Les écrivains parlaient de leur livre à la manière dont les parents parlent de leur enfant peu après leur naissance - en l'occurrence ici peu de temps après l'édition du roman. Ils expliquaient de manière investie et intéressante leur processus d'écriture et le cheminement intellectuel et personnel qu'ils ont effectué jusqu'à l'aboutissement de leur livre qui est, en somme, une partie d'eux, aux consonnances multiples avec leur propre vie, truffé de clin d'œil à leur histoire.
D'ailleurs, ne parlent-ils pas d'autofiction ? Dans l'écriture d'un roman, certains y glissent subrepticement des « morceaux » de leur expérience de la vie, attribuant ainsi au roman des résonances autobiographiques.
C'est une fiction, evidemment. N'empêche que sous couvert de ranger son récit dans cette catégorie, alors qu'il contient tout de même des pans de la vie de l'écrivain, les écrivains soumettent au lecteur cette part de mystère, cette ambiguïté constante tout au long du récit qui pousse le lecteur à s'interroger, à se méprendre sur la vie présumée de l'auteur, laissant la part belle aux rumeurs et aux cancans, de la presse, que nous, pauvres lecteurs, crédules et ignares gobons avidement avant de nous rendre compte, au détour d'un entretien avec l'écrivain, que nous avions faux sur toute la ligne. Et dès lors, les préjugés qui jusqu'ici s'entassaient dans notre tête s'écroulent et ressortent par nos oreilles (meurtries par les sifflets des lycéens fiers de se revendiquer de telle ou telle région ; on se croirait dans une compétition de cross régional ou dans un match de foot, soit dit en passant...)
Comme il doit être merveilleux d'être écrivain ! Comme leur vie doit être palpitante ! « Alors, très cher Salim Bachi, veuillez nous éclairer sur ...bla bla bla... » et lui de répondre, détaché, avant de préciser qu'il a son train à prendre, qu'il est pressé, sous-entendant qu'il n'a pas que ça à faire, que son emploi du temps d'intellectuel moderne et à la page (c'est le cas de le dire...), ne lui permet pas de s'attarder à ce genre de meeting à l'importance mineure dans son programme overbooké.
Et puis, être écrivain, c'est une bonne excuse, un prétexte respectable pour se permettre d'être un peu largué, comme Patrice Pluyette, ou encore un peu suffisant, ou encore un peu vague sur son œuvre que décidément on trouve géniale.
Non, vraiment, c'est à se pâmer d'envie tout ça.
Anne-Lise