espace pédagogique > actions éducatives > action culturelle > pratiques
mis à jour le 15/05/2020
La lecture est une compétence fondamentale, sans laquelle nul ne peut être autonome. Mais elle ne se réduit pas à la capacité de déchiffrer et de comprendre la signification d'un texte. Savoir lire c'est aussi prendre conscience de ses ressentis, imaginer, interpréter. La lecture est un formidable vecteur de vie intérieure. Propositions de démarches pédagogiques pour donner accès à tous les élèves au plaisir de la lecture.
L'association lavalloise Lecture en tête propose aux enseignants de collège et lycée qui souhaitent emmener leurs élèves à partir du niveau 3ème au Festival du premier roman de Laval, une journée durant laquelle les jeunes peuvent rencontrer les auteurs dont ils ont lu les textes, et s’exercer à l’écriture et à la mise en voix d’extraits.
En partenariat avec le Théâtre de Laval, l'Association Lecture en tête et la Délégation à l'Éducation Artistique et à l’Action culturelle (DAAC, Rectorat de Nantes) proposent aux équipes éducatives une formation afin de leur donner des clés pour réussir un projet d'éducation artistique avec leurs élèves. Cette ressource pédagogique est issue de la formation qui a eu lieu au Théâtre de Laval les 14 et 15 janvier 2020, conçue et animée par trois enseignants coordonnateurs de la DAAC (Lecture-écriture-poésie, Chant choral, Théâtre).
La lecture est un exercice constamment mobilisé dans l'espace scolaire, dans toutes les disciplines. On demande le plus souvent à l'élève de se rapporter aux textes comme à un réservoir dans lequel aller puiser des informations. On attend alors une lecture exacte, visant à l'objectivité, avec une faible marge de liberté. Bien entendu, dès lors que l'on souhaite emmener des élèves à un festival littéraire, ce n'est pas ce type de rapport au texte qui est visé. On souhaite davantage développer une lecture imaginative et plus subjective. Mais il ne suffit pas d'inviter les élèves à se rapporter au texte plus librement pour qu'ils y parviennent. Il faut d’abord la leur faire pratiquer. Leur sensibilité et leur imagination ont préalablement besoin d'être éveillées. Sinon, on risque de se retrouver très vite confronté aux divers signes de l’inégalité : les élèves qui bénéficient par ailleurs d'une éducation artistique et sont familiarisés avec cette démarche, pourront se montrer plus à l'aise. Chez les autres, il n'est pas rare d'observer tous les comportements de défense habituels, oscillant entre rejet ostentatoire et attitude de retrait.
Il est donc important de cerner auparavant la nature de l’obstacle, de ne pas se tromper de diagnostic, pour mettre en place des démarches permettant de désamorcer ces difficultés. Mieux vaut parier sur le fait de donner au jeune toutes les clés lui permettant d'accéder au plaisir de lire, que de désespérer au jugement sans doute un peu rapide que “les jeunes n'aiment plus lire”.
Les démarches pédagogiques proposées ici sont conçues sur ce principe : désintellectualiser le premier abord de la lecture, en l'appuyant sur la sensibilité, pour rendre accessible à chacun la curiosité et le plaisir de lire. Elles reposent sur le principe selon lequel s’intéresser à un texte, c’est d'abord se rendre attentif à ses multiples résonances en nous, sans jugement. La lecture comme voyage intérieur.
Transposer un extrait de roman dans un autre langage artistique permet de se rendre attentif aussi bien à ses thèmes qu'à ses qualités esthétiques.
Les cinq romans de la sélection étaient très différents aussi bien dans leurs thèmes, leur forme, que dans les caractéristiques de leur écriture. Lors de la formation, nous avons proposé une série de démarches à expérimenter avec les élèves. Il nous parait important que ces démarches soient construites à partir du matériau littéraire et esthétique des romans que liront les jeunes.
