Contenu

éducation artistique et action culturelle

Recherche simple Vous recherchez ...

espace pédagogique > actions éducatives > action culturelle > pratiques

le Goncourt des Lycéens 2004 au lycée Le Mans sud

mis à jour le 10/04/2008


livre.jpg

Un bilan de la participation, à l'automne 2004, d'une classe de seconde du lycée Le Mans sud au Goncourt des Lycéens.

mots clés : Goncourt, lecture critique, prix littéraire, jury littéraire


Une peu d'histoire...

Le Prix Goncourt des lycéens a été initié en 1988. Il est aujourd'hui conjointement organisé par le Ministère de l'Education et une entreprise privée, la FNAC. Le Ministère délègue son organisation à une association, « Bruit de Lire ». Le nom est emprunté, avec son accord à l'Académie Goncourt, qui décerne tous les ans un Prix littéraire, suivant ainsi les vœux des frères Goncourt depuis 1903.
Il s'agit pour les lycéens, à partir de la sélection de l'Académie, et non d'une version expurgée, de choisir un livre, qui se verra décerner un Prix le même jour que celui des éminents membres du jury Goncourt.
La période de lecture est très courte : la sélection n'est connue qu'au début du mois de septembre. Or le prix a, cette année, été remis le 8 novembre.
 

un bilan global

La demande du Lycée Le Mans-Sud a déjà plus d'un an lorsque, au printemps 2004, l'accord du Rectorat parvient à l'équipe de Lettres. D'emblée se pose la question du niveau avec lequel il s'agira d'organiser le projet. Plusieurs options se présentent. La possibilité d'accorder le Prix à la classe de 1ere L-ES est évoquée dans un premier temps : il semblait alors qu'il y avait là une possibilité de donner de la cohérence à une classe mixte, autour de l'un des rares enseignements communs à toute la classe. Finalement, devant l'incertitude de l'adaptation du Prix au programme de première et devant la nécessité de répartir au plus vite les classes, la solution de la classe de seconde a été choisie. Il fallait aussi un professeur volontaire pour se lancer dans ce travail : je me proposais.
Déjà acteur principal du Prix Goncourt des lycéens en 1999, Denys Ezquerra a accepté de garder un regard bienveillant sur l'opération et d'ouvrir les portes de son émission hebdomadaire sur Radio-Alpa (voir infra, 4.2.2). Nous expliquerons par la suite en quoi son rôle aura été décisif dans le rythme des activités de lecture.
Marie-Thérèse Lasne a également eu un rôle très actif en épaulant le professeur de la classe : elle a lu, très rapidement, les livres et a permis une circulation plus efficace au sein de la sélection.
Le C.D.I., grâce en particulier à Claudine Brossard, a été le lieu de cohérence de cette opération : de nombreuses heures de cours y ont eu lieu, permettant ainsi à la classe d'utiliser les ordinateurs, qui restent en nombre encore très insuffisant. Les livres y ont été stockés et l'on a pu profiter de la convivialité de la salle d'exposition pour organiser la remise des livres, les cafés littéraires, ou plus simplement les débats au sein de la classe. La salle d'exposition a été également utilisée pour l'organisation de panneaux récapitulatifs des lectures.
