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règles de création - musée des Beaux-Arts d'Angers

mis à jour le 29/02/2012


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Un outil pédagogique autour de la question "art et sciences", à partir de l'analyse de deux oeuvres de la collection du musée des Beaux-Arts d'Angers.

mots clés : chaarp, art et sciences, règles, création


à propos des oeuvres

Le titre « Règles de création » permet de lier et de comparer les arts et les sciences. Avec ces termes, il s'agira d'interroger une potentielle méthode, un protocole ou des règles effectives en art. Les recherches scientifiques et artistiques posent distinctement, mais de manière commune, la question d'une démarche conceptuelle. Créer n'est-ce pas résoudre un problème, expérimenter, s'opposer à et déjouer une contrainte ? Plutôt que de parler d'une simple inspiration réciproque, l'art et la science se rejoignent sur un point fondamental : ce sont deux domaines où la démarche importe plus que le résultat. Pourtant la création ne se départit pas de certaines valeurs antagonistes à la science telles que le flou, le hasard, l'inspiration. Alors qu'en est-il aujourd'hui du lien entre ces deux domaines ? Si à la Renaissance, l'artiste était homme de science à l'image (mythique) de Léonard de Vinci, est-ce possible désormais de parler de règles dans la création ? À l'heure des nouvelles technologies, de la virtualité et des outils numériques, la création ne retrouve-t-elle pas cette exigence technique ? Inventer, comprendre, résoudre, s'exprimer, tous ces verbes artistiques et/ou scientifiques ont-ils des points communs ? Crée-t-on avec ou en dépit de règles ? Au-delà d'une simple mise au service d'un domaine pour un autre, quel est l'apport de la création en science et inversement ?
 
Noël Hallé Les génies de la poésie, de l'histoire, de la physique et de l'astronomie
Noël HALLÉ
Les génies de la poésie, de l'histoire, de la physique et de l'astronomie
1761,
huile sur toile,
3.2x3.20 m
Photographie : P. David
Tous droits réservés : Ville d'Angers, musée des Beaux arts d'Angers
Afin de répondre à ces nombreuses questions, remontons quelques siècles afin d'aborder la science représentée en peinture.
Le discours des arts sur les sciences :
Noël Hallé, Les génies de la poésie, de l'histoire, de la physique et de l'astronomie (visuel)
Ce carton de tapisserie est une œuvre de commande. En 1761 Noël Hallé (qui sera nommé quatorze années après Directeur de l'Académie de France à Rome) dépeint l'essor des sciences sous le règne pacificateur de Louis XV. Une vingtaine d'amours roses et potelés prennent place dans un décor extérieur au ciel troublé. Tantôt assis sur les nuages ou placés en petit groupe au sol, les génies manipulent et étudient de nombreux objets de science. Outils optiques (camera obscura, lentille), instruments de musique (lyre et trompette), livre, globe, compas et zograscope  attirent l'intérêt et l'étude des génies. Les amours sont également protégés par le temple de la science en arrière-plan et la statue de Minerve, déesse de la sagesse et de l'intelligence. Un dernier détail nous informe concrètement du rôle pour l'homme  de tous ces objets scientifiques : Pégase, s'élevant dans les nuages, est la métaphore de l'homme qui, de la même manière, s'élève grâce à l'étude des sciences. Ni simples représentations ni allégories, ces objets scientifiques permettent d'ancrer notre discours dans l'usage qui est fait par l'art des sciences : elles valorisent, démontrent sérieux et humanisme. Les sciences apportent-elles un gage de raison à la peinture ? Ou est-ce l'art de la peinture qui met en valeur l'objet scientifique ?
 
définition des termes

  • science : du latin scientia « connaissance » ou de sciens, scientis, « instruit, habile ». Le premier sens renvoie à la connaissance exacte, vérifiable par les lois. Ensuite, la science peut être ce que l'on sait et ce que l'on a appris. Mais la science peut aussi signifier le savoir-faire, l'habileté, l'art : l'art ou la technique qui nécessite des connaissances et des règles.
  • art : ars, artis « talent, art ; science ». En premier sens, l'art est un ensemble de moyens, de procédés réglés qui tendent à une fin. C'est ensuite, des éléments de connaissances et des règles d'actions : les connaissances par opposition à une science envisagée. Enfin, c'est un métier. Et une création, une expression.
  • règle : regula « règle, barre » et au figuré « discipline, règle ». Si la règle est d'abord une planchette allongée dotée d'arrêtes rectilignes, elle est ensuite ce qui est imposé ou adopté comme ligne directrice de conduite. Enfin, c'est un procédé de résolution de certains problèmes arithmétiques.
  • création : creare signifie « faire naître, produire ». C'est une action qui donne existence, qui tire du néant. C'est l'ensemble de choses créées. La création est aussi l'action de faire, d'organiser des choses qui n'existent pas encore. Enfin, la création est une œuvre, une nouvelle fabrication.
 
