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de la représentation à la réalité - interprétation

 le caravage
Michel-Ange Merisi dit le Caravage, peintre italien, 1578-1635.
"Corbeille de fruits", autour de 1597, huile sur toile, 31x47 cm, pinacothèque Ambrosienne, Milan.


Interprétation (ce que je sais, ce que je comprends)


Dès l'antiquité, les peintres ont cherché représenter la réalité de la manière la plus fidèle possible, notamment sous forme de décors en trompe-l'oeil. Pline l'Ancien (23-79) dans un de ses ouvrages d'histoire naturelle (livre XXXV) nous raconte la rivalité entre Zeuxis et Parrhasios pour reproduire la réalité et tromper l'oeil puisque l'on voit ce qui n'est pas.
Le trompe-l'oeil, preuve du savoir faire technique du peintre, nous amène aussi à une réflexion morale sur la crédulité et ses conséquences. Il ne faut pas se fier aux apparences à jamais mensongères.
La nature morte, consacrée à la représentation d'objets inanimés, est un des genres les plus en vogue dans la peinture du XVIIe siècle. Le trompe-l'oeil constitue une part importante de son répertoire.
Au tout début du XVIIe siècle, apparaissent aussi des peintures d'un nouveau genre: les vanités (en rapport avec l'adjectif vain, qualifiant ce qui est vide et illusoire).
La leçon du trompe-l'oeil est claire et les natures mortes de vanités la répètent pendant tout le XVIIe siècle. Se fier aux apparences ne peut que relever de la futilité. Il ne faut pas se laisser abuser et manquer de discernement devant le pièges de ce monde puisque notre existence est transitoire. Mieux vaut se consacrer aux vérités célestes.
Ce sont des allégories de la vie humaine, des méditations sur la mort et la fuite du temps qui passe ainsi que sur la corruption de la vie et la fragilité des sens.
Pour en revenir au tableau du Caravage, la "Corbeille de fruits", on sait aujourd'hui que c'est l'une des rares références absolument certaines concernant l'oeuvre du peintre et les examens scientifiques excluent qu'il s'agisse d'un fragment.
Mais comment peut-on l'interpréter ?
La pomme rappelle Eve et le jardin d'Eden, le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal et symbole du péché originel.
Le trou de ver, ferment de la vie au seuil de la décomposition, insiste sur la vacuité du monde terrestre et appelle à la rédemption.
La feuille flétrie, à droite, peut aussi représenter le caractère éphémère de la vie.
Le message moralisant de la vanité semble pourtant secondaire.
Cette oeuvre est surprenante non parce qu'elle vise l'illusion ou le trompe-l'oeil, pas plus que pour sa valeur allégorique. Pour bien la comprendre, il nous faut revenir à l'analyse plastique.
En fait, la composition relève d'une conception géométrique soigneusement élaborée.
Située légèrement à gauche, la corbeille obéit à la règle du nombre d'or. De même, la feuille dressée représentée elle aussi sur la gauche est exécutée selon des proportions similaires.
Le fond comme le bord de la table sont réalisés volontairement de manière simple et dépouillée.
L'absence d'ombres portées sur le mur permet de rendre plus présente la nature morte qui ainsi se découpe nettement de l'arrière plan. Ce dernier, qui rappelle un mur passé à la chaux, met en valeur le rendu des différentes matières représentées: les fruits, les feuilles, l'osier.
La lumière rasante n'ajoute pas au réalisme mais souligne les formes, les éléments se dessinent, se découpent, émergent.
Le peintre joue avec les contrastes: contraste des grandes feuilles sombres sur le mur clair, contraste entre une simplification des formes, une facture presque abstraite de certains éléments et un réalisme extrême.
Caravage exclut toute recherche décorative et toute complaisance descriptive. Il se sert de la composition et de la lumière pour épurer et simplifie ainsi la vision des objets.
Berne-Joffroy (1915-2007), auteur de « Le dossier Caravage »(Flammarion 1999), souligne la singularité de sa démarche: "il est beau qu'étant parti d 'une ambition de peintre décoratif visuel, d'une ambition d'illusionniste, Caravage ait d'instinct abouti finalement à l'abstrait".
Sans parler d'abstrait, la simplification de certains éléments comme le fond, la table, la feuille sur la gauche,affirme l'aspect réaliste du reste du tableau.
La corbeille de fruits est considérée aujourd'hui comme l'une des plus belles natures mortes "modernes".
C'est la première oeuvre dans laquelle un objet du quotidien sans valeur allégorique devient le véritable sujet de la peinture et se suffit par son extraordinaire puissance d'exécution.

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