L'un d'entre eux, A la ligne de Joseph Ponthus, nous a donné l’envie d'une transposition des mots en langage musical et l’idée d’intituler nos exercices avec un vocabulaire musical expliqué, en faisant des liens entre littérature et musicalité. En effet, ce roman écrit sans ponctuation, avec des phrases courtes, possède des qualités musicales indéniables. Pour s'y rendre sensible, rien de mieux que de faire une lecture à haute voix d’un extrait, pour s’apercevoir qu’il se prête à une transposition en partition musicale.
Le roman de Dalie Farah, proposant des images fortes, nous paraissait ouvrir davantage à une transposition en images. Pourquoi ne pas essayer de composer une nature morte inspirée d'un passage sélectionné du roman ?
Passer d'un langage à l'autre, c'est aussi transposer d'une écriture littéraire vers une autre. Il est possible, à partir de la matière donnée par les romans, de construire des consignes de réécriture simple, qui mettent en situation d'explorer en soi-même les résonances d'un texte.
Dans tous ses exercices, le chemin parcouru par l’élève compte davantage que les productions obtenues. Vous trouverez ci-dessous quelques exemples de ces démarches vécues ensemble lors de la formation, dont vous pouvez vous inspirer librement dans votre pratique pédagogique.
Il s'agit de demander aux élèves de préparer une lecture à haute voix d’un extrait de roman, accompagnée par une œuvre musicale et un fond visuel projeté, en choisissant une mise en situation des lecteurs et du public.
L'objectif de cet exercice est d’inviter les jeunes à explorer les résonances du texte en eux, en choisissant d’autres langages artistiques avec lesquels le mettre en relation. À cet effet on pourra proposer une banque d'images et de musiques, ou bien les laisser chercher sur le web. Cet exercice peut être utilisé en début de projet, pour une première exploration libre de l’ensemble des romans retenus, en demandant aux élèves, en petits groupes, de sélectionner un extrait qu’ils auraient envie de lire à voix haute. Cet exercice peut également se faire à partir d’un corpus d'extraits sélectionnés par l'enseignant, pour des objectifs plus ciblés, à tout moment pertinent du projet.
Voici quelles pourraient être les consignes, à adapter aux élèves :
Commencer par une lecture à haute voix, par exemple en lisant chacun une phrase, en prenant la parole, après chaque point ; à la suite de son voisin. Au cours de cette lecture, être attentif aux sonorités et au rythme du texte.
Créer une partition de lecture en se répartissant les passages lus. Attention, dans un premier temps, faire les marquages sur le texte à l’aide d’un crayon de bois, afin de pouvoir les effacer au fur et à mesure de la création de votre partition.
Il est conseillé ici, pour libérer l'imagination des élèves, de lister quelques possibles, en les laissant libres de leur choix et de leur invention : répéter certains mots, lire un passage à plusieurs voix, introduire des mots, lire un passage en canon, créer des effets d’écho, varier les hauteurs de voix (parlé, crié, chuchoté…) et les timbres de voix (aigu, médium, grave, grinçante, nasale, rauque, traînante). . . On conseillera aux élèves de faire attention à la cohérence entre leurs choix, en veillant à les mettre au service de leur interprétation du texte. Cela supposera qu’ils s’entendent préalablement sur cette interprétation. On leur conseillera également de se mettre rapidement debout pour expérimenter leur lecture à haute voix, afin de tester leurs idées. Pour d’autres idées d’exercices de lecture à haute voix, on pourra consulter avec profit les ressources mises en ligne par l’Association de théâtre éducation, Amlet 53.
Choisir, sur le web ou dans une banque donnée par le professeur, une image qui sera projetée pendant la lecture. Imaginer où vous serez placés dans l’espace, ainsi que le public, par rapport à cette image.