Au-delà de ce groupe de volontaires, il a été demandé à la direction, dès la mise en route du projet, la possibilité de former une équipe pédagogique constituée d'enseignants volontaires pour aider à surmonter les difficultés. Les délais imposés, les rencontres avec les écrivains, les possibles sorties ne vont pas sans perturber les cours des autres matières. L'équipe proposée n'a été retenue qu'en partie, pour des raisons de répartition de service, ce qui reste regrettable. Néanmoins, certains professeurs, qui le souhaitaient, ont pu participer de loin au projet. Les cafés littéraires du mardi midi leur ont permis de rencontrer les élèves qui avaient lu les mêmes livres qu'eux, voire de repartir avec des conseils de lecture. Dans un autre ordre, on soulignera que M. Maleyran, proviseur et M. Spagnol, proviseur-adjoint, ont sans cesse rendu plus simples les tâches administratives, notamment pour l'organisation et le financement du déplacement de la classe à Rennes.
Il faut maintenant s'interroger sur l'impact du projet au sein de l'établissement et tirer un bilan. Celui-ci s'avère en demi-teinte. Au-delà des professeurs intéressés au départ, d'autres adultes sont venus lire avec la classe Goncourt. Mais à la vérité peu, et surtout le Prix Goncourt n'a eu aucun effet sur les autres classes. La raison en est très simple et tient au projet même du Prix Goncourt et au nombre de livres mis à disposition par la FNAC : six exemplaires de chacun des quatorze livres retenus. D'ailleurs, très rapidement, ce ne sont pas les quatorze livres qui ont circulé, mais une petite dizaine, le bouche à oreille entre élèves fonctionnant très vite et faisant que rapidement, au moins quatre livres, ont été écartés. Dans ces conditions, on comprend aisément que les livres étant réservés aux élèves de la classe Goncourt, les autres se trouvent exclus du projet.
La solution est donc davantage à rechercher au cœur de la classe impliquée, susceptible de communiquer au sein de l'établissement comme à l'extérieur (site internet local, académique, voie d'affichage etc.) ; on peut encore imaginer, dans le souci d'impliquer davantage les collègues, l'achat par le lycée d'une sélection destinée aux professeurs, dans un premier temps et qui enrichira le fonds du CDI ensuite.
Le Prix Goncourt des lycéens tel qu'il est organisé actuellement n'est donc pas une opération à l'échelle de l'établissement. Certains proposent de prolonger le Prix, voire de le rejouer au sein du personnel, en utilisant les livres, qui restent de toute façon la propriété du lycée. Il nous a semblé difficile de proposer aux collègues cela : d'une certaine manière, la saison des prix littéraires étant passée, certains livres ont déjà disparu de l'actualité et chacun souhaite passer à autre chose. L'émulation est d'ailleurs largement retombée. Il y a là quelque chose à inventer, parallèle ou similaire au Goncourt lui-même.

