Je vous ai dit
que nous avions été arrêtés et mis dans des prisons françaises.
Mais, pour arrêter des résistants et les mettre dans des
prisons... les prisons étaient déjà pleines de condamnés de
droit commun par les tribunaux français, des criminels, des
assassins, punis pour viol, pour crimes divers. Tout ce que la
population française peut accueillir de plus bas, de plus cruel, de
plus horrible, c’est la lie de la population française qui est
dans les prisons. Eh bien, pour faire de la place pour y mettre les
résistants, les Allemands n'ont fait ni plus ni moins, ils ont vidé
toutes les prisons françaises, et ces détenus de droit commun dont
je parlerai et, qu'on distinguait parce qu’on leur avait mis au côté
un triangle vert - nous étions en effet dans les camps classés en
différentes catégories : les résistants, les politiques, les
communistes en particulier, qui avaient été arrêtés en masse,
nous avions un triangle rouge. Les triangles verts désignaient les
droits communs, comme les juifs pouvaient avoir le triangle jaune,
et il y en avait bien d’autres, les triangles noirs même, des
condamnés à mort. Eh bien, les verts, quand ils sont arrivés au
camp de Buchenwald, ils ont été lâchés librement là-dedans, où
ils pouvaient satisfaire la cruauté qui était en eux, sans qu'il
puisse y avoir aucune répression, au contraire, on ne pouvait que
les encourager. Ce fut pour les détenus allemands du camp la période
la plus terrible, et pas un n'a survécu à l’arrivée des verts
dans les camps de concentration de Buchenwald, et Ravensbrück. |