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éducation artistique et action culturelle

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de la touche au toucher

mis à jour le 26/02/2014


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Un outil pédagogique autour de l'oeuvre duchampienne, à partir de l'analyse de deux oeuvres de la collection du musée des Beaux-Arts d'Angers.

mots clés : chaarp, Duchamp, empreinte, image, contact,



Alain Kirili
La grande nudité

1984, bronze
Tous droits réservés : Ville d'Angers, musée des Beaux arts d'Angers

Niele Toroni
Empreintes de pinceau n°50 répétées à intervalle régulier (30 cm)

1996
Huile sur toile, diptyque
Tous droits réservés : Ville d'Angers, musée des Beaux arts d'Angers
 

à propos des oeuvres

Alain Kirili, Grande nudité, 1984, bronze.

« Ma main, ma paume, mes doigts, mon couteau rythment la terre modelée. L'aluminium chauffé, brûlé éclate sous la pression inattendue et maîtrisée du marteau. Le tout crée une nouvelle musique de chair, réminiscence de celle que j'ai connue dans nos cathédrales de France. »[1]

Une colonne molle, un magma de terre calcifié s'amenuise vers le sommet. Cette sculpture est à taille humaine, posée au sol sans socle. Pleine de creux et de bosses, la terre a été malaxée, pressée voire abîmée, frappée par des gestes et des coups. Les traces sont plutôt rondes et à la taille d'une main. Contrairement à la pensée de Michel Ange pensant que le bloc de marbre contient la sculpture, ici, l'artiste devient boulanger et pétri la matière travaillant chaque centimètre. La violence est exprimée, subie par ce bronze noir et verdi. Le modelage semble vouloir retirer la matière intrinsèquement pour la mettre à nue rappelant le titre de l'œuvre. Ce totem de glaise est monté sur une armature métallique. Elle est constituée de terre et de plâtre montés. Abstraite, cette sculpture s'inscrit dans une série de 8 pièces où chacune d'elles offre l'échelle des bras de l'artiste. Sensuelle, verticale, modelée et attaquée, Grande Nudité est l'empreinte multiple de gestes, d'attaques mais elle ne sort pas indemne de ce corps à corps.

[1] Alain Kirili, cat. Holly Solomon Gallery, New York, 1987.

Niele Toroni, Empreintes de pinceau n°50 répétées à intervalle régulier (30 cm), 1996, Huile sur toile, diptyque.

Deux toiles blanches de taille moyenne et carrée sont couvertes d'empreintes noires de pinceau n°50. Elles s'organisent en quinconce par lignes de cinq puis de quatre empreintes. Chaque toile est recouverte de quatre lignes. Le contraste noir/blanc est fort et vise la simplicité. En s'approchant, les empreintes présentent des irrégularités et semblent exécutées de manière rapide. Le noir passe de la brillance à la matité d'une toile à l'autre. Le geste est mécanique et calculé : réduit au minimum. Tout est dit dans le titre. Les touches noires creusent le fond blanc telles des fenêtres régulières d'un immeuble et le geste de l'artiste se transforme en geste régulier d'un semeur ou d'un agriculteur. Dans ce diptyque, Niele Toroni pose la question du geste en peinture : quoi peindre ? Pourquoi faire de la peinture ? Il remet en cause l'acte de peindre tendant de rompre toute subjectivité. La touche du peintre devient ainsi le sujet et l'objet de la peinture. La facture est neutre et les empreintes recouvrent une surface dans un certain ordre assemblé. Toroni, membre du B.M.P.T[1], à travers ces empreintes posent la question de l'acte de peindre, du décoratif et de la trace du geste.

[1] B.M.P.T : Buren, Mosset, Parmentier et Toroni formèrent un groupe d'artistes questionnant principalement l'acte de peindre et donnèrent grâce à l'initiale de leur nom, le titre à leur mouvement artistique en 1966. Ils refusèrent toute transmission d'émotion  et de communication d'un message.

 
 

mise en relation des oeuvres

Prise de contact.

