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du pareil au même ? - Frac des Pays de la Loire

mis à jour le 03/06/2012


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Un outil pédagogique autour de la question du ready-made, à partir de l'analyse de deux oeuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire.

mots clés : chaarp, Duchamp, empreinte, trace, absence, duchamp, ready-made, matérialité, frac


à propos des oeuvres

 


Jim Hodges
Untitled,
1997
Miroir marouflé sur toile contrecollée sur bois
150 x 102 x 4 cm








Udo Koch
China Green, 1991
Métal émaillé et plâtre
24.5 x 25 x 17 cm
 
Jim Hodges

L'œuvre se compose d'un miroir brisé marouflé sur une toile. Elle nous confronte à notre image, notre reflet dans l'espace d'exposition. Les lignes de brisure du miroir s'appliquent aussi à notre image pour en atteindre l'intégrité.

Cette œuvre simple en apparence ouvre un champ complexe d'approches.Le miroir et notre reflet plus ou moins fidèle nous renvoient à notre rôle de spectateur / acteur, faiseur d'images pour reprendre un principe cher à Marcel Duchamp. Le miroir figure le passage entre le vrai et le faux, le devant et le derrière, la réalité et la fiction.

« Dans le miroir, je me vois là où je ne suis pas, dans un espace irréel qui s'ouvre virtuellement derrière la surface, je suis là-bas là où je ne suis pas, une sorte d'ombre qui me donne à moi-même ma propre visibilité, qui me permet de me regarder là où je suis absent ». Cette description du fonctionnement du miroir par Michel Foucault pose parfaitement les enjeux de l'œuvre de Jim Hodges : faire apparaître l'image comme une empreinte éphémère, fugitive qui porte en elle la présence autant que l'absence. Elle est la présence de ce qui est ailleurs, la trace de ce qui n'est pas là et de ce qui va inévitablement disparaître.

Le format rectangulaire allongé verticalement, celui de la figure, le miroir, motif récurent de l'histoire de l'art, la toile, l'accrochage imposant un rapport frontal, tout nous renvoie à la peinture et à son histoire. Ici, la toile n'est plus la « fenêtre ouverte sur l'historia » mais une mise en abîme de la fabrique des images, à la fois trace et absence, une empreinte qui, ici, n'informe pas la matière mais qui est le fruit du matériau.

 
Udo Koch

L'œuvre est une sculpture, composée d'un objet réel, une théière et d'un volume en plâtre. Cette forme moulée n'est pas arbitraire, elle est l'empreinte et le déploiement dans l'espace de la ligne de contour de l'objet. Le vide devient du plein, il est rendu tangible, il se manifeste.

L'œuvre signale que le vide est intimement lié à la spécificité d'un lieu, d'un espace, d'un objet.

Heidegger nous rappelle que « Le vide n'est pas rien. Il n'est pas non plus un manque. Dans la matérialisation plastique, le vide intervient comme élément créateur de lieux qu'il recherche et projette ».

Udo Koch s'intéresse aux espaces intermédiaires (ceux entre les doigts, entre les éléments graphiques de logos connus), il s'arrête sur l'immatérialité afin d'en extraire une présence, une matérialité. L'objet et le moulage de l'espace négatif sont présents en même temps. L'artiste nous impose la co-présence d'une double réalité, celle de l'objet et celle de l'espace qui l'entoure. L'objet se trouve augmenté par la mise en matière de l'espace déterminé par sa forme. Quand Marcel Duchamp réalise Bouche-évier, il cherche à nous confronter à l'étrangeté d'une forme négative, les creux deviennent des pleins et les présences des retraits. L'étrangeté issue du travail d'Udo Koch est liée davantage à l'idée d'une totalité, et du vide qui se projette en un plein.

 

mise en relation des œuvres

Ces deux œuvres s'imposent par la présence d'un objet manipulé, brisé pour Jim Hodges, augmenté pour Udo Koch. Elles sont proches du concept de « ready-made aidé » de Marcel Duchamp tout en jouant d'une matérialité liée à l'empreinte et à ses enjeux.