Là aussi, il est conseillé de commencer une liste des possibles, afin de mettre au travail l'imaginaire des élèves : l'image peut être projetée derrière les lecteurs placés face au spectateur, les lecteurs peuvent être placés derrière les spectateurs qui regardent l'image, les spectateurs peuvent regarder les lecteurs regardant l'image et interagissant avec elle... On conseillera aux lecteurs de déterminer précisément l'orientation et l'évolution de leur regard pendant la lecture, car cela participe fortement du sens de ce qui sera joué. On leur demandera également de préparer une présentation orale des raisons de leur choix d'images, en insistant notamment sur les relations avec le texte lu. L'image vient-elle renforcer ce que dit le texte ? Vient-elle, au contraire, le contredire, pour un effet de contraste ? Traduit-elle plutôt votre ressenti personnel, suscité par le texte, sans chercher à illustrer ce dernier ? Pourquoi ces choix ?
Choisir, sur le web, dans votre banque musicale personnelle ou dans la banque d'extraits mise à votre disposition par le professeur, un extrait musical qui sera entendu pendant votre lecture. Réfléchir là aussi, à une présentation orale des raisons de votre choix, précisant tout particulièrement les relations avec le texte lu.
On conseillera aux lecteurs de déterminer s'ils veulent faire entendre l'extrait musical avant la lecture, pendant la lecture, après la lecture, entre des moments de lecture... , en cherchant à formuler les raisons qui les poussent à faire ce choix.
Conseils pour la mise en oeuvre
Il sera plus facile pour les élèves de réaliser cet exercice, s'ils ont déjà expérimenté auparavant au moins une fois, les principes de la lecture à voix haute, en classe, guidés par une partition précise donnée par leur professeur. Après une première expérience guidée, ils seront capables de créer par eux-mêmes une partition de lecture.
Pour que cette activité soit menée sur un rythme dynamique, on ne cherchera pas tant des productions abouties que le fait de faire vivre une expérience sensible aux élèves. Il ne faut pas hésiter à interrompre la préparation un peu avant que les élèves aient le sentiment d’avoir fini, l’improvisation réservant parfois de belles surprises, aux lecteurs eux-mêmes pour commencer.
Luciano Berio, compositeur italien, a composé 14 Sequenze. Chaque sequenza est composée pour un instrument soliste et interprétée par un virtuose. Le compositeur explore les possibilités techniques de chaque instrument et les qualités de son interprète. Aussi, l’écriture se fait à deux, le compositeur étant redevable des possibilités et capacités de l’interprète. Il est également demandé dans la partition que l’interprète démontre toute la vérité du geste instrumental en allant jusqu’à une certaine « théâtralité » (sources : edutheque.philharmoniedeparis.fr)
Pratiquer soi-même une démarche artistique est le ferment d'une curiosité ouverte et intelligente à l’art.
Faire écrire à partir d'un texte, avec une consigne simple, vise à permettre aux élèves d'explorer leur façon de le ressentir, en leur faisant eux-même un geste d'écriture, afin de former en quelque sorte un duo avec le texte initial. Cela sensibilise à l’art de l'écrivain, aide à appréhender ses œuvres et à formuler des questions pertinentes à poser lors d'une rencontre. En mettant lui-même en œuvre un processus de création, l'élève identifie mieux les différentes étapes de la démarche de l'écrivain. Il apprend à mettre en relation ses savoirs, ses ressentis et ses expériences pour identifier les éléments caractéristiques d'une œuvre, et les effets qu’ils produisent.
Quelques principes à suivre pour formuler une consigne d'écriture :
Tout d'abord, la consigne doit être simple et immédiatement intelligible. Pour cela, il faut avoir préalablement cerné un objectif précis. Enfin, la consigne doit avoir un rapport clair et pertinent avec les textes qu'il s'agit d'explorer. On peut conseiller aux élèves de commencer par une lecture à voix haute de l’extrait qui est le support de l'exercice.
Un premier type de consigne peut-être de croiser les écritures des romans de la sélection, en proposant de réécrire un extrait à la manière d'un autre roman.
L'écriture assez sèche de Ponthus, sans ponctuation, avec des phrases courtes souvent même inachevées, permet une réinterprétation et donc d’entrer dans une compréhension plus fine du roman Impasse Verlaine. En obligeant à faire un choix de mots pertinent mais aussi un travail de recomposition fidèle à l'esprit du texte, cet exercice invite à en discerner à la fois le sens et les qualités littéraires et esthétiques.