 

un bilan par activité

Sans entrer dans le cœur du dispositif didactique, il semble intéressant de faire un bilan rapide de ce que les élèves ont pu effectivement « faire ». A la vérité, les activités autour du Prix Goncourt sont si nombreuses qu'il est important, d'emblée, de choisir des activités adaptées au niveau de la classe, à son l'environnement, au sein du lycée, comme au niveau local. Le Goncourt des lycéens a d'ailleurs été l'occasion au Lycée Le Mans-Sud de puiser dans des ressources internes à l'établissement.
    
4.1 Activité de lecture
Il n'est pas nécessaire de le rappeler, l'objectif du Prix Goncourt des lycéens est de lire des livres. Cet objectif a été largement atteint. Encore faut-il, pour l'enseignant, stimuler sans cesse une activité peu reconnue des adolescents, surtout sur un rythme de lecture auquel les lycéens ne sont pas habitués.
Il est rapidement apparu qu'il était nécessaire de donner aux élèves du temps sur les heures de cours pour lire. Il a semblé risqué, en tout cas, de compter sur le seul temps non-scolaire. D'emblée, il a donc été décidé que les heures d'aide individualisée, les modules et les heures de vie de classe seraient réquisitionnées pour augmenter de façon substantielle le nombre d'heures de Français par élève. Autrement dit, sur ces heures, toute la classe était présente, ce qui a permis de dégager du temps pour lire, en maintenant cependant quelques heures pour poursuivre les apprentissages parallèles à la lecture. Les différentes salles du CDI ont permis d'organiser des groupes de travail, voire différents ateliers pour une aide individualisée.  Par exemple, un lundi matin, la classe a été divisée en trois : un groupe de préparation de l'émission du lundi soir, lui-même réparti en trois groupes, un pour chacun des auteurs, un groupe de lecture, autonome, et un groupe en activité de recherche sur Internet. Le groupe de préparation de l'émission était encadré par Melle Lasne  (sur son temps libre) et M. Degoulet, le groupe de recherche par Mme Brossard.
Comme le montre le tableau récapitulatif des activités (voir infra annexe 1), aucun élève n'est resté en marge de l'activité de lecture. Au contraire, ceux qui déclaraient être réticents à la lecture, au premier abord, ceux qui se donnaient pour objectif de lire « trois livres » ont été pris dans l'émulation collective et ont dépassé leurs objectifs.
La moyenne des livres effectivement lus est supérieure à huit (8, 65), ce qui est plus important que la moyenne observée par les organisateurs au niveau national (la moyenne avouée étant de six, même s'il n'existe aucune donnée officielle).
Sur le plan de la lecture, l'objectif est donc rempli, même au-delà des espérances les plus optimistes. Mais il faut comprendre qu'outre la bonne volonté des élèves et les stimulations internes au lycée, la radio a joué un rôle important : avec presque une émission par quinzaine, chacun a pu être poussé à lire pour participer à un débat retransmis en direct. Par ailleurs, les rencontres à la télévision avec Eric Fottorino, Franz-Olivier Giesbert et Alain Jaubert ont fait lire les élèves. Enfin, la venue de Florian Zeller au lycée le 20 octobre a incité 32 des 35 élèves à lire La Fascination du pire.
D'une certaine manière, l'élection du délégué de la classe, Frédéric Griffaton, dans le jury final qui a décerné le prix (seuls treize délégués participent à la délibération finale) est le résultat de l'efficacité de la lecture de la classe toute entière. S'il a été retenu par ses pairs au niveau régional, il le doit aux habitudes prises par la classe, notamment de travail sur les textes, au moment des émissions de radio, autant qu'à sa propre capacité de lecture.