Bernard Moninot Lodi II, ombres portées
Bernard MONINOT
Lodi II, ombres portées
1992
1,60 x 0,84 cm
émail, cordes de piano, cordes
photographie : P. David
tous droits réservés : ville d'Angers, musée des Beaux-arts d'Angers
François Morellet Pi-piquant n°11, 1=1,50
François MORELLET
Pi-piquant n°11, 1=1,50
2001
acrylique sur toile, don de l'artiste en 2002
2 x 2m
photographie : P. David
tous droits réservés : ville d'Angers, musée des Beaux-arts d'Angers
 
les emprunts des arts aux sciences

Morellet, Pi-piquant n°11, 1=1,50
, 2001, acrylique sur toile.
Une bande noire traverse la toile rectangulaire blanche de gauche à droite en produisant des diagonales de plus en plus espacées. La ligne a la même largeur tout au long de son parcours. Cette ligne ayant l'apparence d'un ruban adhésif noir est effectivement construite grâce à ce dernier et l'aide d'un système de pochoir, anime et strie la surface du cadre semblant même vouloir s'écartent. Les traits forment des angles très aigus au départ puis respirent. Ainsi, la bande couvre les bords et rebords du châssis. Elle semble infinie. Le dessin est réduit à son minimum : une ligne noire géométrique sur un fond blanc. Pourtant,  celle-ci n'est pas sans évoquer un électrocardiogramme, une montagne, un rythme ou une oscillation. François Morellet,  peintre abstrait français (né en 1926), appuie sa démarche sur des règles prédéfinies. Ici, le titre donne la règle à suivre. Pi fait référence a la valeur : 3, 14159....et détermine les angles de ce tableau. François Morellet a ensuite choisi un angle multiplicateur : 1, 5. Chacun des chiffres de Pi est alors multiplié par 1,5. La suite de décimales est alors infinie. Voici un exemple de calcul : 3x1.5 = 4.5°. 1x1.5 = 1.5 °. 4x1.5 = 6° etc. Dans sa démarche comme dans son exécution, l'œuvre se veut rigoureuse. Il n'est pas question pour l'artiste de changer d'avis en cours de travail. François Morellet cherche à être le plus objectif possible.
 
Moninot, Lodi II, ombres portées, 1992, émail, cordes de piano, cordes.
Une structure en émail blanc composée de formes ovales est accrochée au mur. Plus exactement, cette composition blanche avoisine le mur, sans s'y coller afin de projeter contre le plan une ombre.  Ce réseau tient grâce à des cordes de piano. Seule la brillance du blanc permet de le distinguer de la matité du blanc de la cimaise. Bernard Moninot conçoit et réalise une œuvre basée sur le dessin largement lié à l'ombre. Cette œuvre pose des notions de blanc, de lumière et du dessin. Néanmoins, la démarche de l'artiste s'appuie également sur les calculs d'un jardin astronomique indien, le Jantar Mantar.
L'artiste a voyagé en Inde dans les années 1980 et la visite de ce jardin astronomique du 18ème siècle a influencé toute sa pratique. Ces larges constructions permettent d'observer les déplacements du soleil ainsi que la position des étoiles. Prédictions astrologiques et calendriers sont alors obtenus à partir de données calculées par les ombres portées. L'ombre n'est plus simplement l'image modifiée d'un objet mais elle a une véritable fonction.
Lodi II est composée à partir de prise de notes des ombres du soleil observés à Jantar Mantar à différents moments de la journée. Témoin du temps qui passe et de déplacements, l'œuvre de Moninot, basée sur ces relevés topographiques, est la mémoire d'un temps et d'un espace.
 

mise en relation des oeuvres

abstraction.
Les deux œuvres étudiées ont un point commun évident : l'abstraction. Morellet se donne une règle à suivre, un protocole de fabrication basé sur le nombre Pi tandis que Moninot crée une topographie ou une cartographie de l'ombre. La science devient un paramètre plastique. Ces formes d'abstraction quittent toute référence à la réalité. Le programme de l'œuvre est mathématique, astronomique afin de poser la démarche abstraite du côté de la rigueur et afin de concevoir un langage autonome et indépendant. Ces démarches sont purement conceptuelles et rationnelles : paramètres plastiques et scientifiques s'entremêlent. Pour conclure, ces œuvres sont abstraites, de par leur forme géométrique mais également de par leur concept, leurs idées.  
temps et espace.
Dans l'œuvre de Morellet, l'espace est lié à la géométrie. Les segments noirs strient la surface et le nombre Pi sert de base de calcul.  Dans l'œuvre de Moninot, le temps est lié aux déplacements des astres. Les ovales évoquent les ombres portées et retracent la silhouette réalisée par les rayons de lumière. Le temps et l'espace sont représentés, évoqués et matérialisés. Mais si ces notions sont souvent formalisées dans l'art, elles prennent une coloration plus scientifique dans les deux œuvres étudiées. La spatialité devient géométrique ; la temporalité devient astrale.
mythe de la caverne.
Dans le livre VII de La République, Platon évoque l'allégorie de la caverne. Les hommes enfermés, enchaînés dans une caverne sont plongés dans la pénombre et ne décèlent du dehors que des ombres, des projections de silhouettes. Ce mythe est la métaphore de l'accession de l'homme à la connaissance. Il ne faut pas se méprendre sur les apparences des choses ni en croire les images : idée à rapprocher des ombres portées de Lodi II Mais au-delà de la simple comparaison plastique, ce mythe nous apprend le rapport de l'homme à la connaissance et à la réalité. C'est alors que les deux œuvres abstraites prennent tout leur sens et nous décrivent un art, un monde où il faut voir au-delà du monde sensible et des apparences, où il faut chercher la raison des Idées et le monde intelligible.
 

