Ce constat a abouti à une réflexion sur le statut de ces images qui semblaient parfois documentaires et parfois artistiques …. mais plus largement, elles questionnaient aussi le statut de l’installation : où est l’œuvre ? Est-ce les sculptures ? Les ombres ? ou le tout?)


Mohammed, Melissa, Jean

La séance suivante des œuvres de LORIOT et MELIA sont présentées mais également de CALDER, de De LA TOUR,…. 

Partant de cette expérience photographique (premières manipulations et questionnements), je lance une nouvelle situation : 

Mise à disposition de 10 bouchons blancs pour chaque îlot (groupe de 4 élèves) + appareil photo + une incitation "illusion d'abondance" inscrite au tableau. 

Il s’agira alors de préciser le questionnement : Que va t-on faire aujourd’hui selon vous ? Quel va être l’objectif de la séance ?

Très rapidement, les élèves posent les questionnements suivants :

  • Comment donner l’illusion qu’il y a plus que 10 bouchons ? Qu’il y en a une infinité !
  • Comment tromper le spectateur sur la quantité de bouchons?


 

Les élèves expérimentent le cadrage photographique (contre-plongée, hors-cadre, point de vue rasant, …). Une notice d’utilisation de l’appareil photographique est présente pour chaque groupe et permet de comprendre l’usage des fonctionnalités principales de l’appareil (zoom, recadrage, filtres,...) 

Des solutions sont trouvées et des liens avec les photographies de la colonne sans fin de BRANCUSI sont naturellement enclenchés. En effet, les élèves ont étudié cette œuvre quelques mois plus tôt dans le cadre de recherches personnelles imposées (5 œuvres majeures par an)

Avec les prérequis évoqués, les élèves cherchent sans appréhension. L’usage de l’appareil photo dans le cadre d’une trace photographique détourne les appréhensions de l’élève quant à son utilisation mais aussi des exigences et des questionnements de cadrage. Par l’expérience de la pratique, l'élève comprend plus rapidement les enjeux du cadrage d'une image et son pouvoir de "trahison".

 




 



Quelle posture, quels gestes professionnels de l'enseignant pour favoriser la mise en recherche des élèves?

 

Les problèmes proposés doivent être justement "balisés". L'élève ne doit pas considérer la démarche trop simple ou trop complexe pour avoir envie de s'y atteler. La difficulté se situe dans ce dosage. Mettre l'élève en position de chercheur c'est lui permettre d'acquérir des réflexes, des envies, … de l'expérience qu'il saura exploiter dans d'autres disciplines ou dans d'autres situations plus ou moins proches dans le temps.  

Par ailleurs, la place de l’enseignant durant la phase de recherche se situe à plusieurs niveaux : 

  • Il CONTRÔLE l’organisation spatiale, matérielle et temporelle de la situation 
  • Il OBSERVE, aiguille, ajuste tel un « chef d’orchestre »… Cela demande un peu d’expérience….  

La place de l’enseignant se situe entre RETRAIT et PRÉSENCE. Se déplacer dans la classe, se mettre en retrait pour observer, prendre la parole (de manière individuelle ou collective) permet de réajuster une situation ou faire intervenir un élève ….  

La construction des savoirs nécessite de la part de l’enseignant d’endosser le rôle de pilote, cela peut induire également un ajustement face à telle ou telle situation.  

En arts plastiques, les réponses possibles sont multiples et l’enseignant assiste à des "surprises". Il faut alors les «faire vivre » et s’en servir. S’en emparer induit une capacité d’ajustement et d’adaptation constante. 

C’est alors que la « mise en mots » du FAIRE de l’élève, du groupe ou de la classe va leur permettre de prendre conscience de ce qui a été fait. Ce moment de verbalisation est une « prise de conscience provoquée »2 par l’enseignant. C’est un exercice difficile à mener pour l’enseignant car il faut dépasser la description du visible pour tendre vers une « parole incarnée ». Pour cela, l’enseignant doit, durant son retrait, observer, capter les événements qui se produisent afin de guider l’élève vers ce qu’il a vécu.

Dominique BOUCHETON écrit dans l’Agir enseignant que la verbalisation à trois objectifs pour l’enseignant : celui de s’informer sur la pratique de l’élève, d’aider l’élève à s’auto-informer et à former l’élève à s’auto-informer !

 

virginie michel 
collège La Ville aux Roses - établissement REP


 

1 - Bernard MICHAUD, Conférence lors d’un stage de didactique en 1990, Sèvres.

2 - Pierre VERMERSCH, L’entretien d’explicitation, 1994

 

 

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Pour en savoir plus

 
Apprendre à chercher dans toutes les disciplines

Une formation académique dédiée aux démarches d’investigation en éducation prioritaire, 5 et 6 mars 2019
 


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