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Le document de collecte et la culture numérique

mis à jour le 21/02/2016


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Support de l'intervention de Noël Uguen, à la journée départementale des professeurs documentalistes de l'académie de Nantes, 22 janvier 2016.


Crédits logo : Pixabay

mots clés : document de collecte


 

texte introductif

Cet exposé cherche à illustrer comment l'activité de collecte est devenue une pratique corollaire de la recherche d'information en ligne et comment, via la didactique professionnelle, elle ouvre de nouvelles perspectives pour la formation des élèves aux apprentissages infodocumentaires :

- l'enseignement de l'évaluation de l'information ne s'appuie plus sur une approche méthodologique mais sur des situations de recherche et de collecte d'information qui permettent aux élèves de questionner leurs pratiques informelles

- cette approche souligne également la dimension translittératique de ces apprentissages qui mobilisent des savoirs à la croisée des cultures informationnelle, médiatique et numérique. Des études de cas mettront en lumière les enjeux de cette appropriation de savoirs qui permettent de dépasser les usages routiniers des environnements numériques.






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partie 1 : la circulation des objets documentaires sur le web

 

En préambule à la question de la pédagogie et de l'enseignement, il faut prendre en compte la totale mutation du statut du document numérique que décrit très bien Bruno Latour :

"Tout se passe comme si l’on avait dérelié les ouvrages, découpé les revues en articles distincts dont chacun circule à part, puis libéré chaque document cité pour le renvoyer à d’autres documents dont la nature, la dimension, la circulation, le commentaire, obéissent à des règles d’usage, à des habitudes de lecture, à des droits d’accès, à des business plans totalement différents... On partait de documents, voilà qu’on se trouve devant des « paysages de données » [Latour, 2011].

A cette mutation du document fait écho le développement de nouvelles pratiques informationnelles liées à l'environnement de lecture numérique et caractérisées selon Alexandre Serres par deux traits principaux :

"l’imbrication et le continuum : Imbrication, hybridation, mélange de pratiques à la fois informationnelles et communicationnelles, organisationnelles et méthodologiques, professionnelles et amateurs, etc.  Continuum, puisque ces pratiques, ces interactions, se déroulent sur une sorte de « tissu sans coutures », totalement nouveau. Nous passons ainsi, indifféremment et sans transition, de la recherche d’une information à la gestion de notre agenda, de l’utilisation de la messagerie à celle d’un réseau social, de la recherche et de la lecture d’un livre au suivi d’un événement en direct, etc. Toutes ces pratiques, ces interactions (de lecture, d’écriture, de recherche, de communication, d’organisation, etc.), autrefois bien distinctes car reposant sur des outils et des écosystèmes d’information différents, se mélangent désormais intimement, au point de finir par se confondre, dans les gestes comme dans les têtes".  [Serres, 2012]



 

partie 2 : trois propriétés de la lecture numérique : contrôler/contextualisaer/annoter

 

Issus de la culture du livre, les enseignants n’ont pas conscience de la radicalité des ruptures en jeu dans la recherche d’information en ligne. Les formations restent centrées sur des aides méthodologiques pour acquérir « les bonnes pratiques » allant de soi… Or si des notions aussi évidentes que celle de document ou d'auteur sont devenues floues pour les élèves, la lecture en environnement numérique est aussi devenue une activité complexe où la question de l'évaluation devient centrale comme le souligne Jean-François Rouet :

«les nouvelles activités de lecture se caractérisent par une plus grande complexité liée au besoin de chercher, d'évaluer et de mettre en relation des textes multiples et souvent hétérogènes, en plus de savoir les déchiffrer et les comprendre » [Rouet, 2012]

C'est désormais au lecteur qu'il appartient de clôturer un texte numérique toujours ouvert, de contextualiser et mettre en relation les différents documents consultés en repérant les énoncés et les arguments correspondant à son besoin d'information.

Cette activité de lecture numérique est instrumentée par une panoplie d'outils technologiques et elle devient productrice de marques variées (notes, extraits, citations... compilés dans un « document de collecte ». Edité parallèlement à la recherche d’information, cet « écrit intermédiaire» permet de piloter et d'organiser l'activité de recherche : pour peu que l'enseignant lui donne du crédit, il peut aussi servir de "document organisateur" pour apprendre à contextualiser les énoncés et évaluer l'information [Stalder, 2013].