C'est donc à l'oral que le Prix Goncourt a pris toute sa mesure. Deux activités ont été significatives : les cafés littéraires et les émissions de radio.        
  •  Cafés littéraires
Organisés tous les quinze jours, le mardi, de 13h à 14h (heure de vie de classe pour toutes les classes de seconde), les cafés littéraires ont permis à la classe d'échanger autour d'un café, mais aussi de trois livres, choisis à l'avance. Le débat avait lieu au CDI et pouvaient y participer d'autres professeurs, de la classe ou pas.
Ce qui semble très positif est la participation de plus d'une dizaine de collègues. Les élèves ont à chaque fois trouvé les échanges intéressants. Le fait de pouvoir rendre compte de l'activité de lecture à des individus extérieurs à la classe, partager ses avis avec d'autres adultes que le professeur de la classe ou les documentalistes a été apprécié par tous.
Pourtant, il me semble que le débat gagnerait en densité avec la présence d'un vrai contradicteur, d'un modérateur. A vrai dire, j'en ai plusieurs fois endossé le rôle, mais en marchant sur des œufs : le rôle du professeur n'est pas vraiment de donner son avis, pourtant, les élèves ont besoin d'avoir en face d'eux un adulte qui les provoque, qui déclenche leur prise de parole, l'expression personnelle. Marie-Thérèse Lasne et d'autres sont également venus aider à la tenue du débat, mais j'ai le sentiment que sur ce point il faudrait formaliser davantage l'exercice pour le rendre plus efficace, quitte à trouver des solutions pour pallier le manque de livres.
Nous avons un temps cherché à croiser radio et cafés littéraires : le café du mardi reprenant les livres discutés la veille à la radio, mais les élèves ne voyaient pas l'intérêt de redire ce qu'ils avaient déjà dit la veille à la radio.
On conclura en soulignant que l'activité a semblé utile pour les élèves et qu'en tout état de cause, placée sur les heures de vie de classe, elle a contribué à souder la vie de la classe et à poser les jalons de son éducation citoyenne.
  • Radio
L'utilisation de l'outil radiophonique a donc été la plaque tournante de l'activité Goncourt.
Depuis plusieurs années, Denys Ezquerra anime sur Radio-Alpa, radio locale non-commerciale située au Mans, « En Toutes lettres », un magazine littéraire hebdomadaire diffusé en direct le lundi soir de 19h à 20h. Depuis quelques années, il s'associe au Prix Goncourt des lycéens et reçoit les classes du Mans pour échanger autour des livres de la sélection.
L'intérêt de cet outil est simple : il donne aux élèves un support concret et nouveau pour travailler l'argumentation. Il transcende le débat en classe, en ce qu'il l'ouvre à tous (de nombreux parents m'ont dit avoir écouté les émissions, ainsi que des enseignants) et le rend plus sérieux, plus crédible aux yeux des élèves.
A deux reprises, le mardi matin, Denys Ezquerra est venu préparer les élèves et a également proposé au tout premier groupe de répéter, de s'entraîner à la prise de parole en vue de l'émission (tout cela sur son temps libre).
L'objectif de l'exercice est en réelle adéquation avec les programmes de seconde, puisqu'il était nécessaire de créer, autour de chaque œuvre, un groupe équilibré, autant que faire se pouvait, entre des élèves qui avaient aimé le livre et d'autres qui pouvaient en dire les limites, voire le critiquer. Il était donc nécessaire, en amont, de préparer des argumentaires, puis, alors en direct, d'organiser l'échange. L'exercice fut difficile, pas toujours totalement réussi, mais on a rapidement constaté que l'appréhension de départ a vite été dépassée : tous les élèves qui ont participé ont toujours été volontaires, certains sont même revenus une seconde fois.
En tout, la classe aura participé à quatre émissions, débattu de sept romans et témoigner de son expérience du prix Goncourt. Le délégué de la classe, élu au niveau national, a donné son avis « à chaud » le soir du 8 novembre en rentrant de Rennes.
Par le biais de la radio, la classe de 2. 07 a eu également la chance de participer à une émission de télévision. En effet, à l'initiative de Radio-Alpa, des plateaux communs avec Canal8, chaîne locale diffusée sur le câble, ont eu lieu pendant la « 25ème heure du livre », manifestation ayant lieu au mois d'octobre au Mans. A cette occasion, les élèves ont pu interviewer trois auteurs, dans une émission diffusée en direct à la radio, puis en différé à la télévision. L'exercice était alors différent, puisqu'il ne s'agissait plus de débattre d'un livre, mais d'interroger son auteur.
L'ensemble de ces activités liées aux médias locaux a été un véritable moteur pour l'activité de lecture : vingt-six élèves sont passés une fois - et plus - à la radio, six élèves étaient sur le plateau de télévision, avec à chaque fois le défi de tenir un discours sur une œuvre littéraire, discours à la fois préparé, mais également improvisé dans le feu des échanges.