à partir des 3 fiches chaarp autour de la question art et science, quelques éléments pour une réflexion pédagogique

la règle est de règle
Reprendre la démarche de François Morellet et s'imposer une règle de travail. En distribuant une règle précise et différente à chaque élève (une sorte de défi, de mission à relever : des verbes d'actions plier, répéter, une composition de chiffres ou de lettres, uniquement des formes géométriques, un quadrillage etc.), il s'agit de les confronter à une démarche systématique afin de savoir comment se l'approprier, quoi en faire et analyser la contrainte (peut-elle être une source d'inspiration ?). Autre référence artistique : Claude Rutault, Vera Molnar. Liens avec les programmes : 4ème : La nature et les modalités de production des images. Il faudrait interroger plus précisément le geste et les moyens de production des images.
sous la lumière
Comment conduire les élèves à prendre conscience des passages de la lumière alors marqueur de temps ? En choisissant le médium photographique, les élèves choisissent un lieu proche et connu afin de le montrer sous  différentes lumières. Autre référence artistique : La série des cathédrales de Rouen de Claude Monet,
un temps concret
Comment représenter et matérialiser le temps ? Comment faire prendre conscience aux élèves de l'évanescence du temps ? Liens avec les programmes : 3ème : La prise en compte et la compréhension de l'espace de  l'œuvre. Cette entrée insiste sur la question du temps et les différentes temporalités : durée, pérennité, instantanéité.
rythme et mélodie
Entre la composition abstraite et l'utilisation des cordes de piano, Bernard Moninot pose la question de la composition abstraite et du rapprochement avec la musique. Autre référence artistique : Tutti frutti, Robert Malaval, 1973. Liens avec le programmes : 4ème : La nature et les modalités de production des images. Il faudrait interroger plus précisément le geste et les moyens de production des images.

l'appropriation et le détournement poétique d'un langage scientifique

AB² =AC²+BC²
Donnez une interprétation poétique du théorème de Pythagore.

"1m² de bleu est plus bleu que 10cm² de bleu"
Prouvez-le ! Démontrez-le !


pour une approche transdisciplinaire dans le cadre de l'enseignement de l'histoire des arts

Dans le cadre de la thématique "Arts, techniques, expressions", il est intéressant de faire réfléchir les élèves sur les rapports entre l'œuvre d'art et la technique (des influences jusqu'à l'ingéniosité). Du point de vue artistique, ce thème permettra de réfléchir à la nature et à la modalité de production des images : protocole, application d'une règle, geste et rôle de l'artiste.
 

pour aller plus loin


- Vera Molnar, Structure de quadrilatères, 1986, encre sur papier, 28.8 x 33 cm, Galerie Jean Greset.
- Claude Rutault, définition/méthode 272 papiers doubles faces, site Internet de devis, http://www.cneai.com/rutault/.
- Michel Jouët, Trois carrés découpés, 1975, 80 x 275 cm, collection de l'artiste /  Rotation de l'horizontale à la verticale, 7000 x 320 cm, 1969-1989, Lycée de la mode, Cholet.

 
 D'autres fiches CHAARP sur art et science ou sur d'autres thématiques sont consultables sur le site académique et dans les structures culturelles suivantes :
Frac des Pays de La Loire, Musée des Beaux-Arts d'Angers, Musée des Beaux-Arts de Nantes, Musée de l'Abbaye Sainte-Croix des Sables d'Olonne.


 
auteur(s) :

dourmap aurélie, chargée de mission arts plastiques aux musées d'Angers

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux, 4ème, 3ème

type pédagogique : préparation pédagogique

public visé : enseignant

contexte d'usage : sortie pédagogique, espace documentaire

référence aux programmes : Arts plastiques, au collège :
 Liens avec les programmes :
-4ème : La nature et les modalités de production des images. Il faudrait interroger plus précisément le geste et les moyens de production des images.
-3ème : La prise en compte et la compréhension de l'espace de  l'œuvre. Cette entrée insiste sur la question du temps et les différentes temporalités : durée, pérennité, instantanéité.

ressource(s) principale(s)

L'objet est autre mon objet est un autre 31/08/2013

Vu, déjà vu ? L'ombre est-elle toujours à l'image de l'objet projeté ? une leçon construite à partir d'une fiche CHAARP.

chaarp, objet, image aurélie dourmap
vignette.JPG la règle est de règle 12/06/2016
Comment utiliser la règle comme l'outil d'un dessin expressif ? Les effets du geste et de l'instrument.
représentation,image, paysage, outil, dessin. françois leger

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