Contenu

arts plastiques - InSitu

Recherche simple Vous recherchez ...

espace pédagogique > disciplines du second degré > arts plastiques > articles > didactique des arts plastiques

didactique

du dessein au dessin (Jean-Pierre Marquet)

didactique2.jpg

Le dessin se cache et se retrouve partout et nulle part en même temps. Quelle place lui accorder ? Comment passer d'une approche intuitive à une démarche mettant en évidence ses caractéristiques ?


" Dans mon cas, peindre et dessiner ne font qu'un ". Henri Matisse

Le professeur d'arts plastiques en collège entend souvent « je ne sais pas dessiner » ! Cette ritournelle de l'élève soulève en fait plus un problème de définitions car souvent il ne s'agit pas réellement de dessin mais plutôt d'une représentation figurative de la réalité et de l'image que l'élève aimerait réaliser à l'aide d'un crayon, mais dont le résultat le déçoit souvent ...


En arrivant en cours d'arts plastiques l'élève se met souvent en difficulté lui même confondant dessin et image. Le rôle du professeur d'arts plastiques est de lui donner les moyens de prendre conscience que le dessin et la représentation ne sont pas systématiquement associés. Le dessin se cache et se retrouve partout et nulle part en même temps, il est souvent présent de manière implicite, mais les verbalisations mettent rarement l'accent sur des questions qui lui sont propres.


Quelle place lui accorder ? Comment passer d'une approche intuitive à une démarche mettant en évidence ses caractéristiques ?
C'est autour de ces questions que les professeurs d'arts plastiques en collège travaillent aujourd'hui en construisant des leçons sur le dessin non pas en une séance mais tout au long de la scolarité, et ce à travers diverses approches .

Du dessein au dessin, en passant par la peinture.

Dans les textes du programme, le dessin apparaît plus ou moins de façon cachée...au point de croire il en est, à l'instar de la peinture, LA notion à l'œuvre en permanence dans toute production traversant ainsi toutes les autres notions, bref, on fini par croire que le dessin est quelque part...inévitable.

En arrivant au collège, la plupart des élèves commencent leur travaux par un dessin au crayon. La peinture vient souvent dans un deuxième temps pour le remplissage de formes préalablement tracées. Pour cette mise en couleur, les crayons de couleurs, les feutres et les pastels ont d'ailleurs plus souvent leurs faveurs. Le dessin est figuratif, illustratif, narratif et apparemment plus simple d'utilisation. En effet, le crayon permet plus de précision, de maîtrise que le pinceau et surtout s'ils ratent, les élèves gardent une possibilité de recommencer en effaçant. Ils aiment aussi les dessins bien faits.


Beaucoup d'élèves semblent avoir « peur » de la peinture et du pinceau. (Réminiscence du 1er cycle ? ou nature de l'enfant qui cherche avant tout à reproduire la réalité) Cette « peur » va cependant entraîner des écarts, des maladresses techniques, des imperfections qui gâcheront le dessin préliminaire. La peinture, c'est l'accident de parcours, la tache ou la coulure qui n'était pas prévue... Associée à l'idée d'une mauvaise qualité, la peinture devient le synonyme d'une mauvaise note : " Si je mets de la peinture, j'aurais une mauvaise note ! "


La peinture devant être souvent figurative, les élèves prétextent le manque de temps d'effectuation pour parvenir à un résultat de qualité. Rares sont ceux qui associent la peinture à un geste rapide et spontané, et à une matière . Dans le meilleur des cas, la peinture prend de la valeur à leurs yeux en tant que fond coloré sur lequel ils pourront à nouveau dessiner au crayon.

Parfois quand l'élève peint, il fait du dessin, et vice versa quand il dessine il peint, mais le sait-il ?


Les notions liées au dessin et à la peinture sont très souvent confuses dans l'esprit des élèves. A quel moment s'agit-il d'une peinture et /ou d'un dessin ?


Des termes à définir... par la pratique.

Pour une meilleure approche des questions liées au dessin et à la peinture, il convient de donner une définition des termes Dessin et Peinture.

Le dessin est une représentation ou suggestion des objets sur une surface à l'aide de moyens graphiques, une représentation de la forme, et éventuellement des valeurs de lumière et d'ombre plutôt que de leur couleur. Il est question de :" dessin rapide, esquissé " (croquis, ébauche, esquisse ).et de " Mauvais dessin " ( gribouillage, griffonnage ). Un art qui enseigne et utilise la technique, les procédés propres à organiser une surface par des moyens graphiques. Le dessin c'est le profil, l'aspect linéaire et décoratif des formes naturelles (contour, ligne, figure, forme ).

La peinture c'est une matière colorante, liquide propre à recouvrir une surface, constitué de pigments de couleurs dispersés dans un liant fluide ou pâteux et destiné à sécher. L'art de peindre c'est l'opération qui consiste à couvrir une surface de couleur. Ou encore la représentation, suggestion du monde visible ou imaginaire sur une surface plane au moyen de couleurs ( une description, une évocation ).Il est question de "peinture à l'huile, à l'essence, à l'eau, à l'acrylique ", de " mauvaise peinture " (barbouillage, gribouillage ) et de " projet de peinture " (ébauche, esquisse, étude ).

