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le voyage de Nicolas II en France en 1896 (2)

mis à jour le 27/04/2013


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Le tableau de Legrand a été peint à l'occasion d'un événement politique et diplomatique qui occupa le devant de l'actualité pendant plusieurs mois, la visite officielle que le tsar Nicolas II effectua en France en octobre 1896

mots clés : République, presse, nationalisme, Nicolas II, amitié franco-russe, colonisation


III) L'événement qui fait l'actualité : le voyage de Nicolas II en France en 1896

Cette visite s'inscrivait dans la continuité de l'alliance franco-russe ratifiée en 1893 par Alexandre III, père de Nicolas II. À travers ce voyage, c'est donc la toute récente alliance que l'on célébrait.

Sur le kiosque, le voyage du tsar en images


De nombreuses images du kiosque (du tableau de Paul Legrand) évoquent les lieux et les étapes du séjour du couple impérial en France : le port de Cherbourg, l'entrée triomphale à Paris, l'escorte de chefs arabes et tunisiens, l'Hôtel de Ville, la pose de la première pierre du Pont Alexandre III. Y figurent aussi le portrait officiel du tsar et de sa famille ainsi que celui du président Félix Faure qui tint les premiers rôles lors de ce voyage.
A travers ces illustrations, on voit que la presse populaire illustrée a grandement participé à la fabrication de l'événement et à sa réception auprès du public.
 
Le Tsar et la Tsarine avec leur fille, la grande duchesse Olga
Le Petit Parisien, supplément littéraire illustré, dimanche 20 septembre 1896, n° 398, page de couverture (gallica.bnf.fr)

 Le Tsar et la Tsarine avec leur fille, la grande duchesse Olga Le Petit Parisien publia ce portrait du tsar et de sa famille quelques jours avant la visite prévue début octobre. Il s'agissait de préparer l'opinion en donnant de Nicolas II l'image d'un homme simple, jeune père de famille et bon époux ; l'impératrice Alexandra qui porte la princesse Olga dans ses bras étant une image propre à émouvoir le public. Il s'agit pourtant bien d'un portrait officiel : le tsar est en grand uniforme et son maintien est bien celui d'un souverain ; la relation entre les personnages reste distante et les attitudes quelque peu guindées.
Vue du port de Cherbourg (gravure non identifiée)

Le 5 octobre 1896, le tsar Nicolas II est arrivé à Cherbourg, première étape de son séjour en France. La gravure montre une vue générale du port et de sa rade avec au premier plan la statue à cheval de Napoléon 1er érigée en 1858. L'image n'est pas assez nette pour dire si les bateaux que l'on voit au loin sont les deux yachts impériaux escortés par l'escadre du Nord arrivant en vue des côtes françaises. Peut-être s'agit-il simplement d'une vue de ce port de guerre en temps ordinaire. Dès leur arrivée, le tsar et la tsarine furent reçus par le président Félix Faure et assistèrent à une revue navale. Le soir, un banquet précédé d'un échange de toasts fut donné en leur honneur. Le lendemain, le train impérial et le train présidentiel partaient pour Paris où le tsar devait rester trois jours. La marine a joué un rôle important dans le rapprochement franco-russe (escale d'une escadre française à Cronstadt en 1891, escale de marins russes à Toulon suivie d'une visite triomphale à Paris en 1893). Par cette impressionnante démonstration, la France affichait la puissance de sa marine de guerre.
 

 
L'Arrivée de S. M. l'Empereur à Paris Supplément illustré du Petit Journal, 11 octobre 1896 (gallica.bnf.fr)


Nicolas II sur les Champs Elysées

L'entrée du tsar à Paris a représenté l'un des moments forts de la visite. Elle a constitué un véritable événement dans l'événement. Depuis la gare du Ranelagh et la Porte Dauphine, une foule immense s'était massée sur tout le parcours pour acclamer le couple impérial. Elle était particulièrement nombreuse aux abords de l'Étoile et le long des Champs-Élysées (La presse avança les chiffres de 500 à 600 000 personnes massées sur les Champs-Élysées). Le gouvernement avait accordé un jour de congé aux écoles et affrété des trains spéciaux vers Paris pour assurer le succès populaire de la journée. La presse quasi unanime en fit des comptes-rendus enthousiastes.

