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éducation artistique et action culturelle

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peinture de peinture - musée des Beaux-Arts d'Angers

mis à jour le 20/02/2013


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Un outil pédagogique autour de la question de la peinture, à partir de l'analyse de deux oeuvres de la collection du musée des Beaux-Arts d'Angers.

mots clés : chaarp, peinture, lavier, nishikawa


Bertrand Lavier et Katsuhito Nishikawa présentent deux démarches qui semblent dans un premier temps s'opposer. Rue du Pont Louis Philippe nous parle du geste, de l'imitation et du faux, Bild pigment étudie l'enfermement, la couleur et la matière. Une matérialité tangible et concrète fait face à une impression factice. Mais la couleur blanche, la place de la peinture dans l'art contemporain,  le statut de l'artiste et la distance nécessaire au regard rapprochent ces deux peintures. De façon ludique et ironique, ces deux artistes nous conduisent à interroger fondamentalement l'œuvre picturale : Qu'est-ce que la peinture ? Une peinture ? Et qu'est-ce qu'un peintre ?
 

à propos des oeuvres


Rue du Pont Louis Philippe Bertrand Lavier
  Bertrand Lavier,
  Rue du Pont Louis Philippe,
  2000, 
  jet d'encre sur toile,
  Photographie Pierre David.

pigment bild nishikawa




















Pigment Bild (jaune),
Katsuhito Nishikawa,
1978,
Pigment sur support
,
Photographie Pierre David.
 

Rue du Pont Louis Philippe - Bertrand Lavier

Cette toile carrée prend place dans la salle contemporaine du musée des beaux-arts d'Angers. Notre regard plein d'habitudes voit au premier coup d'œil une peinture gestuelle. Des gestes amples, nerveux recouvrent de blanc la surface sombre. Les traces laissées par l'outil sont visibles : une éponge ou un large pinceau. Puis la distance s'amenuisant, la tromperie est mise à jour et la magie opère. Nous ne sommes pas face à une peinture mais à une photographie imprimée sur toile. Point de gestes mais une impression, point d'expression débordante d'un moi mais un prélèvement de la réalité. C'est donc faux : il n'y a ni peinture ni enduit. La peinture blanche est en fait du blanc d'Espagne couvrant la vitrine d'un commerce fermé. Le titre de l'œuvre nous indique un lieu : Rue du pont Louis-Philippe. Photographiée au cours d'une promenade parisienne de l'artiste, la vitrine du magasin constitue une rencontre, un instant décisif dans la pratique de recouvrement de l'artiste. Au fil de sa pratique artistique, Bertrand Lavier constitue une réflexion sur l'objet et repense le statut de l'œuvre en dissimulant par exemple sous une épaisse couche de peinture de leur couleur originelle  un réfrigérateur ou un coffre-fort. Mais au-delà de la simple question du caché révélé, Bertrand Lavier remet en cause le statut de l'œuvre (qui n'est plus unique mais imprimée) et celui du statut de l'artiste qui ne fabrique plus l'œuvre. 

 

Pigment Bild (jaune), Pigment Bild (blanc) - Katsuhito Nishikawa

Le peintre japonais présente deux formats identiques et carrés. L'un est jaune, le second est blanc. Nous sommes faces à deux étendues de couleurs. Pourtant à y regarder de plus près, on aperçoit des nuances. Nous ne sommes donc pas face à des monochromes. Le titre nous indique les couleurs mais aussi le pigment. En effet, ces deux tableaux en sont remplis. Collés, enfermés, des zones ou taches apparaissent. Plutôt en périphérie du châssis, les pigments créent une forme d'altération, de matière abîmée telle la peau d'un mur décrépi. Les zones semblent en suspension et donnent l'apparence d'une matière sèche. Opposée à la peinture aqueuse et lisse, ces œuvres se présentent tels des fossiles, fixés, collés dans l'espace et le temps. Un plexiglas couvre les pigments et opacifie la surface. Pourtant, les pigments créent également une impression de « boule à neige » et semblent pouvoir se déplacer selon l'accrochage de la toile, à l'endroit ou à l'envers. L'œuvre n'a en fait aucun sens de lecture, elle peut donc être retournée. Nishikawa réitère un procédé et nous propose une répétition poétisée par la couleur : pureté et douceur neigeuse face au jaune éclatant. Pour autant, ce serait oublier les origines japonaises du peintre qui font du blanc la couleur du deuil et du jaune celle de l'exemplaire unique.  Face aux œuvres, le spectateur oscille entre la fascination de l'aplat de couleur : le plaisir rétinien ou son contraire : mettre à jour le procédé de fabrication.

 

définition des termes

Peinture : Action ou art de peindre. Opération qui consiste à recouvrir de couleur une surface. Représentation ou suggestion du monde visible ou imaginaire.

Peintre : Ouvrier artisan qui applique de la peinture sur une surface, un objet. Personne artiste qui fait de la peinture.