Quatre romans de la sélection proposent des références littéraires.
Un second type de consignes peut-être de prolonger la scène d'un roman, en en développant l'implicite. En cherchant à comprendre le non-dit, on est conduit à saisir la logique du récit par une attention précise au texte pris comme un contexte.
Un troisième type de consigne propose une écriture plus libre, qui met un texte en résonance avec un autre langage artistique. Par exemple, nous avons proposé d’écrire une scène entre les deux personnages principaux d’Impasse Verlaine, la mère et sa fille, à partir d'une œuvre musicale à choisir entre deux propositions, le 4e mouvement de la Symphonie fantastique de Berlioz ou bien un extrait du premier mouvement de La mer de Debussy.
Pour aider les élèves à entrer de manière sensible dans un texte et prendre goût à sa lecture, on peut leur proposer d'exprimer ce qu'ils ont compris dans un autre langage artistique. Il s'agit alors de donner une autre figure au texte.
Une façon simple de procéder peut-être de demander aux élèves de créer une nature morte rendant compte de leur lecture. On veillera à ne pas trop fermer les choix possibles. Il peut s'agir de présenter les personnages principaux, ou bien une scène, ou encore de rendre compte de l'ambiance générale du roman ou d'une idée importante… Cet exercice demande la collecte préalable d'un ensemble d'objets variés, plutôt de petite taille. On peut mettre les élèves à contribution en leur demandant d'apporter plusieurs objets symbolisant pour eux quelque chose du roman.
L'exercice combine une étape d'écriture à une réalisation de nature plastique. Il peut être réalisé par un élève seul ou par un groupe d'élèves.
Le figuralisme, ou bien le madrigalisme, est un effet expressif permettant d’évoquer une idée non musicale (action, sentiment…). Par exemple, l’aigu peut représenter le haut, le ciel et les sentiments nobles ; alors que le grave peut représenter le bas, l’enfer, le diable, la fourberie et la mort.
Ces exercices de figuralisme permettent à l'élève d'explorer différents types de matériaux et à les mettre au service d'une intention. Il devient ainsi mieux à même d'apprécier les libertés que les écrivains prennent avec leur matériau.
Une autre manière de se figurer ce qu'on a compris d’un texte, peut-être de le transformer en partition musicale écrite et de l'interpréter. Ici nous avons proposé de choisir un extrait de roman, pour le transposer sous forme de partition de récitatif à la manière d'Aperghis. Les extraits de romans proposés été tiré du roman de Joseph Pontus à la ligne et du roman de vivant Bessières même pas en rêve. La partition d'Aperghis a l'avantage d'être présentée sous la forme d'une pyramide, laquelle rend immédiatement lisible le principe de composition du morceau. Cette forme schématique est assez facile à réaliser pour les élèves à condition d'être modeste dans la taille de la pyramide attendue. Pour cet exercice il est conseillé de demander aux élèves de travailler en binôme.
La consigne est la suivante :
La dernière étape consiste bien entendu à proposer une interprétation de sa partition au public. La légère appréhension mais aussi l'excitation de jouer devant les autres fait partie des conditions d'apprentissage. C'est en prenant ce risque - sans danger - que l'élève apprend.
Ces exercices de figuralisme permettent à l'élève d'explorer différents types de matériaux et à les mettre au service d'une intention. Il devient ainsi mieux à même d'apprécier les libertés que les écrivains prennent avec leur matériau.
niveau : tous niveaux
type pédagogique :
public visé : non précisé
contexte d'usage :
référence aux programmes :
Pourquoi emmener ses élèves à un festival littéraire ? | 15/05/2020 | |
Emmener ses élèves à un festival littéraire, est-ce bien raisonnable aujourd'hui ? Oui, à la condition de préparer les conditions d'une rencontre effective, c'est-à-dire sensible, des jeun ... | ||
éducation artistique et culturelle festival littéraire lecture représentations du monde auteur oeuvre lecteur | Catherine Drouet |
éducation artistique et action culturelle - Rectorat de l'Académie de Nantes