Dans le cadre des nouveaux programmes des bacs professionnels trois ans, l'un des sujets d'étude proposés pour la seconde professionnelle s'intitule : " Voyages et découvertes, XVIème-XVIIIème siècle ". La première situation historique pouvant faire l'objet d'un travail porte sur :
" Christophe Colomb et la découverte de l'Amérique "
Au centre de cette question, la personnalité d'un acteur majeur de l'histoire, Christophe Colomb, personnage complexe aux multiples facettes et dont la biographie comporte autant de zones d'ombres que d'éclairages.
Existe-t-il un consensus européen sur la vision des personnages clés de notre histoire commune ? Quelques observations liminaires s'imposent :
- les manuels scolaires véhiculent une image globalement exacte en termes scientifiques mais n'intégrent pas suffisamment les apports récents (ou moins récents) de la recherche universitaire, qui plus est... lorsqu'il s'agit d'ouvrages non traduits.
- il existe peu de liens entre chercheurs, de part et d'autre des frontières des états nations : les histoires nationales se construisent en fonction des problématiques sensibles , mises en valeur à une époque donnée sur un espace géographique délimité : à l'évidence, la question du métissage des cultures est davantage d'actualité en France. De l'autre côté des Pyrénées, on réfléchit plutôt aux liens entre l'histoire de l'Espagne et celle des " Espagnes ": dans quelle mesure la première étouffe-t-elle la seconde?
- comment peut-on construire l'Europe sur des valeurs communes s'il n'y a pas de vision réellement homogène d'un passé commun ?
1 - Colomb, un homme complexe, auteur d'un "délit d'initié"?
C'est la thèse de Juan Manzano Y Manzano (1911-2004)
"Nadie es profeta en su tierra, dice el refrán, encerrando, como la mayor parte de ellos, una verdad que sólo el saber popular es capaz de constatar".
Effectivement, nul n'est prophète en son pays...
Juan Manzano fut historien du droit, spécialiste du droit colonial appliqué "aux Indes" après 1492. Il fut surtout un homme d'archives, explorant sans relâche le fonds colombien "del archivo de las Indias" (Séville) ainsi que le fonds du monastère franciscain de la Rabida (Où Colomb trouva maintes fois aide et assistance après son échec portugais de 1484)
En 1964, l'historien publie: "Colon: siete anos decisivos de su vida-(1485-1492)" où il tente de reconstituer, avec une extrême minutie, les étapes du projet colombien. Il démontre que les rois catholiques, obsédés par l'achèvement de la "Reconquista", n'accordent à Colomb qu'un intérêt limité, frisant presque la condescendance.
Rien de nouveau pour nous, puisque les manuels scolaires mettent en effet l'accent sur la réalité de cette quête difficile de l'adhésion des puissants à la découverte des "Indes" par la voie maritime occidentale.
C'est le livre de l'année 1976: "Colon y su secreto" qui bouleverse, en Espagne, la vision quelque peu stéréotypée sur la personnalité du grand navigateur (sans toutefois déclencher un raz de marée médiatique).
Juan Manzano y avance la thèse de la prédécouverte de l'Amérique: Colomb aurait finalisé son projet de voyage vers l'ouest dès 1478, après avoir eu entre les mains des documents et des informations privilégiées, l'assurant notamment de la présence d'îles peuplées à 750 lieues de navigation... En d'autres termes, le futur "Amiral de la mer océane" se serait contenté de faire sien un exploit antérieur: celui qu'aurait mené à son terme un contemporain connu des chroniqueurs sous la mention du "prenauta" (anonyme pour certains, correspondant pour d'autres à l'identité d'Alonso Sanchez de Huelva)