 

 

partie 3 : le document de collecte en TPE


Dans une visée de formation des élèves à la culture de l'information, le document de collecte peut agir comme un révélateur de leurs pratiques informationnelles. Le professeur documentaliste peut prescrire un "cahier des charges" au document de collecte, en référence à la didactique professionnelle : une expérimentation menée en TPE dans mon lycée a ainsi institué l'outil de signets sociaux "Scoop it" comme carnet de bord de la recherche d'information [Stalder, 2013].

Le bilan de cette expérimentation nous a permis de recenser deux types de difficultés rencontrées par les élèves dans la démarche d'évaluation de l'information :

- le recours à des "représentations" ou critères de surface comme le design, l'apparence d'un site pour établir la fiabilité d'une source et la qualité de l'information.

- la méconnaissance des principes de publication, de circulation et d'indexation des documents sur le web et notamment en ce qui concerne les images et les vidéos.


 

partie 4 : comment bâtir des situations pédagogiques ?


Ce diagnostic issu des TPE a permis d'évaluer des besoins de formation et de construire des situations d'apprentissage basées sur les pratiques de collecte d'information des élèves en accompagnement personnalisé en classe de seconde : le document de collecte devient ainsi le matériau pour mener une analyse réflexive sur ces "représentations" qui font obstacle à l'acquisition d'une stratégie d'évaluation.

Un scénario consiste à partir de la liste des résultats d'une recherche ciblée dans un moteur de recherche : les élèves doivent prélever des informations en ayant comme consigne d'identifier les sources. Dans cette liste à explorer figurent des pages web qui présentent des "obstacles cognitifs" pour l'évaluation de la source de l'information : on y retrouve le cas des fichiers PDF, des sites anonymes... qui vont constituer autant d'objets d'étude comme avatars du document numérique.

Les élèves doivent confronter leurs résultats, apprendre à rechercher les indices formels identifiant la source dans une page d'accueil, approfondir la recherche d'indices comme les références citées par l'auteur et en évaluer la portée argumentative. C'est par le biais de ce type d'enquête que les élèves s'approprient la structure du document numérique et mettent en place une stratégie d'évaluation de l'information.

 

partie 5 : évaluer l'image, une étude de cas translittératique


La publication, le partage et la réutilisation des images en ligne constituent également des marqueurs des pratiques numériques juvéniles. Les élèves collectent ce type de document le plus souvent via les moteurs de recherche qui affichent le résultat d'une requête sous la forme d'un tableau d'images séparées de leur contexte éditorial.

Or seul l'examen du document hôte permet l'évaluation de la qualité, de la fiabilité et de déterminer la pertinence de l'image : les élèves doivent découvrir que cet objet n'est pas indexé selon son contenu sémiologique mais à partir de critères textuels dont le centre d'aide de "Google image" donne une liste : il s'agit du nom du fichier numérique contenant l'image elle-même, des mots-clés et du texte environnant l'image dans la page web et enfin du contenu de la balise ALT, une métadonnée spécifique à la description de l'image en langage Html1.

Cette connaissance des logiques d'indexation des moteurs permettra aux élèves de dépasser les usages routiniers du moteur de recherche et d'apprendre à formuler des requêtes précises pour identifier les contextes de publication et de redocumentarisation des documents iconographiques (image, infographie, dessins...).

La collecte d'images propageant des rumeurs pourra servir d'exemple de situations d'apprentissage où les élèves construiront ces savoirs "translittératiques" qui combinent la dimension informationnelle (comme l'identification de la source et du contexte de publication), la dimension technique (comme les critères d'indexation de l'image) et enfin la dimension médiatique (comme l'analyse du modèle économique d'un site de média).

1 "Voir le centre d'aide Google images : "Cet attribut fournit à Google des informations utiles sur le sujet de l'image. Nous utilisons ces informations pour déterminer les images pertinentes à renvoyer lors d'une requête formulée par un utilisateur"

 

 

 

partie 6 : vers un parcours de formation centré sur les situations


L'élaboration de ces situations de formation essaie de suivre certaines orientations tracées par Angèle Stalder au GRCDI sur le modèle de la didactique professionnelle comme cadre de formation des élèves à ces savoirs "translittératiques" [Stalder, 2013]. Récapitulons ici les constats qui privilégient le choix de ce cadre épistémologique :

a : l’activité de recherche d’information est une activité située dans un dispositif socio-technique : « la culture de l’information se centrerait sur la construction de mémoires (numériques) personnelles, mémoires de travail et de l’expérience, ainsi que de l’accès à celles-ci » [Liquête, 2014].