-donner forme à l'absence/ à l'invisible

L'empreinte part du réel pour montrer ce qui n'est pas, dans un jeu de forme-contre forme, de devant-derrière, de positif-négatif.

Le miroir brisé de Jim Hodges nous donne à voir un double fissuré dans un espace inaccessible. Le spectateur apparaît de l'autre côté du miroir, derrière le mur. En transposant l'espace en présence matérielle, Udo Koch fait apparaître le vide.

Dans les deux cas, les artistes nous confrontent physiquement à la présence de l'invisible, à la trace d'une chose qui n'est pas là. L'absence et la présence cohabitent dans les deux œuvres.

Ces deux démarches très différentes ont pour point commun de requalifier le réel. Elles lui apportent une dimension supplémentaire. Si Georges Perec abordait l'espace comme un doute nous sommes ici face à un doute incarné par la matérialité et le principe même des œuvres.

-des objets qui réfléchissent

Les deux œuvres utilisent un objet fonctionnel du quotidien, un miroir, une théière. Ces objets sont manipulés par les artistes de façon à garder leur présence d'objet tout en étant augmentés d'un pouvoir réflexif. Ces œuvres questionnent l'art.

Jim Hodges pose aussi des questions de peinture et de fabrique des images. Quand à Udo Koch, il rappelle avec évidence que la sculpture est un jeu entre les vides et les pleins et qu'elle est avant tout un questionnement sur l'espace.

Les deux artistes questionnent la ressemblance et l'écart. Le spectateur et son reflet sont intimement liés comme le moulage en plâtre et la théière mais à chaque fois les deux ne peuvent coïncider. C'est peut-être dans cet interstice, cette dissemblance que l'œuvre se déploie.

Qu'est-ce qu'une œuvre ? Quand y a-t-il art ? Le questionnement ouvert par Marcel Duchamp reste vif, actif. Toute réponse ne conservant sa force de réponse que si elle reste ancrée dans le questionnement.

 

à partir des questions soulevées, quelques éléments pour une réflexion pédagogique

-Pour questionner la place du vide, la présence de l'absence on pourra demander aux élèves de « réaliser un travail qui montre l'absence » et les confronter ainsi au problème de rendre présent ce qui ne l'est pas tout en regardant le vide comme un élément plastique.

-On peut interroger l'espace en s'intéressant aux espaces intermédiaires : « Ce qui est entre la pomme et l'assiette se peint aussi. Et ma foi, il me paraît aussi difficile de peindre l'entre-deux que la chose » Braque.

-Pour aborder les enjeux de l'empreinte, on pourra faire la différence entre représentation, reproduction, duplication, semblable, identique ... : " du pareil au même ? "

-« Seules les traces font rêver » René Char ; partir de cette citation pour explorer les écarts entre l'objet, l'outil et sa trace, son empreinte.

-Pour questionner le statut de l'objet, de l'œuvre et du ready-made, on peut imposer un objet et l'incitation suivante : "C'est de l'art !". Par quelles procédures cet objet du quotidien peut devenir œuvre ?



 

pour aller plus loin


 D'autres fiches CHAARP sur l'héritage de Marcel Duchamp et l'empreinte ou sur d'autres thématiques sont consultables sur le site académique et dans les structures culturelles suivantes : 
Frac des Pays de La Loire, Musée des Beaux-Arts d'Angers, Musée des Beaux-Arts de Nantes, Musée de l'Abbaye Sainte-Croix des Sables d'Olonne.

 
auteur(s) :

sandra georget, Frac des Pays de la Loire

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux

type pédagogique : démarche pédagogique

public visé : non précisé, enseignant

contexte d'usage : sortie pédagogique, classe

référence aux programmes :

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éducation artistique et action culturelle - Rectorat de l'Académie de Nantes