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trois tableaux du vide

mis à jour le 08/02/2019


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Un projet qui interroge l'espace par la confrontation d'images et de sons issus de temps différents

mots clés : projet, son image, vidéo, autobiographie


 
A l'origine je souhaitais faire un travail sur la transgression de l'espace à travers les yeux d'un enfant. La portée autobiographique s'inscrivait dans le projet dès le commencement, puisqu'il devait se développer autour d'un lieu marquant de mon enfance : la ferme de mes grands-parents.
Finalement ce projet résulte d'une rencontre. Celle avec le vide.
Un vide étouffant, si pesant qu'il déforme ma perception de ces lieux autrefois si familiers. Je savais que les choses avaient changé, je les côtoyais d'ailleurs depuis plusieurs années, ces espaces tordus et faux. Cependant je n'imaginais pas que les sensations passées puissent avoir déserté leurs territoires.
En se concentrant un peu, on finit par les voir : les souvenirs enfermés dans des bulles qui flottent dans l'air comme du vide. Finalement je m'aperçois que les porteurs des saveurs d'un monde, c’est nous, c'est la mémoire des habitants, des habitués, des nostalgiques.

Grâce aux vieilles cassettes magnétoscope conservées par ma mère, les bulles explosent libérant ce que la mémoire ne pouvait reconvoquer, ce que l'imagination ne pouvait inventer.
J'entends alors les sons. Ceux de la traite du soir, de la casserole de soupe sur la plaque, les crépitements du feu de bois et le chien qui aboie. Je vois les mains s'animer, les mimiques et les visages. Je ressens l'affection, la complicité, la patience et la bienveillance.

Arrivent alors les premières difficultés, plutôt d'ordre technique. Comment récupérer le trésor gravé sur les fines bandelettes des cassettes ? Après de longues recherches, je me rends à l'évidence : numériser un film a un coût. Bien que ce soit des images de l'an 2000. Images tremblotantes, zoomantes, dézoomantes, décadrées, surcadrées, malcadrées. Les laboratoires me demandent environ 50 euros pour m'offrir un DVD des films d'une heure réalisés par ma mère. Cinquante euros pour me voir déambuler en couche, filmée sous six angles différents.
 
Je décide finalement d'enregistrer le son et l'image de manière séparée pour les re-synchroniser sur ma table de montage. Le son grâce à un petit enregistreur type Tascam, et l'image en la captant projetée sur grand écran, grâce à un vidéoprojecteur.
Jusque là ces images précieuses étaient des traces quasi inaudibles et pixellisées. Je ne les voyais alors qu'à travers le petit écran du magnétoscope. Lorsque j'entends les voix de mes arrières grands-mères si claires dans mon casque audio, je suis émue. C'est comme si elles étaient accroupies auprès de moi à me parler de la pluie, des patates et du diocèse.
Je fais un travail sur le vide, l'absence contrainte, le temps qui passe, la mort.
Les trois tableaux se découpent.

Sur place, je mets en oeuvre un travail d'imitation. Je me glisse dans la peau de ma mère qui filme avidement la quiétude d'une vie qui, dans le temps, existait. Chaque zoom, c'est comme si elle savait. Chaque séquence est enregistrée comme preuve d'une voix, d'un corps, d'une relation. Je m'amuse, donc, à imiter ses mouvements. Ressurgit alors ma fascination pour une idée : celle que des hommes ont vécu une vie, à l'endroit même où je me tiens, et que je n'en saurais jamais rien. Grâce à ce travail c'est comme si je contrôlais cette lacune.
Je m'applique au montage à créer trois tableaux indépendants les uns des autres. Chacun des trois est unique dans son lien aux images passées. Je ne veux pas qu'il y ait une seule manière de relier le passé et le présent. Ainsi le son est traité de différentes manières ; j'utilise celui des cassettes, des ambiances de la ferme un soir de décembre 2018, le son caméra et le silence troublé par mes reniflements, jusqu'à laisser des images sans le moindre son. Laissant un vide sur la timeline.

Il me semble que le montage vidéo était une approche formelle cohérente pour recréer une unité des espaces que plus rien n'unit. La difficulté a sans doute été de devoir sélectionner les instants de vie propices au sujet. J'ai dû passer une soirée à décider si oui ou non Pépé Félix rirait dans le premier tableau. Finalement je ne pense pas pouvoir justifier précisément le choix de chaque dialogue. J'admets qu'il y a eu dans l'élaboration de ce travail un côté très instinctif.
 
auteur(s) :

Emma Fleury-Cancouët, Ciné-Sup, Lycée Guist'hau, Nantes

information(s) pédagogique(s)

niveau : classes préparatoires, Terminale

type pédagogique : production d'élève

public visé : élève, enseignant, étudiant

contexte d'usage : classe

référence aux programmes :

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