On constate, au terme de l'opération Goncourt, qu'au-delà de la lecture ou la connaissance du roman contemporain, un autre véritable bénéfice est au niveau de l'argumentation. Grâce à la prise de parole publique, les élèves ont immédiatement pris conscience des enjeux de l'argumentation autour de l'œuvre littéraire : nécessité de connaître impeccablement l'œuvre dont on parle, mais surtout besoin de convoquer les bons passages pour prouver ce que l'on avance et donc convaincre son auditoire. Il a donc été posé des jalons sûrs pour les exercices de commentaire et de dissertation.
  • Rencontres avec les écrivains
La classe de 2. 07 du lycée Le Mans-Sud a eu la chance de rencontrer beaucoup d'écrivains. En dehors des rencontres Goncourt à Rennes, l'émission organisée pendant la « 25eme heure du livre » a été l'occasion de rencontrer trois auteurs : Franz-Olivier Giesbert, Alain Jaubert et Eric Fottorino, venus à la rencontre de leurs lecteurs et qui ont tous trois accepté avec enthousiasme de répondre aux élèves membres du jury du Prix Goncourt des lycéens.
Par ailleurs, Florian Zeller est venu au lycée, à l'initiative de la FNAC.
Tous ces contacts ont permis aux élèves de comprendre les conditions de création de l'œuvre littéraire et ce qui constitue le champ littéraire.
  • Activités écrites
Le point apparemment le moins développé du Prix Goncourt des lycéens au lycée Le Mans-Sud aura été, par certains aspects, l'écrit. Entre l'activité de lecture à proprement parler et la préparation des émissions de radio - activité orale, donc - il y a eu les évaluations écrites et la préparation des argumentaires, pour passer à l'écriture. Peu nombreuses, il est vrai par rapport à l'oral, les activités d'écriture ont néanmoins joué un rôle décisif.
Profitant des argumentaires mis en place par les élèves pour préparer les débats, notre choix s'est porté sur l'écriture épidictique, qui a trait à l'éloge et au blâme. Le texte de critique littéraire, s'il peut croiser différentes formes de discours (informatif et narratif notamment) est avant tout argumentatif, puisqu'il vise à convaincre le lecteur de lire ou pas un livre. L'éloge et le blâme relèvent bien de l'argumentation, mais dans une forme moins familière aux élèves, plus complexe à cause des différentes formes de discours qu'on y croise. En cela, elle est une forme d'argumentation riche et intéressante pour les élèves qui peuvent jouer sur la biographie de l'auteur, le résumé du livre et l'argumentation plus traditionnelle. L'écriture épidictique a donc permis aux élèves de dépasser le cadre strict de la défense d'une thèse.
A deux reprises, les argumentaires des élèves ont été évalués par des exercices d'écriture épidictique dans un cadre d'invention. Il s'est agi, dans un premier temps, d'écrire à quelqu'un de sa connaissance pour le convaincre de lire un livre de la sélection. La lettre demandée avait les caractéristiques de l'écriture critique, puisque le correspondant était censé ignorer tout de l'écrivain et du livre. Par la suite, l'écriture de la lettre a été réinvestie dans un cadre énonciatif différent, puisqu'il s'agissait d'écrire directement à un auteur pour lui signifier le rejet de son livre.
La dernière évaluation a amené les élèves en périphérie de l'exercice de la dissertation : il s'agissait, en s'appuyant sur le corpus du Prix Goncourt, de définir ce qui faisait un « bon roman ». Par attraction-répulsion, les élèves ont très bien su montrer qu'ils avaient maintenant un bagage de lectures  et qu'ils avaient développé leur esprit critique.
D'ailleurs, entre le premier et le dernier exercice, les critères d'évaluation des livres ont sensiblement évolué et les élèves ont appris à affiner leur analyse, passant de la simple verbalisation d'un goût pour le livre à l'appréciation d'une structure littéraire complexe (Korsakov, d'Eric Fottorino par exemple) ou à l'analyse de sentiments recherchés, parce que liés à la fiction et à l'autobiographie (nous pensons à Un Secret, de Philippe Grimbert).
On peut donc dire que si l'écrit n'a pas été un point nodal de l'opération, les activités d'évaluation menées ont été assez nombreuses pour que l'ensemble ne soit pas complètement coupé de l'écrit. D'ailleurs, l'écrit a été un très bon moyen d'évaluation des préparations, notamment des argumentaires, pour les activités orales. On peut constater que les élèves qui ont le mieux réussi les évaluations écrites sont ceux qui s'étaient investis de façon significative dans les activités orales et qui ont su en reprendre les meilleurs éléments.
 

