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éducation artistique et action culturelle

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l'après-spectacle: temps 3: le temps de l'analyse

mis à jour le 01/10/2013


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 Pour aider à l'analyse, à la lecture raisonnée du spectacle on s'inspirera de la pratique de lecture chorale pratiquée par Yannick Mancel, metteur en scène, dramaturge et adaptateur pour le théâtre. Il a été également professeur de dramaturgie et d'histoire du théâtre à l'Université de Lille et conseiller artistique et littéraire au théâtre du Nord (en 2006). Cette lecture consiste en la description collective de ce qui a été vu (et non de rappels du texte ou de jugements préalables souvent stéréotypés) puis  en la construction ensemble (avec le groupe, la classe) d'une intelligence collective du spectacle, afin de fonder et d'argumenter un discours critique de la représentation.

mots clés : théâtre, lecture de la représentation, spectacle vivant, oralisation, écriture, jeu dramatique, parcours d'éducation artistique et culturelle


Objectifs : construire collectivement une lecture raisonnée de la représentation, apprendre à argumenter

Les inventaires :

« Au commencement est la description scrupuleuse de tout ce qui a été vu et entendu. Aucune analyse ou interprétation n'est possible si l'on ne l'instruit pas à la base, et si on ne la déduit ensuite d'une description quasi clinique des faits, signes, et symptômes. »
Yannick Mancel in Le Théâtre et l'école, éditions Actes Sud

L'inventaire permet de faire un constat de la représentation, sans entrer dans le subjectif. Cet inventaire peut se réaliser par groupes, en imposant un thème à chaque groupe qui vient ensuite en présenter aux autres la description précise. L'inventaire permet de raconter ce qu'on a vu en évitant toute interprétation (le rôle du meneur de jeu est ici décisif !), en étant le plus précis et objectif possible, d'inventorier le plus fidèlement possible tout ce qui participe de la construction du spectacle. Et c'est le travail choral, minutieux et collectif qui permet de ne rien oublier.
 
Huit thématiques peuvent être dégagées :
1 - L'espace scénique : la scénographie / les différents espaces (représentés, évoqués...) / les éléments de décor.
2 - Les accessoires (ou les objets, objets présents sur scène, objets absents dont on parle, objets devenant accessoires de jeu...)
3 - La bande son, la musique en direct, les bruitages, les voix.
4 - La lumière : inventorier tous les choix faits pour éclairer le spectacle, tous les effets.
5 - Les acteurs, leur jeu : personnages présents sur scène, personnages évoqués mais absents, figurants, types de jeu...
6 - Les costumes/ maquillages /masques
7 - Le texte : les éléments de l'intrigue / les thèmes / les partitions du texte / les niveaux de langue...
8 - Autres éléments propres au spectacle : acrobaties / vidéos / chorégraphies...
 
Si les élèves manquent de vocabulaire théâtral technique à ce moment, ils peuvent utiliser leurs propres mots. Afin que tous les groupes puissent présenter leur inventaire, imposer un temps court de présentation : 1 ou 2 minutes après un temps de préparation. Le temps imposé oblige à aller à l'essentiel et à une certaine tonicité du discours. Avant la mise en commun, il est important de définir l'ordre des prises de parole au sein de chaque groupe : qui parle, comment se répartit la parole ? Le rôle du meneur de jeu est important car il doit veiller (sans tuer l'envie de parler et partager) à ce que le ou les rapporteurs des inventaires restent précis, minutieux, objectifs.

Il est possible d'évoquer chaque thématique par flashs, sans construire de phrases. Le but de l'exercice étant de faire revenir les images du spectacle et de voir ce qu'en ont retenu les élèves. On s'interdit de commenter pendant la présentation. Favoriser l'écoute de l'autre (par exemple, on ne commence pas sa présentation s'il y a des bavardages).

On distribue alors des grilles d'analyse de spectacle en les commentant ; l'enseignant peut alors effectuer des liens entre les différents choix de mise en scène et souligner la cohérence (ou non) des choix esthétiques du metteur en scène, de ses partis pris.

Après cet inventaire, on en sait suffisamment sur la pièce. Si un élève n'a pas vu le spectacle, on peut lui demander ce qu'il en perçoit d'après tout ce que les autres ont pu dire ! (Petit exercice en 30 secondes). On réalise souvent que l'essentiel du spectacle a été pointé.
 
