Témoignage de Monsieur Giraud sur la déportation à Buchenwald - page 25 / 44
La vie quotidienne à Buchenwald - la nourriture

   On nous servait dans une cuvette, une cuvette en émail, une toute petite cuvette comme celle dans laquelle peut-être vous vous lavez les mains le matin. Mais, par comble de sadisme, alors qu’il était facile de nous donner à chacun sa cuvette, il y avait une cuvette pour six, et il fallait s’aligner devant le distributeur de soupe. Et quand le premier avait reçu sa louche dans sa gamelle, il se hâtait, il avait beau se hâter de l’avaler, de l’avaler à toute vitesse, jamais il n’y arrivait, parce que celui qui était derrière et que la faim tordait aux entrailles lui arrachait sa gamelle des mains, touchait lui-même sa soupe et s’efforçait d’en avaler quelques bouchées. Et quand - quelquefois ça arrivait jusqu’au dernier et c’était bien - mais la plupart de temps, la faim était telle que les derniers se précipitaient, que c’étaient des bagarres épouvantables autour de cette écuelle, et que souvent, la marmite était renversée et la soupe était perdue pour tous. Nous étions devenus des bêtes sauvages, que la faim, que la soif plus terrible encore avaient privé de tous sentiments humains.