Ces définitions, plus scientifiques qu'esthétiques nous sont livrés par les dictionnaires Larousse et Robert.

Pour l'occidental dont la culture est issue majoritairement de la pensée gréco-romaine, confrontée par la découverte de la planète et de la perspective remise au goût du jour à la Renaissance, le volume est suggéré par des valeurs réalistes de lumière et d'ombre ( dégradé). Les valeurs ne sont pas d'ordre plastique mais obéissent à ce que l'observation visuelle propose.


Pour l'oriental au contraire, le trait modulé définit la forme, et les valeurs ont un caractère plastique ( tache, surface,...) et non aérien. L'orient restitue la nature non par l'observation et la transcription directe mais par une analyse mentale et une exécution sans repentirs.


Par exemple l'eau dessinée ou peinte par un occidental est liquide, brillante et reflète son environnement. Pour un oriental, l'eau est suggérée par la présence d'une embarcation ou de roseaux mais sans reflet. L'eau est comme l'espace, en réalité c'est le support papier.

L'art d'aujourd'hui est riche de dessinateurs en tous genres : Outre Picasso, Matisse et Giacometti, il faut compter aujourd'hui sur une génération d'artistes qui re-pose la question du dessin à travers diverses pratiques. Ainsi aux cotés de Pierre Buraglio, Fabrice Hybert, Raymond Pettibond, Jean-Luc Blanc, Jean-Jacques Rullier, Rosemarie Trockel, Luc Tuymans, David Shrigley et Silvia Bachli pour ne citer qu'eux, on fera référence de plus en plus à des auteurs de bandes dessinées et à des illustrateurs comme Willem, Reiser, Hergé, Sempé, Steinberg, Spiegelman, Gébé, Pajak, ...

Les questions liées au dessin sont encore à l'ordre du jour. Cette introduction par le biais d'une histoire du dessin et de la peinture peut dès lors permettre d'évoquer une problématique.

La peinture cache le dessin. Le dessin cache la peinture. La peinture révèle le dessin et le dessin révèle la peinture.

La problématique artistique s'oriente autour des relations qu'entretiennent le dessin et la peinture : relation de complémentarité, voire de fusion, mais aussi de tension et d'opposition. Il s'établit entre ces deux éléments un véritable jeu de cache-cache, permettant ainsi de soulever par la pratique les notions du devant/derrière, dessus/dessous, visible/invisible, présence/absence, sachant que dans une dernière phase ( de jeu ) la peinture et le dessin pourraient bien ne faire plus qu'un.

propositions

L'objectif de cette séquence de trois séances sera d'amener les élèves à travailler sur les notions de peinture et de dessin et cela à travers l'idée d'un jeu de cache-cache.

- Questions à poser avant les incitations du cours : " Qu'est-ce que le dessin ? Qu'est-ce que la peinture ?"


1.incitation
Je dessine dans la peinture
1 séance de 55 min.

consignes
utilisation de la feuille blanche 24 × 32 cm
technique au choix.

L'incitation avec le dans souligné a pour but de dérouter les élèves, de les perturber dans leurs étapes de travail pour comprendre que le dessin peut aussi naître de la peinture. Le dessin apparaît en effet en grattant dans la matière comme le sous-entend la préposition dans. L'élève découvre qu'il existe différents outils pour dessiner, ces derniers pouvant s'improviser : ils pourront utiliser une paire de ciseaux, le dos d'un pinceau, leurs doigts...

L'incitation " Je dessine dans la peinture " peut être découpée en trois pistes d'analyses possibles :

Je dessine : Les élèves s'interrogent sur la définition du dessin. Est-ce simplement du trait au crayon ?, Vient-il avant ou après la peinture ?, Est-ce uniquement une forme, une illustration, de la figuration ?, Quel sens, quelle signification lui donner ?

dans : Il introduit la peinture en tant que matière avec une certaine épaisseur. (Dans, à l'intérieur,...).

la peinture : Quelle est l'utilité de la peinture ? Quelles sont ses qualités ? A quel moment intervient-elle ? Avant, après le dessin ? Quel est son rôle ?

Il faudra sans doute évoquer les distinctions existantes entre Je dessine dans la peinture, je dessine sur la peinture ou encore je dessine avec la peinture.

références artistiques
- Picasso, Nature morte à la tête antique, 1925
- Klee, Pastorale, 1927
- Tapies, Peinture en relief, 1945, Figure paysage en rouge, 1956, Noir avec des losanges, 1953, Blanc et orange, 1967


2. Incitation
En cachant je révèle

1 séance de 55 min.

consignes
utilisation de la feuille blanche 24 × 32 cm, peinture & dessin.

Révéler : dévoiler, montrer, faire apparaître.

