quantité et qualité
L'annonce du projet le jour de la rentrée et l'annonce du programme du Goncourt des Lycéens 2004 une semaine plus tard, font l'effet d'un véritable électrochoc sur les élèves ! Lire les 14 romans sélectionnées par les Goncourt, soit 4200 pages en 50 jours, semble d'abord une folie, une « mission impossible »... Certains élèves iront jusqu'à écrire qu'ils ont été pris en « otages » ! On est loin de leurs habitudes de lecture (2 ou 3 livres en moyenne par an pour le plaisir), et loin des quelques livres (5 ou 6 par année scolaire selon les recommandations du programme) -pas toujours lus entièrement- imposés par l'enseignant de français dans le cadre du cours.
Lors de la première distribution des livres au CDI avec les représentants de la FNAC, les réflexes habituels sont les premiers critères de choix : la plupart des élèves se ruent sur les livres les moins épais (Dernier amour de Gailly, 120 pages) et délaissent les « pavés » (Dans la marche du temps de Rondeau, 980 pages). Une semaine plus tard, après un premier échange et une seconde distribution, les préjugés commencent à tomber et les critères de choix sont plus élaborés : on discute avec le camarade qui a déjà lu le livre, on lit attentivement la quatrième de couverture, on feuillette...
Ce qui était impossible hier commence à devenir envisageable. La compétition de lecture est même lancée entre élèves. Le « miracle » Goncourt s'est produit, l'aventure suit son cours et rien ne pourra l'arrêter. Six semaines plus tard : les 30 élèves auront lu presque 8 livres en moyenne (entre 5 et 10 pour la majorité, 1 aura lu les 14 livres, 6 plus de 10 et 2 seulement n'ont pas franchi le seuil des 5 livres) et chacun aura lu plus en 50 jours que dans les 365 jours précédents ! Le défi de la quantité a été relevé... et tous ou presque auront changé leur rapport à la lecture, s'étonnant même de leur capacité à lire autant ! L'action ne s'arrête d'ailleurs pas d'un seul coup après le vote, les élèves continuant à lire pour découvrir les livres qu'ils n'avaient pas lus, puis découvrant les autres romans d'auteurs qu'ils avaient appréciés (Zeller, Grimbert) ou découvrant les lauréats des autres prix littéraires (Laurent Gaudé Le soleil des Scorta Prix Goncourt 2004 ou La mort du roi Tsongor Prix Goncourt des lycéens 2002), enfin devenant à leur tour des passeurs : faisant lire leurs camarades de la classe (lors d'exposés programmés sur le reste de l'année), d'autres classes au cours d'une soirée au CDI, leurs parents (un parent sur deux avait lu au moins un des livres de la sélection avant Noël).
Cette course n'a pas empêché quelques réflexions sur la quantité (caractéristique de la production française où les éditeurs inondent le marché en attendant que les critiques et les prix fassent une deuxième sélection). Ainsi les élèves ayant appris que plus de 440 romans français étaient publiés à la rentrée de septembre 2004 et ayant compris l'importance des prix littéraires, ont eu à cœur de lire le maximum de livres. Cependant, on peut regretter cette surenchère effrénée, en rappelant que lors des éditions précédentes une dizaine de romans sélectionnés suffisait largement !
Si ce « miracle » se reproduit chaque année, dans chaque classe, c'est que le projet est bien rôdé et fonctionne -presque- tout seul, générant des actions, des animations et des rencontres... Devant ces choix multiples, il est parfois difficile pour les élèves et les accompagnateurs de dégager une priorité : lire le maximum de livres pour bien choisir avant le vote ou se « disperser » dans de multiples activités, toutes aussi intéressantes les unes que les autres, mais difficiles à maintenir de front... Surtout quand pour l'enseignant, il y a d'autres classes à assurer et pour les élèves d'autres cours à suivre, d'autres matières à travailler. Cependant cette recette pourrait être allégée et adaptée à de nombreuses classes de lycées en diminuant le nombre de livres à lire, en réduisant les charges de travail...etc.