Dans la peinture de N. Toroni et la sculpture d'A. Kirili, il est question de contact et d'empreinte: du pinceau sur la toile ou de la main sur la terre. A double sens, Kirili prend contact avec la matière, il la palpe puis la marque et enfin la malmène. Sa fabrication répond à la définition d'empreinte : une marque en creux ou en relief, un stigmate profond et durable. Toroni propose, lui, une empreinte douce, effleurant la surface et proche de l'empreinte digitale. Il peint par simple trace démontrant le paroxysme de la touche et la réduisant à son plus simple appareil : un  outil posé sur une toile sans autre geste ni émotion. Alors si on reconnaît Van Gogh à sa touche, Toroni se démarque par son coup de pinceau. Du contact de l'outil sur le support nait une rencontre ; l'image qui en ressort est pourtant une sorte d'envers, un retournement : le trou creusé par la main, le noir posé par le pinceau. La figuration est on ne peut plus précise et proche de son référent et pourtant elle s'en éloigne...Vraie fausse image qui par contact dissemble. Est-il alors question de présence du geste ou de son absence ? Marque ou retrait ?

L'empreinte : l'outil s'expose.

Avec l'empreinte, il est question de touche, de pose et de contact donc de proximité. Le geste peut même devenir sensuel voire érotique pour Alain Kirili quand il se veut distant et mécanique pour Niele Toroni. Mais comment ce geste, simple techniquement (la main dans la terre ou le coup de pinceau), peut-il être à la fois porteur d'érotisme et de distance ? A l'image de La Feuille de vigne vierge de Duchamp, peut-on parler d'imitation tactile ? Dans les empreintes, deux contacts sont proposés : N. Toroni interroge la touche du peintre tandis qu'A. Kirili questionne le toucher. Le premier cherche à mettre de la distance à s'éloigner, à nier le geste, la touche tandis que le second s'engage dans un corps à corps avec la matière. Ainsi, Toroni répond parfaitement à la définition de la touche : la manière de poser la couleur, d'appliquer un outil. Tout comme Kirili repense son geste comme un toucher, une entrée en contact par le mouvement signifiant à la fois effleurer, frapper voire blesser. Mais évoquer le toucher, c'est aussi penser un des cinq sens : la sensation cutanée. La distance est donc faible, épidermique. Sans proximité, sans contact pas d'empreinte et donc pas d'image. L'outil est ici primordial. Il se montre, s'expose et devient l'objet du travail. La toile ou la terre le reçoivent pour mieux le mettre en valeur et faire de ce geste une technique. L'empreinte est technique et, malgré son contact, s'écarte de son référent, le perd dans la matière, le fait disparaître par sa trace. Pourtant, il y a image et sans tromperie, sans volonté de ressemblance ou de réalisme, une image pure, une imitation qui n'est donc pas visuelle mais tactile.

Référence duchampienne

- Feuille de vigne femelle, 1950-51, moulage de sexe, inversion.
- Coin de chasteté, 1954, moulage 1963.

 

à partir de la question "sur un air de Duchamp... empreinte", quelques éléments pour une réflexion pédagogique


Présence par l'absence
On pourra demander aux élèves de réaliser un travail qui montre l'absence, et les confronter ainsi au problème de rendre présent ce qui ne l'est pas tout en regardant le vide ou le creux comme élément plastique.
« Seules les traces font rêver » René Char
En faisant l'empreinte de divers objets, outils ou parties du corps, comment en proposer une autre image, une nouvelle représentation : une inversion ?
C'est de l'art !
Pour questionner le statut de l'œuvre et du ready-made, on peut imposer un objet et voir par quelles procédures cet objet peut devenir œuvre et questionner le statut de l'artiste.
T'as la touche
Comment faire de la trace du pinceau une marque de fabrique et de reconnaissance ?







 
D'autres fiches CHAARP sur "sur un air de Duchamp... empreinte" ou sur d'autres thématiques sont consultables sur le site académique et dans les structures culturelles suivantes :
Frac des Pays de La Loire, Musée des Beaux-Arts d'Angers, Musée des Beaux-Arts de Nantes, Musée de l'Abbaye Sainte-Croix des Sables d'Olonne.


 
auteur(s) :

aurélie dourmap

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux

type pédagogique : démarche pédagogique

public visé : enseignant

contexte d'usage : espace documentaire, sortie pédagogique

référence aux programmes :

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éducation artistique et action culturelle - Rectorat de l'Académie de Nantes