La gravure du Petit Journal montre Nicolas II et l'impératrice Alexandra dans leur voiture tirée par quatre chevaux et ornée du monogramme du tsar. En face d'eux est assis le président Félix Faure. Une double haie de fantassins levant leurs armes contient la foule en liesse. Celle-ci est simplement suggérée par quelques hommes au premier plan qui lèvent leur chapeau pour saluer les souverains russes. L'Arc de Triomphe au deuxième plan occupe toute la partie haute de l'image. Il impressionne par sa monumentalité et contribue à la solennité de la scène.



Le triomphe du tsar aux Champs-Élysées vu par la presse française


Le Gaulois


 A l'Arc de triomphe
« [...] Et la masse grossit toujours. Rien n'est merveilleux comme l'aspect, depuis l'Arc de Triomphe de toute cette avenue des Champs-Elysées, perle parisienne enguirlandée et enrubannée, qui s'étend jusqu'à la place de la Concorde : débarrassé de son échafaudage l'Arc de Triomphe lui-même, présente un aspect grandiose et se reconnaissant par l'absence de toute ornementation extérieure.
Voici le 22e d'artillerie, avec trompettes et canons, qui prend position. Des canons retentissent : c'est le moment de l'arrivée. Remous dans le public. Cinq à six cent mille personnes sont massées sur l'avenue des Champs-Elysées. Les soldats, sur un commandement, présentent les armes. La curiosité générale est à son paroxysme ; mais c'est le martyr des journalistes qui commence.
Un vieux commandant du 129e de ligne, très brusque, fait poursuivre les journalistes présents, bien que munis de coupe-files réglementaires. Malgré le très aimable commissaire de police du faubourg Saint-Honoré, le commandant se cuirasse derrière la consigne, malgré l'avis d'un général présent. Nous sommes obligés de fuir derrière les curieux, et, seules les acclamations assez nourries des assistants mettent fin à l'incident.
On crie : « Vivent les Spahis ! Vivent les Cheiks (sic) » quand l'escorte russe passe majestueusement au pas. Mais voici, précédée de Montjarret, la voiture impériale. Le Tsar se tourne à droite à gauche, visiblement impressionné de cette foule compacte, respectueuse, qui l'acclame avec dignité. L'impératrice en blanc, se penche vers M. Félix Faure qui semble lui désigner l'arc de l'Étoile, et faire, à la jeune et élégante souveraine, l'historique de l'Arc de Triomphe. On surprend sur les lèvres de l'impératrice un « Oh » d'admiration et aussi de joie à la vue de cette foule respectueuse, élégante, qui, par-dessus les baïonnettes des soldats, fait retentir les vivats.
Le Tsar, lui, salue en portant sa main au bonnet, sans prendre une minute de repos. En passant devant le drapeau du 129e de ligne, il s'incline davantage et le salut se prolonge. M. Félix Faure lorsque la voiture [...] a pris les Champs-Elysées, désigne à l'empereur toute une maison, à gauche, dont le toit est noir de monde. Les chevaux ont, du reste, sensiblement ralenti l'allure, de façon que tout le monde peut voir le souverain. [...] Un Viennois, tout près de moi, me dit :
« - Monsieur, j'ai assisté à l'entrée de Leurs Majestés à Vienne : eh bien ! Jamais il ne m'a été donné de voir un jour de fête comme celui-ci, Parisiens et provinciaux semblent tous, de l'ouvrier et de l'employé au grand seigneur, être des gentlemen fortunés. C'est admirable !
Malheureusement un accident se produit inévitable en la bousculade et le désir de tous de « voir » quand même. Quand le cortège débouche à gauche de l'Arc de Triomphe, deux branches d'un arbre situé entre les avenues du Bois et de la Grande Armée se détachent sous le poids des gens qui y avaient grimpé et entraînent avec elles une demi douzaine de curieux. Ceux qui se trouvaient dans l'arbre ont eu heureusement le temps de s'échapper, et comme la hauteur n'était pas considérable, les blessures ont été légères à la tête et aux épaules. On a transporté les blessés dans une pharmacie de l'avenue de la Grande Armée. »

Le Gaulois, 9 octobre 1896
 


Le triomphe du tsar aux Champs-Élysées vu par la presse française


L'Écho de Paris


 
« Le canon tonne, un grand brouhaha s'élève, puis l'attente fige tout ce peuple dont les voeux se concentrent sur le long ruban d'avenue vide. Les petits fantassins rouges restent fixes. La voiture du préfet de police passe au grand trot et voici qu'une rumeur, grossie en clameur, s'élève et gagne de proche en proche. L'attente tourne à l'anxiété. Les fantassins portent et présentent les armes et dans l'acclamation puissante qui semble sortir d'une seule poitrine, voilà [...] dans une pompe qui les isole et les espace, le piqueur Monjarret et les postillons de la berline impériale au petit trot. On distingue la robe et l'ombrelle blanches de l'impératrice qui masquent l'uniforme hussard [de l'empereur]. Sur le devant, le président de la République. Deux mondes, l'immense Russie et la belle France, tiennent en ces trois costumes empanachés, des bonnets d'Astrakan, des chamarres d'or. »