b : l'activité de recherche d'information est productrice de "documents de collecte" ou "'écrits intermédiaires", activité d'écriture facilitée par l'environnement numérique qui instrumente et oriente la lecture vers l'annotation, la recommandation.

c : les "écrits intermédiaires" peuvent constituer des "documents organisateurs" de l'activité de recherche et d'évaluation de l'information : on citera le cas des cartes mentales, utiles pour élaborer une cartographie des "sources" de veille, les sitographies éditorialisées avec les systèmes de signets sociaux comme Diigo, Scoop it, Pearltrees...

Selon les travaux d'Angèle Stalder, doctorante en SIC, "il faut davantage considérer ces [productions] comme des documents révélateurs d’apprentissages et non plus seulement comme des documents intermédiaires d’une production finale attendue qui fait traditionnellement l’objet d’une évaluation de ce qui a été acquis".

Ce point de vue rejoint les orientations de la didactique des lettres autour des "écrits réflexifs" en tant que support et lieu "où s’élabore le travail cognitif, où émerge la pensée, entre manipulation et invention" (Chabanne, 2002).

d : Les exemples de situations préposées dans cet exposé essaient d'illustrer cette approche du document de collecte comme un "révélateur" qui permet à l'élève de questionner ses pratiques informationnelles : en quittant peu à peu les "représentations" qui formatent un usage routinier, il va se forger une culture informationnelle "en acte", savoir remonter à la page d'accueil comme clé d'accès à l'identification de la source d'un site, comprendre les principes de la redocumentarisation en annotant et en réutilisant des contenus en ligne...

 

conclusion :


Le rôle du professeur-documentaliste ne consiste plus à fournir des recettes méthodologiques ou à prescrire de bonnes pratiques mais son action relève davantage d'un art du questionnement, d'une maïeutique par laquelle il transforme les « représentations » des élèves et accompagne leur appropriation des savoirs.

 

références documentaires :


Bermès, Emmanuelle. Les moteurs de recherche. Bulletin des bibliothèques de France [en ligne], n° 6, 2007 [consulté le 30 janvier 2016]. Disponible sur le Web : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2007-06-0005-001>. ISSN 1292-8399

Boubée, Nicole. Le rôle des copié-collé dans l’activité de recherche d’information des élèves du secondaire. Colloque L’Éducation à la culture informationnelle, Université de Lille 3, 2008. [en ligne] http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00833505/fr/

 

Chabanne, Jean-Charles. Bucheton, Dominique. Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire – L’écrit et l’oral réflexifs, PUF, 2002.

 

Latour, Bruno. Plus elles se répandent, plus les bibliothèques deviennent centrales. Bulletin des bibliothèques de France [en ligne], n° 1, 2011 [consulté le 10 février 2016]. Disponible sur le Web : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2011-01-0034-007

Liquête, Vincent. Cultures de l’information. Essentiels Hermès, CNRS édition. 2014.

Rouet, Jean-François. Ce que l'usage d'Internet nous apprend sur la lecture et son apprentissage. LFA, 2012

 

Serres, Alexandre. Un exemple de translittératie : l'évaluation de l'information sur internet . En ligne sur le site Ina-expert, 2012. http://www.ina-expert.com/e-dossier-de-l-audiovisuel-l-education-aux-cultures-de-l-information/un-exemple-de-translitteratie-l-evaluation-de-l-information-sur-internet.html

Stalder, Angèle. “La didactique professionnelle : un modèle pour la didactique info-documentaire ?“ carnet de recherches du GRCDI. 2013 [en ligne sur ] Hypothèses.org http://grcdi.hypotheses.org/seminaire-du-grcdi/seminaire-2013

Uguen, Noël. voir le cours en ligne "cultures numériques dans l'enseignement", Université de Rennes 2, http://www.ressources.univ-rennes2.fr/cultures-numeriques-dans-l-enseignement/plateforme/

 
auteur(s) :

Noël UGUEN, lycée Le Lykès, Quimper

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux

type pédagogique : démarche pédagogique

public visé : enseignant

contexte d'usage : espace documentaire

référence aux programmes :

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documentation - Rectorat de l'Académie de Nantes