Témoignage de Monsieur Giraud sur la déportation à Buchenwald - page 11 / 44
Arrivée au camp de Buchenwald

   Tout nus, ce 24 janvier, il fait un froid terrible. Mais alors, quand nous nous sommes vus, dans cette cour, avec ces hardes sans couleur, rapiécées, déchirées, trop grandes ou trop petites, ces galoches informes dans lesquelles il était impossible de mettre les pieds, rasés comme nous étions : un ramassis de clochards guenilleux. Nous nous sommes regardés, stupéfaits. Nous touchions du doigt le plus cher principe de l’odieux système de répression nazi : la dégradation de l’homme. On venait d’arracher à chacun de nous notre personnalité, on venait de faire de nous un numéro sans nom. On nous avait humiliés avec ces hardes sordides, premier pas dans l’entreprise d’abrutissement qui devait, des hommes que nous sommes encore, nous transformer très rapidement en bêtes sauvages. Dans ce camp, le loup (le témoin veut dire l’homme) était un loup pour l’homme.