Exemple d'inventaires à partir du spectacle Un bateau pour les poupées - projet de LTK Production (M. Leray et M. Tsypkine)

Inventaire n°3 - les sons et musiques : silence absolu (avec noir), pluie, roucoulement, chanson d'Alice, roulette de tatouage, perte des eaux et cri, coup de feu, chanson des 7 nains, musique nuptiale, cri de la femme à la fin, bande son de l'Aiglon, ours qui parlent, orage, voix off.

Inventaire n°4 - les thèmes : ça parle de contes (Alice au pays des merveilles, La Reine des neiges, Blanche Neige, Boucle d'or). Ça parle de naissance, d'accouchement, de deux sœurs, du lien mère/fils, de voyage, de violence, des armes, de la violence du monde, de la critique artistique, de la perte du Prince charmant, de la désillusion, de l'amour, de faire l'amour, de la place de la femme...
      
                               
 
La synthèse :

C'est à l'enseignant d'apporter les connaissances sur l'histoire du théâtre, des formes et de la mise en scène, de faire des rapprochements et des échos avec d'autres productions, d'autres textes ou d'autres arts pour que les élèves parviennent à aller plus loin dans leur interprétation. Ce sera aussi à lui d'aider à synthétiser ces éléments pour affiner la réflexion sur chaque composante du spectacle. C'est lui enfin qui pointera les cohérences (ou incohérences) de ces choix permettant d'arriver à une vraie lecture des signes, de tous les signes mis en réseau de la représentation.
 
Rappelons trois questions primordiales, posées par Richard Monod, (dans son ouvrage Les textes de théâtre, éditions Cedic) qui peuvent ici aider à clarifier trois niveaux d'interprétation du texte théâtral et aussi de la représentation:

- qu'est-ce que ça raconte ? : la fable.
- de quoi ça parle ? : les thèmes.
- qu'est-ce que ça dit ? : la thèse, le discours.

Exemple de réponses à propos du spectacle d'Aurélien Bory, Géométrie de caoutchouc :

La fable :
rédiger le résumé chronologique et neutre de l'histoire : ce spectacle présente des couples jouant avec un espace qui change. Ils sortent d'un chapiteau, en démontent la toile et se remettent dessous.
Les thèmes : compléter la phrase : « Ça m'a fait penser à...": la vacuité des hommes, rêver et aller toujours plus loin, l'ascension sociale, la vie avec ses hauts et ses bas, un monde étrange avec des êtres qui quittent un endroit - cela les déstabilise et quand ils reviennent le monde a changé, une difficulté à surmonter, la guerre/la paix, la naissance/la mort, un monde hostile avec des prisonniers essayant de lutter pour s'enfuir et subissant un échec.
La thèse : compléter la phrase : « Ça m'a dit que [interprétation] ...": ce qui entrave peut finalement être léger et que l'on peut préférer la sécurité de l'entrave.
      


                         
 
Ecrire pour synthétiser : un nouveau titre

 Pour aller plus loin et travailler l'argumentation chaque groupe doit synthétiser une analyse des choix de mise en scène, reprenant la thématique de l'inventaire qu'il a travaillé. Pour cela le groupe doit se mettre d'accord sur un titre qui serait celui de l'article critique abordant cet aspect de la mise en scène, titre qu'il devra justifier devant le comité de rédaction (constitué par les membres des autres groupes), qui saura lui poser des questions pour approfondir les justifications.
Ce sera là encore un moyen d'oraliser, d'improviser et donc de passer par le plateau pour argumenter.
 
Exemples de titres trouvés pour le spectacle Géométrie de caoutchouc, d'Aurélien Bory :
Le monde perdu, Malléable, A la recherche du bonheur, Chutes et élancements, Un autre monde, Encore et encore, La matrice, Géométrie du chapiteau, Mise à mort du chapiteau ...

La variété des propositions, toutes recevables, toutes justes et justifiables révèle la diversité des interprétations, et la richesse des significations de ce spectacle.
 
Rédiger une critique :

L'écriture de textes plus longs, soit parfaitement libres, soit orientés vers une critique de type journalistique, pourra être proposée à des élèves plus « littéraires », qu'il conviendra cependant de guider, en leur donnant à lire des critiques ou des analyses déjà publiées, voire en les faisant travailler dans un atelier d'écriture avec un professionnel.
 