P. et V. Margueritte in Écho de Paris, 10 oct. 1896 (cit. in Marmouget, pp 58-59)
 


 
L'escorte des chefs arabes et tunisiens

Les chefs arabes et tunisiens chargés d'accompagner le cortège du tsar pendant tout son séjour en France obtinrent un très grand succès populaire. La presse rendit compte heure par heure de leur arrivée en France et de leur installation au Cercle militaire. Elle décrivit avec force détails leurs costumes hauts en couleurs et leur fière allure à cheval et aussi la façon dont le tsar les remercia personnellement pendant l'entracte du gala donné en son honneur à l'Opéra.
L'Algérie avait été conquise de 1830 à 1847 et la Tunisie était devenue protectorat français en 1881. L'Afrique du Nord constituait donc un des fleurons de l'empire français et les troupes coloniales (spahis, zouaves) présentes à Paris pendant les fêtes du tsar y furent particulièrement applaudies.
A travers ces « fidèles serviteurs» d'Afrique du nord arborant leurs Légions d'Honneur, la France affirmait la puissance de son empire colonial alors que Madagascar venait juste d'être annexée (décret du 11 décembre 1895 et loi du 6 août 1896).
En 1898, en pleine affaire Dreyfus, la reculade de Fachoda face aux Anglais ternira quelque peu les couleurs du colonialisme français.
 
Le Petit Parisien, octobre 1896

 « Le train rapide de huit heures vingt cinq du matin a amené hier à la gare de Lyon les six chefs arabes venant d'Alger, dont le Petit Parisien avait annoncé l'arrivée.
Tous sont décorés de la Légion d'Honneur [...].
Les chefs portent de superbes burnous blancs ou bruns dorés, brodés d'or et ornés de glands également or, et de vestes de drap fin de diverses couleurs et de bottes rouges couvertes d'arabesques d'or et d'argent.
Leurs yatagans, poignards et pistolets sont richement damasquinés et incrustés de pierreries. »


Le Petit Journal, texte explicatif de la gravure, 18 octobre 1896 : Chefs arabes et tunisiens

 « Juste devant la voiture de l'empereur de Russie, lorsqu'il fit son entrée triomphale à Paris et lui formant une étincelante escorte, s'avançaient, graves et imposants, les fidèles serviteurs de la France, les chefs arabes et tunisiens.
Leur attitude était si noble, si majestueuse, ils avaient si grand air sur leurs admirables chevaux que l'on eut dit un peloton de rois. La foule sur leur passage fit entendre les acclamations enthousiastes ; quant à eux, ils saluaient avec une magnifique dignité.
Ces hommes, tous parmi les plus illustres et les plus puissants dans leur pays, sont des Français très dévoués. Ce sont Si Hamza, chef des Oules Sidi Cheiks ; Si Mohammed-ben-Gana, agha des Zibans ; Si Ferhat-Mouly, caïd des Béni-Maïda ; Si Lakdar, bac-agha des Larbaa ; Ali-Bey, caïd des Béni-Bou-Sliman, etc., etc.
En leur confiant la garde de l'empereur, on a fait l'honneur à notre hôte et en même temps on rendait un juste hommage à la fidélité des chefs arabes. »


Le Petit Journal, 4 octobre 1896 : Arrivée des caïds tunisiens

 « L'Algérie ne sera pas seule représentée aux fêtes données en l'honneur des souverains russes. Hier matin sont arrivés à Paris trois des principaux chefs tunisiens.
Ils sont accompagnés par trois personnages notables, cavaliers arabes fameux aux confins du désert. Tous ont superbe allure sous leurs longs burnous blancs sur lesquels se détachent les broderies d'or de leurs vêtements et les incrustations de leurs armes.
Ainsi que les aghas d'Algérie, les caïds tunisiens et leur suite ont été conduits au Cercle militaire [...]. »
 
auteur(s) :

Bruno Hérody, chargé de mission au Musée des Beaux-arts de Nantes

éditeur(s) :

Claudie Ferchaud

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