La proposition peut sembler antinomique, elle réunit en effet deux termes contraires : cacher et révéler. C'est sur ce paradoxe que les notions dessin/peinture vont réapparaître. Comment mettre en valeur, tout en cachant, en voilant ? Comment amener le regard à aller voir ce qui se cache derrière ? C'est l'idée de la fresque qui après avoir subi diverses détériorations réapparaît sous les couches du temps. Nous pourrions évoquer également les notions de palimpseste et de repentir qui jouent sur l'effacement et le recouvrement, sur les problématiques du dessus-dessous, du visible-invisible, du cacher-révéler. Nous parlons aussi de la révélation en photographie, de ce moment où l'image apparaît alors que certaines zones sont encore dans l'ombre.

Réponses à envisager en dehors des propos autour du dessin/peinture : L'utilisation du calque pourra être demandé puisqu'il permet de voir en dessous sans pour autant bien distinguer ce qu'il y a au-dessous. Les notions de transparence, mais aussi de flou (manque de netteté) renvoient sur les problématiques du dessous-dessus, l'idée de recouvrement, de couche et de superposition.
Révéler pourra aussi dévoiler des couleurs, un support, de la matière.
En utilisant un système de rabat, il sera évoquer les problématiques ouvert-fermé, recto-verso.

références artistiques
- Seurat, Au concert européen, 1887.1888
- Andy Warhol, Mao Tsé Toung, 1972, Joseph Beuys, 1986


3. Incitation
Je dessine comme je peins

1 séance de 55 min

consignes
utilisation de la feuille blanche 24 × 32 cm, technique au choix.

L'incitation joue ici sur la complémentarité entre le dessin et la peinture, et davantage sur leur fusion évoquée ainsi sur la conjonction comme. Je dessine comme je peins peut devenir en outre un moyen de résoudre le problème du fond et de la forme.
Le comme peut posé des problèmes dans la compréhension du sujet, mais c'est justement cette difficulté qui explique l'intérêt du problème. Le comme signifie pareil. En séparant la feuille en deux avec de chaque côté le même dessin, mais réalisé à l'aide de techniques différentes, les élèves peuvent en effet estimer répondre au sujet.
Il s'agira aussi de penser le pinceau comme un crayon avec les possibilités que cela entraîne : le pinceau n'est plus grossier, il devient aussi précis qu'un crayon. Il autorise la pratique du dessin. Twombly « C'est du crayon. »... ou du pinceau !

Le dessin « Au concert européen » (1887.1888, crayon conté,31.1 x 23.9 cm. New York, the museum of Modern Art.) de Seurat n'est il pas plutôt une peinture tant le trait et la ligne semblent se diffuser dans la matière.


références artistiques
- Vassily Kandinsky, lyrique, 1911, paysage romantique, 1911
- Henri Matisse, Odalisque, 1928
- Alberto Giacometti, portrait
- Gérard Gasiorowsky , les fleurs, 1974-1983
- Jean-Michel Basquiat , in italian, 1983

Comment penser les problématiques liées aux notions dessin/peinture dans de nouvelles propositions, voire à des niveaux de classe différents.

Des incitations du type " Mon dessin c'est de la peinture ", " C'est un dessin de peinture " , ou encore " C'est un dessin fait à la peinture " semblent à priori plus accessibles en terme de réponses de l'élève. Choisir ce type de sujet évite alors de s'engager sur des terrains plus complexes tandis qu' aller vers ce qui pose problème sera plus riche en terme d'apprentissage.

" Je peins sans dessiner " pourrait être envisagée comme une suite et un prolongement au sujet. Ce travail pourra mettre en exergue la pratique du monochrome, le dessin n'étant plus caché ou en dessous, mais presque absent, car certains pourront suggérer que les bords de la feuille dessinent un format.

Changer de format peut aussi donner plus d'ampleur à la démarche, entraînant un travail gestuel sur de grandes feuilles ou à l'inverse un dépassement des obstacles qu'engendre la contrainte du petit. La qualité des supports peut varier, plaçant la texture des matériaux en premier lieu, avec par exemple une recherche sur le tissu, le carton, le rhodoïd...
Le but n'est aucunement d'empêcher l'élève de réaliser un dessin au préalable sur sa feuille. En effet, lorsqu'on choisit de peindre, deux méthodes essentielles peuvent être dégagées : Celle dans laquelle la peinture prolonge le discours amorcé par le dessin et celle où elle autorise un autre propos, indépendant de tout tracé préliminaire. Nous ajouterons que si le dessin préalable ne figure pas sur la feuille blanche, il existe peut-être toujours dans la tête...

La création passe par l'abandon des habitudes. " Ce qui gâche tout ", c'est l'intervention du professeur qui oblige à emprunter des voies que l'on ne désirait pas choisir. L'action du pédagogue va autoriser des démarches polémiques pour permettre à l'élève de découvrir les enjeux particuliers liés au dessin et à la peinture.

 

haut de page

arts plastiques - InSitu - Rectorat de l'Académie de Nantes