conclusion

Très positif pour l'enseignant qui y participe et pour sa classe, le Prix Goncourt des lycéens est aussi une machine très lourde à gérer pour l'établissement. Il est donc nécessaire d'avoir conscience des difficultés administratives probables, pour s'y préparer et trouver de l'aide pour les affronter.
Sur le plan pédagogique, il semble que l'effet souhaité puisse aussi avoir des travers à court terme, qu'il vaut mieux connaître d'emblée pour les appréhender. Alors que cette opération facilité une entrée rapide dans la vie lycéenne et une cohésion plus forte du groupe-classe, elle peut aussi engendrer la formation d'une identité qui amène la classe à rejeter ce qui lui est étranger. Ainsi, il faut parfois reprendre la gestion lorsque le groupe est mélangé aux autres classes - c'est le cas pour les groupes de langue. Cet excès, qui consiste pour la classe de cultiver à outrance sa singularité, sera pallié par l'ouverture du projet à l'ensemble de l'établissement.
Par ailleurs, un autre type de rejet est possible : les élèves ne comprennent pas forcément, après le Goncourt, que l'on ne fonctionne pas toujours en « projet ». Le cours plus classique, sous la forme du dialogue élève-professeur, voire de l'apport magistral, peut être vécu comme une anomalie. La question de la place du professeur est alors problématique : avec le Goncourt des lycéens, le professeur est presque à égalité avec ses élèves, puisqu'il travaille sur un corpus qu'il découvre en même temps qu'eux. Le retour au fonctionnement classique - le professeur qui enseigne un corpus qu'il maîtrise de longue date - surprend les élèves, pour ne pas dire les déçoit. Il s'agit alors de faire preuve d'esprit d'invention, avec une classe qui est devenue exigeante avec son professeur de français. Mais au final il apparaît que le cours de Français, relié au monde réel, rendu à la vie en quelque sorte alors qu'il manipule la plupart du temps le passé et des auteurs morts, intéressé de façon marquante les élèves. C'est donc à cela qu'il faut réfléchir, à la suite du Prix Goncourt des lycéens, et qui constitue un défi intéressant pour l'enseignant.
Mais, surmonter des difficultés est toujours enrichissant et le bilan est, au final, très positif, puisque l'on est parvenu à donner une vraie cohérence à la classe à travers le projet, en rendant les élèves capables de travailler en groupe, mais aussi en leur permettant d'acquérir une autonomie importante, notamment en lecture et en expression orale. Plus, ils sont devenus de vrais acteurs dans leurs apprentissages.
Enfin, l'attitude des parents a été positive, elle aussi : au-delà des inquiétudes bien légitimes sur le programme (le Prix Goncourt permettra-t-il de « le finir » ?), les deux occasions de rencontres organisées par l'administration (rencontre collective avec l'équipe enseignante en octobre et rencontres individuelles en décembre) ont été l'occasion de vérifier que le projet a été très bien compris et reçu par les familles, qui ont le plus souvent réellement encouragé les élèves. Toutes soulignent un regain d'intérêt pour la lecture, voire un regard nouveau sur le cours de Français, et sur celui d'Histoire-Géographie. Il semble donc que le Prix Goncourt ait influencé positivement des élèves apparemment plutôt intéressés par les matières scientifiques et les ait poussés à reconsidérer leur position par rapport aux matières dites « littéraires ».
Le Prix Goncourt aura-t-il un impact sur les effectifs de la classe de classe de 1ere L au lycée Le Mans-Sud ?  On aimerait le croire, mais il s'agirait alors de donner à cette opération une ambition qui ne lui est qu'annexe. On a compris durant le Prix Goncourt qu'il était possible de redonner le goût de la lecture aux élèves, en les mettant en position de lecture-plaisir dans un cadre institutionnel - à vrai dire dans un cadre finalement faussement contraint (les élèves étant tout à fait libres d'abandonner les livres qui les rebutaient) - et dans une situation de projet collectif. Cela aura permis, en tout cas, de modifier certaines représentations de la filière L, chez des élèves a priori intéressés par la filière scientifique.
On retiendra donc que la forme du concours, du défi-lecture ou encore de l'attribution d'un Prix littéraire s'avèrent des outils très efficaces pour stimuler la lecture en classe de seconde. Reste à trouver ou à mettre en place des outils identiques à celui du Prix Goncourt des lycéens dont pourrait bénéficier l'établissement tous les ans. Le lycée Le Mans-Sud a prouvé qu'il avait les ressources nécessaires pour s'engager dans cette nouvelle voie.
 

information(s) pédagogique(s)

niveau : Lycée tous niveaux

type pédagogique : analyse de pratique, démarche pédagogique

public visé : enseignant, chef d'établissement, inspecteur

contexte d'usage : classe, espace documentaire, sortie pédagogique

référence aux programmes :

haut de page

éducation artistique et action culturelle - Rectorat de l'Académie de Nantes