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mis à jour le 05/03/2014
Un outil pédagogique autour de l'oeuvre duchampienne, à partir de l'analyse de deux oeuvres de la collection du musée des Beaux-Arts de Nantes.
mots clés : chaarp, Duchamp, empreinte, mémoire, matérialité
33 boîtes en bois formant une seule pièce cohérente. Il s'agit d'une galerie de portraits au crayon accompagnés du nom de la personne représentée et d'une empreinte digitale en couleur. Cette « tache » colorée ponctue visuellement l'œuvre. Composée de personnages historiques, d'artistes, de philosophes, de scientifiques et de l'artiste lui-même. Il s'accorde d'ailleurs une photographie là où les autres personnages sont définis par des traits de crayon. Sa propre boîte est la dernière comme pour clore la série.
A la manière des tests psychologiques de Rorschach, Annette Messager signe à l'encre sur du papier qui sera ensuite plier. Ce geste créera de larges taches noires et leurs formes aléatoires feront naître, à chaque opération, la surprise. La signature disparaît. L'artiste s'inflige cette pratique chaque jour durant un mois. La production d'un court texte, tel un décryptage, sera placé sous l'image. Texte et image, fruit d'une journée, seront encadrés. Les 31 dessins forment un album. Les textes illustrent les taches mettant en scène une vie imaginaire mêlant humour et dérision.
« Aujourd'hui je dois me laver les cheveux. Ce personnage aux yeux très noirs et à la chevelure très compliquée, c'est moi, je dois me maquiller et me soigner beaucoup physiquement, ou alors c'est mon cerveau, ma tête qui éclate. Mauvaises et sombres pensées. Regard fixe et sans joie. - dimanche 6 mai »
« Aujourd'hui ma silhouette est tout en haut, 2 serpents veulent me mordre les bras, me prendre. Je ne sens au dessus de tout malgré ces 2 personnes qui me veulent du mal - samedi 12 mai »
Cette pratique répétitive prend la forme d'un rituel aux vertus thérapeutique. Entre images attendues de la femme, stéréotypes et folie, le spectateur est accompagné de sentiments multiples tout au long de sa lecture.
L'empreinte est la plus vieille manière au monde de fabriquer des images. Qu'elles soient réalisées par contact ou à distance (photographie), « l'empreinte est une trace laissée d'un corps physique sur une surface ou un autre corps 1. » Comment un procédé aussi ancien a pu autant attirer les artistes contemporains ? Dès lors, en quoi faire une empreinte devient-il un geste artistique ?
1Vocabulaire d'esthétique, Étienne SOURIAU
Créer une image par contact
Les deux œuvres du Musée des Beaux-Arts relèvent de l'empreinte par contact. Dans les deux cas un corps physique (doigt de l'artiste ou feuille) a été en contact avec une surface (boîte en bois ou feuille). L'œuvre de FILLIOU nécessite un contact direct entre le corps de l'artiste et la surface alors que la technique d'Annette MESSAGER ne le permet pas. Le pliage de la feuille s'introduit entre le corps de l'artiste et la surface accueillant l'image en négatif. S'agit-il pour les artistes de créer une image par mimesis ou plutôt par duplication ? Si l'image de l'empreinte digitale est plus fidèle à celle du pouce de l'artiste, la tache à l'origine de l'empreinte de MESSAGER est déformée par la pression exercée par l'artiste. De plus, matrice et empreinte ne font qu'une dans les images d'Annette MESSAGER. L'une étant à l'origine de l'autre et vice et versa.
L'expérience de l'empreinte
Dans l'Album n°47, chaque tache et empreinte se distinguent aisément les unes des autres alors que les empreintes de FILLIOU se rallient à l'idée générale de l' « empreinte digitale ». Leur création par pression, un geste élémentaire, engendre des formes et des contours pourtant différents en fonction de l'inclinaison du doigt mais aussi de la pression exercée. Leurs différences servent le discours du peintre qui crée des reliques fictives d'hommes illustres. Le caractère « réel » de l'empreinte authentifie la relique. L'empreinte digitale acquiert donc le statut de signature. L'artiste signe par le biais de ce qu'il a de plus personnel, ce qui permet son identification et exclut le travail de faussaire : pourtant...... ?!. Chair, technique et image émergent de l'empreinte digitale. Le pliage nécessaire à la réalisation des taches de MESSAGER induit des différences et c'est précisément ce qui alimentera le texte journalier de l'artiste. Leur origine est pourtant issue de deux gestes identiques à chacune d'elles : sa signature et le pliage. Une écriture qui, une fois pliée, produit une tache. Celle-ci devient une source d'inspiration, de création dans laquelle elle puise des fictions que le spectateur tentera de retrouver dans l'image. La signature d'Annette MESSAGER est à l'origine de la création et non une finalité.
Une inscription dans l'histoire : une manifestation de l'existant (mémoire)
Apposer son empreinte est comme un forme d'appartenance. En laissant la trace de son pouce dans cette galerie de portrait, FILLIOU montre que l'acte créateur est accessible à tous. Mais l'empreinte induit à la fois une disparition et une mémoire (d'une geste, d'une personne, d'une histoire). La trace figure deux temporalités : un temps court (geste) et un autre plus long lié à l'absence, à la disparition. De la même manière, Annette MESSAGER propose une œuvre dont l'inspiration est scientifique : test de Rorschach. Cette référence, devient le point de départ de sa création et un embrayeur d'écriture.D'autres fiches CHAARP sur "sur un air de Duchamp... empreinte" ou sur d'autres thématiques sont consultables sur le site académique et dans les structures culturelles suivantes : Frac des Pays de La Loire, Musée des Beaux-Arts d'Angers, Musée des Beaux-Arts de Nantes, Musée de l'Abbaye Sainte-Croix des Sables d'Olonne. |
virginie michel, chargée de mission au musée des beaux-arts de Nantes
niveau : tous niveaux
type pédagogique :
public visé : enseignant
contexte d'usage : classe, atelier
référence aux programmes :
éducation artistique et action culturelle - Rectorat de l'Académie de Nantes