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analyse de séquence - 1

mis à jour le 20/03/2021


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Extrait de La Tortue rouge de Michael Dudock de Witt : le tsunami.

mots clés : analyse, film de bac


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La Tortue rouge, film écrit et réalisé par Michael Dudok de Wit est sorti en 2006. Ce film d’animation est le premier à avoir été réalisé avec le célèbre studio Japonais, le studio Ghibli. Dans ce conte initiatique, un homme naufragé sur une île déserte après avoir mis en place ce qui lui est nécessaire à sa survie, finit par construire une vie amoureuse avec une tortue rouge étrangement devenue femme. Alors qu’ils semblent couler des jours heureux avec l’enfant qu’ils ont eu, un tsunami va bouleverser l’équilibre familiale qu’ils ont réussi à mettre en place dans cette nature insulaire. La séquence analysée se trouve aux 3/4 du film, là où la nature va reprendre ses droits. Elle amorce le départ du fils dans la séquence suivante.
Dans cette séquence, alors que toute la petite famille semble avoir installé une vie quotidienne paisible, un tsunami va venir bouleverser le bonheur construit. Cette séquence permet également d’observer comment, malgré toute sa bonne volonté, le père n’est toujours pas familier de cette nature qui reste insaisissable pour lui. Aussi il s’agira de s’interroger puis d’analyser comment cette séquence, dans sa musicalité, en dehors du langage, produit de la tension dans une étude filmique linéaire.

 

Le premier plan d’ensemble installe une scène de pêche prise dans le quotidien de la vie. Une bande de sable très fine est posée au 1/3 du cadre afin d’en dessiner un horizon, une séparation entre ciel et mer. L’homme et la femme légèrement décentrés dans le cadre y sont accroupis en position de pêche à la main, tournés l’un vers l’autre et le fils arrive dans le champ, bord cadre à droite, afin d’équilibrer la composition de la scène. Un peu à la façon d’une portée musicale, sur cette ligne de sable, une alternance vide/ plein /vide /plein/ trou d’eau /homme/trou de terre/femme/ panier/ fils, créée un rythme subtil dans cet espace presque vide de détail. Le panier déjà posé au sol annonce le plan suivant en permettant un raccord mouvement avec un changement d’axe. D’observateur lointain on passe à plus prêt. On retrouve le fils en plan moyen qui s’affaire lui aussi à la pêche mais il sortira du champ vers la droite avec une bouteille à la main, objet métaphorique de l’autre monde. La place de la nature, comme souvent dans le film, y est majoritaire. Le son des oiseaux hors champ et de la mer ajoute à cette sensation de nature très présente où l’homme se trouve inscrit dans le paysage physiquement. Les oiseaux ont rarement été aussi bruyants depuis le début du film. La mère, en plan moyen, se retrouve isolée sur un banc de sable. Le son des oiseaux se fait plus présent ce qui amènera la mère à regarder le ciel et les oiseaux dans un raccord regard. C’est elle, la première, qui pressent quelque chose. Au plan moyen suivant, le fils qui s’éloigne de ses parents, poursuit son chemin vers l’intérieur des terres, lui aussi jette un regard vers le haut. Rien ne laisse présager la suite de ce qui va arriver, sauf si l’on prête attention aux signes comme le font déjà la mère et le fils. Les plans sont sombres, presque uniquement dans des nuances de gris légèrement verts. Ces plans à la fois paisibles et sombres font monter une peur étrange, une sensation d’un faux calme d’avant la tempête.
 

La série de plans suivants alternent plongées zénithales et vues frontales, plans moyens et plans d’ensemble tout en faisant monter la tension grâce à la place du son qui augmente en puissance progressivement. Les plans montrent la nature, les animaux, des signes encore à peine visibles de ce qui va arriver à ceux (spectateurs et le père) qui n’y prêtent toujours pas attention. Ils permettent aussi de passer de l’espace où se situe les parents à où se dirige le fils, de dissoudre davantage spatialement le noyau familial ; les parents que l’on retrouve d’ailleurs en plan moyen ou en plongée, qui dans leurs gestes amorcent une certaine incompréhension. Le son des oiseaux hors champ, toujours très fort, résonne comme des cris d’alerte alors que la mer se fait moins entendre. Elle se retire progressivement dans une série de plans rapprochés, laissant place à quelques poissons agonisants sur le bord de la plage, comme des images de fin du monde que le père observe sans en comprendre le sens.
La mère de nouveau dans le même plan que le père, comme davantage reliée à la nature, nous indique ce qui il y a voir dans son raccord regard. Dans un plan en contre plongée, on peut à notre tour observer les oiseaux qui s’agitent et crient de plus belle dans le ciel. Mais cette fois le plan d’ensemble sur le ciel toujours très gris, extrêmement bruyant phoniquement et visuellement, se vide pour laisser place au silence. Dans un plan taille devenu presque silencieux, la mère observe le ciel puis se tourne de ¾ pour observer le hors champ en direction opposée du vol des oiseaux, eux sortis hors champ à droite. Elle lâche un gémissement de peur en regardant ce qui arrive de derrière elle. Le cadre, cette fois-ci partagé par moitié entre ciel et mer, laisse deviner une ligne d’horizon luisante de clarté, comme une percée de lumière.
 