 

mise en relation des oeuvres

une peinture sans peinture

Dans les œuvres de Lavier et Nishikawa, il est question de peinture. Néanmoins, dans aucune des œuvres, il n'y a, matériellement, de peinture. Certes, nous voyons des gestes ou des pigments mais ni l'une ni l'autre ne répond à cette définition technique : mélange de pigment avec du liant, par exemple de pigment et d'œuf. Cependant, les deux œuvres étudiées, de par leur bidimension, la couleur sur une surface et la représentation répondent à la définition de peinture. Nous sommes bien face à une surface plane recouverte de formes et de couleurs dans un certain ordre assemblé comme le dirait Maurice Denis. Le titre de Nishikawa Pigment Bild corrobore cette détermination puisque le terme Bild signifie en langue allemande : image. Le pigment fait image ou l'image se constitue uniquement de pigments devenant ainsi l'essence même de l'œuvre. Le format, la gestuelle et la neutralité du blanc essaient tout autant de répondre à la définition de la peinture contemporaine. Les codes sont présents, utilisés mais à contre-pied afin de questionner le principe pictural.

le temps du regard

Ironie, surprise ou contemplation : il faut prendre le temps de regarder. Bertrand Lavier nous place devant une peinture que nous croyons gestuelle. Il faut donc s'approcher pour découvrir non pas les coulures et la spontanéité mais la technique et les pixels d'impression. Il ne faut pas rester à distance au risque de passer à côté de l'œuvre perçue comme une œuvre abstraite et lyrique. Nishikawa impose également au regardeur une attention particulière grâce au plexiglas posé sur les pigments. Il faut accepter de se laisser porter par le trouble visuel. L'artiste ne livre pas directement son procédé du pigment en poudre mais c'est en observant les infimes variations que l'œuvre se révèle.

un peintre ?

Tout nous conduit à parler de peinture : surface, châssis, geste, couleur, pigment, présentation murale. Pour autant, avons-nous à faire à des peintres ? Bertrand Lavier semble répondre au premier sens du mot peintre : un ouvrier artisan. En effet, lui, artiste, photographie et pose son regard sur une vitrine recouverte de blanc d'Espagne par un peintre en bâtiment. Lavier joue des codes picturaux et interroge le statut de l'image : photographie, peinture... Il n'est peut-être pas peintre mais c'est le regard qu'il pose à un moment et à un endroit, le lien qu'il établit ironiquement entre peinture et photographie, artiste et artisan qui fait de lui un artiste. D'une toute autre manière, Nishikawa est peintre sans l'être tout à fait. Il utilise également les codes picturaux mais il peint sans pinceau. Il n'étale pas, il cloisonne, il ne recouvre pas, il enferme. Il est peintre sans outil et sans geste, laissant de côté le savoir-faire au profit de la couleur.

 

Pour aller plus loin

Rey Alain et Rey-Debove Josette, Le nouveau Petit Robert, VUEF, 2003. (p.1884-1885)

Jean-Yves Jouannais, Artistes sans œuvres, I would not prefer not to, ed. Verticales, 2009.

Jean Dubuffet, L'homme du commun à l'ouvrage, Gallimard, 1991.

Alain, Vingt leçons sur les beaux-arts, Paris, Gallimard.

Walter Benjamin, L'œuvre d'art à l'ère de sa reproductibilité, Paris, Foloi-Essais, 2000.

Merleau-Ponty Maurice, L'œil et l'esprit, Paris, Gallimard, 1964.

 

à partir de la question de la peinture, quelques éléments pour une réflexion pédagogique

peindre sans peinture
Liens avec les programmes : Image, œuvre et réalité. La matérialité.
En travaillant la couleur, comment peut-on faire prendre conscience aux élèves des spécificités de la peinture ?

un peintre sans outil ni peinture
Liens avec les programmes : Image, œuvre et réalité. La matérialité.
Comment décomposer la peinture et comprendre de quoi elle est constituée ? (pigment naturel, outil inventé etc.)

peinture de peinture
Liens avec les programmes : Image, œuvre et réalité.
La question de la copie et de la citation. Comment re-produire une oeuvre avec un nouvel outil, un recadrage et y introduire une forme de décalage?

image de peinture
Liens avec les programmes : Image, œuvre et réalité.
Comment penser  la ressemblance et la reproduction en peinture ? Entre vrai et faux, penser la peinture en photographie, vidéo. 

 

pour une approche transdisciplinaire dans la cadre de l'enseignement de l'histoire des arts

Dans le cadre de la thématique arts, ruptures et continuités, il s'agit d'étudier l'écho, la citation, la réécriture des thèmes et des motifs. La peinture permet de comprendre la dialogue des arts, les correspondances, le plagiat.


D'autres fiches CHAARP sur la peinture ou sur d'autres thématiques sont consultables sur le site académique et dans les structures culturelles suivantes :
Frac des Pays de La Loire, Musée des Beaux-Arts d'Angers, Musée des Beaux-Arts de Nantes, Musée de l'Abbaye Sainte-Croix des Sables d'Olonne.


 
auteur(s) :

aurélie dourmap

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux

type pédagogique : démarche pédagogique

public visé : non précisé, enseignant

contexte d'usage : sortie pédagogique

référence aux programmes :

haut de page

éducation artistique et action culturelle - Rectorat de l'Académie de Nantes