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une conférence de Jacques Jouet : écriture poétique et contrainte

mis à jour le 19/03/2009


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Dans le cadre des conférences mises en place par l'inspection académique de la Sarthe, Jacques Jouet est venu le mardi 17 mars 2008 à l'antenne du Mans de l'IUFM. Le titre en était : la langue est-elle un jouet poétique ?

mots clés : poésie, écriture, oulipo


 Jacques Jouet est né en 1947 à Viry-Châtillon.
Il anime l'émission "Des papous dans la tête" sur France Culture.
On peut dire que c'est un touche à tout de la littérature puisqu'il est l'auteur de romans, d'essais, de pièces de thèâtre, de poèmes. L'essentiel de son travail d'écriture est publié chez POL.

Jacques Jouet explique lui-même que, lorsqu'il s'est lancé dans l'écriture poétique,  la question s'est posée à lui de savoir "quelle poésie faire ?"
Deux moments importants ont alors balisé son terrain d'écriture poétique. Le premier moment, c'est la découverte de l'Oulipo (OUvroir de Littérature POtentielle fondé par Raymond Queneau et François Le Lionnais) dont il devint membre à temps plein en 1983. Il est tout particulièrement attiré par trois "valeurs" de l'Oulipo :
  •  la démarche de travail en groupe : il aime que le travail de la poésie ne soit pas un exercice de solitude.
  • la réflexion sur la manière d'écrire, l'importance accordée aux formes.
  • le respect de ce qui s'est écrit avant, de ce qui s'écrit aujourd'hui (ce qu'il appelle "la table pleine" par opposition à "la table rase"), et avec le souci de n'être pas un laboratoire. C'est un lieu de connaissance, d'échange, de confrontation.
Le deuxième moment, c'est le jour où il a décidé que, dans son travail de poésie, il y aurait une base continue du travail qui ferait que, à compter du 1er avril 1993 et jusqu'à la fin de ses jours, il écrirait chaque jour au moins un poème dans le cadre d'un travail d'ensemble qu'il a appelé le poème du jour.

un poème par jour

la nature morte


La première démarche, ce fut, pendant quatre années, l'écriture à partir d'une nature morte. Celle-ci était composée d'un linge de couleur jaune (la scène en quelque sorte), d'un navet (le vivant, qui se transforme avec le temps, change et se racornit en séchant) et d'un outil d'observation : un œil-de-vieux (une loupe bi-concave utilisée par les peintres paysagistes carroyée en petits carrés permettant l'osbervation).
Pour tenir cet engagement d'écriture quotidienne, Jacques Jouet s'est mis à écrire beaucoup dans le métro. Soit qu'il emportait avec lui son attirail d'écriture, soit qu'il avait en mémoire la scène et le navet... C'est ainsi qu'est venue une seconde démarche d'écriture.

 Cette première démarche a donné un livre paru chez POL en 1998 : Navet, linge, œil-de-vieux.

le poème de métro


A partir de ce travail d'ensemble, le poème de métro inaugurait une démarche complémentaire. Il s'agissait à la fois de définir une situation d'écriture et un sujet d'écriture. Le poème de métro, conçu bien sûr dans le métro le temps d'un parcours, respecte ainsi des règles très précises :
  • le poème comporte autant de vers que le voyage compte de stations, moins un.
  • le premier vers est conçu mentalement pendant le trajet entre la station de départ et la deuxième station.
  • il est transcrit sur le papier quand la rame s'arrête à la station 2.
  • le deuxième vers est composé mentalement entre les stations 2 et trois.
  • il est transcrit sur le papier quand la rame s'arrête à la station 3. Et ainsi de suite.
  • Il ne faut pas transcrire quand la rame est en marche. Il ne faut pas composer mentalement quand la rame est arrêtée.
  • Le dernier vers du poème est retranscrit sur le quai de la dernière station.
  • Si le voyage en métro comporte un ou plusieurs changements de ligne, le poème comporte deux strophes.
Cette démarche d'écriture de poèmes de métro, Jacques Jouet l'a pratiquée de manière rigoureuse pendant deux années consécutives, à Paris. Il continue régulièrement à écrire des poèmes de métro, à Paris, mais aussi dans des villes de province ou à l'étranger.
Dans la réflexion dynamique suscitée, pour Jacques Jouet, par sa démarche d'écriture de poèmes de métro, il a imaginé écrire un poème de métro en empruntant, pour un seul et unique voyage, l'ensemble du réseau parisien du métropolitain. C'est Pierre Rosenstiehl, mathématicien (qui a travaillé beaucoup sur les labyrinthes), qui lui a concocté le trajet qui a duré... 15 heures 30 en partant de la station "République".

  Cette démarche a donné un livre paru chez POL en 2000 : Poèmes de métro.