Le fils parti à l’intérieur de l’île, dans un plan de ½ ensemble en plongée, remplit sa bouteille d’eau. Le son d’ambiance des animaux de la forêt, grillons, grenouilles… que l’on imaginerait entendre au bord d’un étang, remplit le plan de sa présence. Quand le son de la faune s’arrête brusquement, le fils prend conscience que quelque chose ne va pas. Il fait alors marche arrière, subitement vers la gauche, pour rejoindre ses parents en lâchant sa bouteille. Dans un gros plan permettant d’entendre le son de la scène, abandonnée sur le bord de l’étang, elle se videra bruyamment de son eau comme si elle venait d’échouer à nouveau.
La mère de dos, déjà en état d’éveil dans les plans précédents et dans un plan moyen, est tournée vers la mer. Elle voit la première le tsunami arriver. Le grondement de la mer déchainée remplit le cadre et recouvre presque ses halètements de peur. Comme dans le plan précédant où le fils sort du cadre en privant la nature de présence humaine, celle-ci sortira dans la précipitation du cadre pour aller retrouver au prochain plan son compagnon, laissant place à une vague gigantesque qui arrive vers nous. Alors que l’homme ne semble pas relié aux éléments naturels et ne sent pas ce qui arrive, la femme tente de l’éloigner de la vague qui arrive. Les plans successifs de demi ensemble en plongée zénithale encore une fois, donne la sensation d’un regard omniscient, d’une puissance inhumaine observatrice. C’est avec l’arrivée de la vague que le son s’est transformé en insérant progressivement en fondu enchaîné tout au long des plans de la musique. La montée dramatique s’installe sans parole, sans cri, mais en musique et en couleurs symboliquement froides et grises.
 


Alors que la musique est déjà présente, s’enchaîneront cette fois, en complète opposition à la première moitié de la séquence, une succession de plans alternant course du fils en direction des parents (course vers la gauche), et des parents en direction opposée à la vague (course vers la droite). Les plans courts, (moyens, serrés sur les pieds, les demi ensembles), donnent à ce passage un rythme très tendu et fait monter la tension. Au rythme de la musique avec un niveau montant et descendant, la course se poursuit, l’un traversant la forêt, les deux autres la plage pour leur permettre, on l’espère, des retrouvailles. Alors que les trois personnages semblent presque réunis, le fils arrive sur la plage pour rebrousser chemin aussitôt afin d’éviter la vague qui arrive sur lui. C’est en s’engouffrant dans la forêt que la vague déclenche une musique d’un autre type. Alors qu’au début de cette scène elle fait écho à la course avec un motif répétitif et grave, ici les voix commencent à s’élever comme une musique divine en laissant apparaitre en fond les bruits des craquements de la nature qui se brise au passage de la vague. C’est avec l’apparition des voix, que les plans suivants (rapides encore) sont traités comme une fin du monde, la vague allant de la gauche vers la droite dévaste tout sur son passage. Toujours dans un choix de nuances verdâtres presque grises rien n’est laissé debout. Alors que les lignes verticales des arbres rythmaient l’espace de vie, l’eau rend le paysage d’un plat terrible pour finir par un plan assez long d’un gris presque neutre, vidé de toute présence de vie. Un aplat gris remplit le cadre. La musique sur ce plan, finira ses dernières mesures pour disparaître progressivement sur la même note avec les quatre prochains plans raccords son et dans l’axe, passant progressivement du plan rapproché au plan d’ensemble afin de voir la désolation du paysage saccagé par le tsunami. Après la feuille « blanche », une nouvelle page d’écriture est à imaginer.
 

 

Pour finir, le retour aux gros plans et les bruits d’ambiance de la nature sur des plans de nouveau plus longs, permettent de redescendre en pression. Alors que le calme est revenu, les plans presque silencieux donnent à constater les dégâts laissés par le tsunami. Il n’y a plus trace d’âme qui vive. Seuls quelques animaux morts, cadrés en gros plans parmi des débris de nature, flottent à la surface de l’eau. Leurs mouvements sont presque gracieux et suivent les cours d’eau qui se vident.

Dans cette séquence on a donc pu observer la place du rythme du montage et de la musique qui permettent de mettre en tension la scène. Comme dans tout le reste du film, il n’y a pas de place aux paroles, les attitudes des personnages, et la musique ont permis la construction dramatique de la séquence. Il a été aussi mis en évidence que seuls la mère et le fils étaient sensibles aux signes « surnaturels ». Le père, lui, venu d’un autre continent, malgré toute sa bonne volonté ne sera jamais sans doute jamais complètement adapté à son nouveau milieu. Alors que dans cette séquence il est question de la violente apparition du tsunami, on peut aussi se poser la question si elle ne fait pas écho métaphoriquement au bouleversement intérieur du fils qui sans doute est déjà dans le désir de partir de l’île pour s’émanciper de ses parents.

 
auteur(s) :

judith josso, marion hivert

information(s) pédagogique(s)

niveau : Lycée tous niveaux, Terminale

type pédagogique : étude de cas

public visé : enseignant, élève

contexte d'usage : classe, travail à distance, travail autonome

référence aux programmes :
Comprendre le sens global d’une oeuvre cinématographique et audiovisuelle en lien avec quelques éléments significatifs de son contexte (fabrication, métiers, public)

Analyser de manière argumentée les principaux éléments significatifs d'un plan ou d'une suite de plans cinématographiques et audiovisuels

Connaître quelques procédés d'écriture et repères de l’histoire du cinéma et de l’audiovisuel

Mobiliser ses connaissances pour nourrir son expérience de spectateur et sa pratique artistique

ressource(s) principale(s)

vignette.jpg voir, recevoir, percevoir, concevoir, pouvoir 21/03/2021
Travailler l'analyse de séquence avec les élèves.
analyse, film de bac, individuel, collectif

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