Critique d'un collégien (
collège Eric Tabarly, La Baule) après une représentation de Chatroom, mise en scène Sylvie de Braekeleer :

« Le jeudi 18 novembre, nous sommes allés voir Chatroom une pièce de théâtre d'Enda Walsh à Quai des Arts à Pornichet. Elle parle de six adolescents qui tchattent sur le cyberespace et deux d'entre eux vont manipuler un jeune désorienté et fragile.J'ai apprécié le rôle que jouaient les comédiens, le texte était juste, bien cherché et vrai à la fois, et nous faisait comprendre que le suicide n'est pas une solution aux problèmes. Et qu'au lieu de rester dans son coin et se fermer sur soi-même, il vaut mieux en parler (...) Le décor sonore a été très bien travaillé pour que l'on ne soit pas lassé et qu'on reste bien captivé tout au long de la pièce. Les musiques étaient très rythmées et modernes, et les vidéos montraient plein d'images qui représentent bien les adolescents (portable, ordinateur, amour, Facebook).
Ce que j'ai le moins aimé, c'est le décor, il n'y avait que des chaises et je préfère les pièces de théâtre avec beaucoup de décors. J'ai ressenti de l'affection pour Jim qui était très attachant avec tous ses problèmes (son père qui l'a abandonné, sa mère qui ne l'aime pas, ses frères plus forts que lui...).
Une pièce unique, intéressante, triste. Elle nous montre que nous sommes tous capables de tout, nous les adolescents.Un grand merci à tous les comédiens et toute l'équipe pour m'avoir fait passer un très bon moment. »
 
       « James Thierrée, petit fils talentueux de Charlie Chaplin se produit en solo dans la pièce Raoul.Un spectacle fascinant pour tous les âges placé sous le signe de la danse, la solitude, la vie, la mort.
Entrechats, pirouettes, demi-pointes, son corps semble inépuisable et plein de ressources. Il va même jusqu'à s'envoler parmi les cintres et les projecteurs !C'est un danseur né.
Raoul voit alors apparaître tour à tour des créatures fantastiques : une méduse vaporeuse, un éléphant cotonneux, un poisson des profondeurs, tous créés par Victoria Thierrée, sa mère.
Raoul, naufragé d'un bateau et de la vie, débarque sur une île constituée d'un tipi en barres métalliques (...)
Et lorsqu'à la fin, il s'envole vers les cieux, c'est un tonnerre d'applaudissements qui retentit à travers la salle. Un spectacle étonnant à ne rater sous aucun prétexte ! »
Critique d'une classe de collège (collège
La Neustrie, Bouguenais) après le spectacle Raoul de James Thierrée .

 
En conclusion :

Nous avons privilégié ici des formes théâtrales ou des écrits à oraliser mais il ne faudrait pas négliger d'autres formes artistiques permettant de synthétiser cette lecture raisonnée de la représentation : projet d'une nouvelle affiche, élaboration de croquis, boîte-souvenir du spectacle (une banale boîte à chaussures (la fameuse boîte noire) transformée en plateau de théâtre que l'élève « customise » avec des images ou de petits objets). On peut prolonger aussi le travail sur les personnages en créant l'album-photos d'un des personnages de la pièce ou en présentant un objet fétiche de son musée personnel.
Au delà de la création plastique l'intérêt pour l'élève au moment de la présentation de son travail au groupe classe est le temps de la formulation et de la justification de ses choix. Enfin la question des traces de la rencontre avec l'œuvre (journal de spectateur, blogs, carnets sonores, maquettes ...), traces individuelles ou collectives, s'inscrit au cœur de l'enseignement de l'Histoire des Arts.
Toutes les activités proposées dans ce document auront su montrer, nous l'espérons,  comment sensible et intelligent, trop souvent dissociés, sont ici convoqués conjointement et étroitement liés pour permettre à nos élèves, dans la confrontation avec des oeuvres d'art et des artistes, de mieux se comprendre et comprendre le monde.

NB : les spectacles évoqués dans ce document ont été programmés par le Grand T, et au cœur de formations ou de parcours d'éducation artistique et culturelle dans le cadre du dispositif T au théâtre.
 
Vous trouverez sur le site de l'ANRAT, association nationale de recherche et d'action théâtrale une fiche-outil très utile pour l'analyse de la représentation théâtrale et sur un site des enseignants de Français Langue étrangère une progression autour de la rédaction d'une critique théâtrale.
 
auteur(s) :

catherine le moullec, coordonnatrice théâtre académique

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux

type pédagogique :

public visé : non précisé

contexte d'usage :

référence aux programmes :

ressource(s) principale(s)

-rideau rouge.jpg l'après-spectacle: de l'émotion à l'analyse 04/10/2013
Donner à nos élèves la possibilité d'exprimer leurs ressentis, d'échanger, de construire une critique argumentée, des références et des outils d'analyse d'un spectacle v ...
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