 

poèmes portraits


Au bout de "quatre ans de navets", Jacques Jouet s'est orienté vers une autre démarche : le portrait. Pour cela, il demandait à une personne si elle acceptait qu'il rédige un poème portrait. Il s'agissait alors de discuter un quart d'heure environ avec la personne, de prendre des notes (une sorte de croquis de mots), puis de composer le plus rapidement possible le poème qui était directement remis à la personne qui avait accepté qu'ainsi son portrait (celui d'une brève rencontre, d'un moment particulier) fût fait.
Dans l'économie du poème portrait, il y a une relation très particulière du poète au lecteur : le sujet du poème en est aussi le premier lecteur. Mais dans l'enjeu du poème portrait, le poème doit pouvoir être publié, le nom de la personne constituant le titre du poème.
Parallèlement à ses poèmes portraits de personnes individuelles, il a écrit aussi des poèmes portraits de groupe (par exemple, il a passé une journée avec l'équipe féminine première de basket de Bourges à l'entraînement et a écrit un poème... dans la foulée).
Cette démarche d'écriture de poèmes portraits a duré environ une année.
Dans cette dynamique, Jacques Jouet a écrit un long poème portrait sur une vie complète. Celle de Marie-Rose Morin, une femme de 80 ans. Le travail a duré 2 années. Une épopée, en quelque sorte.

poèmes musique


C'est la démarche actuelle de Jacques Jouet pour écrire ses poèmes du jour. Chaque jour, il écoute un morceau de musique. Les morceaux sont de style, de genre, d'origine très variés. Il écoute le morceau une première fois sans rien faire d'autre que d'écouter. Il écoute immédiatement une seconde fois et écrit le poème directement sur ordinateur sur la durée du morceau.

la phrase unique


cette contrainte consiste à commencer ou terminer un texte avec un démarreur : "à supposer" et à faire tenir le propos du texte en une seule et unique phrase.

poèmes paysagers


Dans de nombreuses démarches d'écriture, le modèle de Jacques Jouet est ouvertement la photographie. C'est le cas dans ses natures mortes, ses poèmes de métro, ses poèmes portraits. C'est le cas encore dans ses poèmes paysagers.
Le poème paysager doit être écrit dans le paysage lui-même. En direct, en quelque sorte. Le poème paysager est un monostique (un seul vers). Il s'écrit sur une seule ligne. Pour l'imprimer, il faudra donc avoir recours à un format à l'italienne. Le poème paysager doit rendre compte d'un balayage panoramique du paysage.
Lorsqu'il en lit à haute voix, Jacques Jouet les dit par coeur et balaie de la tête l'espace devant lui comme s'il regardait le paysage, de gauche à droite.
Cette démarche peut être empruntée individuellement, mais elle est adaptable à une activité de groupe. Le paysage est alors proposé, les consignes données et chaque membre du groupe écrit son poème paysager. Les textes obtenus  rendront compte du regard de chacun et de sa particularité.
 

et l'inspiration ?

Après avoir éludé longtemps la question qui lui est régulièrement posée lors de ses rencontres avec des scolaires, Jacques Jouet propose finalement cette réponse : Pour lui, il se connaît quatre sources d'inspiration.
  • la première source, c'est d'avoir envie. C'est le désir d'écrire.
  • la deuxième, c'est la langue. Écrire, c'est travailler avec sa langue maternelle, l'observer, l'investir, chercher.
  • la troisième, ce sont les autres livres. Ceux qui nous précèdent, ceux qui nous entourent.
  • la quatrième, c'est le monde (le métro par exemple, les paysages, les personnes...)
Ces quatre sources sont égales. Il faut qu'il y ait ce cocktail-là pour écrire de la poésie.
Il y a une valeur en poésie à laquelle Jacques Jouet tient beaucoup, c'est l'exactitude. Il a ainsi mis au point des chronopoèmes. Il s'agit de travailler avec un minuteur, de se donner un temps, une durée de lecture pour un texte, et de lire un texte en s'efforçant de lire le texte sur la durée impartie (minuteur en route) très exactement.
 

à propos de la contrainte

La contrainte a quelque chose du tuyau d'arrosage. Si, lorsque l'on arrose son jardin, on met le doigt au bout du tuyau, on permet à l'eau d'aller beaucoup plus loin. La contrainte permet cela : écrire plus puissamment qu'on ne l'aurait fait sans elle.
Se donner une contrainte, c'est très important du point de vue de la méthode de travail.

Propos recueillis sur dictaphone par Alain Boudet
 
auteur(s) :

Alain Boudet

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux

type pédagogique : article

public visé : enseignant, inspecteur

contexte d'usage : non précisé

référence aux programmes :

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