Dessiner les détenus est un moyen de leur rendre leur humanité et de conserver la sienne. Camille Delétang note soigneusement le nom et l’adresse de ses camarades afin d’envoyer éventuellement les dessins aux familles des disparus. Ses portraits sont de formidables exemples de résistance à la négation de l’identité et donc de l’individu. Mobilisé et blessé pendant la Première Guerre mondiale, Camille Delétang entre très tôt en résistance lors de la Seconde. Dès décembre 1940, avec le capitaine Floch, il confectionne à titre individuel des tracts pour essayer de neutraliser les conférences et les informations de l’ennemi. À l’automne 1943, il est chargé de repérer des lieux de largage pour les armes alliées au sein de la BOA : Bureau des Opérations Aériennes. Arrêté par la SIPO-SD en février 1944, il est incarcéré à la prison des archives jusqu’au 7 août, veille de la libération du Mans. Il fait partie du dernier convoi en direction de Fresnes puis du camp de concentration de Buchenwald où il arrive le 24 août 1944. Là, il est transféré au Kommando de Holzen, où il réalise un grand nombre de dessins, dont de nombreux portraits de déportés avec la mention de leur matricule.
Le train, pour évacuer les prisonniers du camp d’Holzen, se met en route le 7 avril 1945 à Drütte. Il est composé de 50 à 55 wagons de marchandises, contenant 3 400 prisonniers dont 2 600 hommes du camp de Drütte, 370 détenus de Holzen, et 450 femmes de Salzgitter-Bad. Le 8 avril 1945 à 18h11, il est attaqué par l’US Air-Force sur la gare de marchandises de Celle. Cependant, une véritable chasse à l’homme a été perpétrée par les officiers SS, par la Wehrmacht et par les habitants de Celle (actions de ratissage pour capturer des détenus du train). Ainsi les dessins de Camille Delétang sont perdus à Celle : ils ont été volés. Ne contenant pas la nourriture escomptée dans la musette, celle-ci est jetée dans un jardin. 67 ans plus tard les dessins font l’objet d’un don au Mémorial de Mittelbau-Dora.
Développer un projet d'Education artistique et culturelle autour de l’art du portrait
-En Arts plastiques, plusieurs pistes peuvent être envisagées : la couleur, la symbolique du portrait, en particulier l’attention apportée aux traits des détenus qui montrent dans les portraits l’appartenance à la vie concentrationnaire tout en traduisant émotion particulière à travers les expressions du visage. La ressemblance et l’écart avec la réalité, le portrait idéalisé et l’allégorie. Le portrait comme image de soi entre réalité et ce qu’il reste d’humanité.
-En Histoire, les portraits des détenus du camp évoquent différents aspects liés à la Déportation et peuvent être le point de départ d’une enquête historique sur l’organisation du travail du camp et sur l’histoire individuelle de ses Déportés.
-En Français, des travaux d’écriture peuvent être élaborés avec la description d’un portrait individuel et sa comparaison avec une oeuvre autobiographique. Il est aussi possible de travailler l’aspect poétique en reprenant les poèmes écrits dans les camps de concentration ou le « Chant des marais ».