Cette rencontre s’est articulée autour de deux moments clés : la lecture publique au Lieu Unique, le mercredi 12 mars en soirée, et la venue de l’autrice le lendemain matin au lycée.
En amont, un travail de découverte de l’œuvre de Yara El-Ghadban a été réalisé en classe. Sur la base du volontariat, une dizaine d’exemplaires des publications de l’autrice ont circulé parmi les élèves. Charge à elles d’en faire un rapide compte rendu de lecture oral à leurs camarades. Un titre a particulièrement retenu l’attention des élèves,
Les racistes n’ont jamais vu la mer paru en 2021.
Un travail plus spécifique a été fait en classe à travers la lecture découverte d’extraits du dernier roman paru en 2024,
La danse des flamants roses. Ainsi l’ensemble des élèves avait un aperçu commun de l’écriture si particulière de Yara El-Ghadban qui mêle une uchronie imparfaite teintée de poésie, autour d’une Palestine qui, protégée par ses murs, devient un lieu de refuge dans un monde ravagé par la maladie du sel.
Heureux hasard, tous les poèmes qui parsèment le roman s’intitulent, LE TEMPS
de la vallée
qui n’oublie pas
qui s’écoule
etc…
Permettant ainsi de faire le lien entre cette lecture et le programme limitatif de français.
Vient le premier moment fort, la lecture spectacle au Lieu Unique. Seules 2 élèves manquent à l’appel pour une sortie en soirée facultative. Le pari est déjà presque gagné,
les élèves sont au rendez-vous. Pendant près de 2 heures, du premier rang qui leur a été gentiment réservé, elles assistent à une lecture en français d’extraits de La danse des flamants roses, et en arabe de poèmes de Tarik Hamdan qui sont traduits instantanément en français par Yara El-Ghadban. Les émotions sont fortes allant du rire aux larmes, de la colère à l’espoir. S’en suit un entretien mené par Christelle Capo-Chichi. 21h30, il est temps que les élèves internes, plus de la moitié de l’effectif, rejoignent le lycée.
photos auteur Jérôme PresneauLe lendemain, à 10 heures Yara El-Ghadban est au CDI pour une rencontre plus intime. Tout commence par une collation préparée par les élèves. Le bal des questions a commencé, et naturellement pendant près de deux heures un véritable dialogue s’installe.
Sur la soirée de la veille,
sur la venue dans notre région,
sur l’écriture,
sur les rêves,
sur la Palestine,
sur la vie de migrante de Dubaï au Québec en passant par l’Argentine,
sur l’anthropologie,
sur l’uchronie,
sur la poésie…
Le temps passe trop vite et se termine opportunément avec des conseils de lecture, citons Ursula K Le Guin, Emily Dickinson ou Marc Alexandre Oho Bambe.
Le lendemain, lors d’une séance bilan intitulée MERCI ! les élèves écriront, dessineront leurs remerciements à Yara El-Ghadban.
Cette rencontre est une parfaite illustration de l'utilité des financements culturels, surtout quand ils permettent à ceux qui sont a priori les plus éloignés de la culture d’y avoir accès.
Permettre la rencontre. Rien ne prédestinait la rencontre entre ces jeunes d’une classe issue d’un lycée professionnel de quartier avec une poétesse, une romancière, une anthropologue, une éditrice québécoise d’origine palestinienne. Et pourtant la rencontre, d’une richesse et d’une simplicité incroyable, a bien eu lieu le 12 et 13 mars entre Nantes et Rezé.
Cette rencontre le poète Jean Philippe Cazier l’a expérimentée, il s’en souvient dans la revue Diacritik en décembre 2024,
“Je me souviens de la rencontre avec les élèves du lycée Perrin-Goussier : la qualité de l’écoute, la pertinence des questions, montraient que ceux-ci et celles-ci avaient lu avec attention les livres, avec intelligence, que les livres de poésie de Marius Loris Rodionoff ainsi que les miens les avaient intrigués, surpris, que les élèves avaient un point de vue réfléchi sur ces livres, qu’ils et elles pouvaient se les approprier de différentes manières…
Raconter cela permet de manière concrète, par un exemple, de comprendre en quoi consiste une politique culturelle populaire, s’adressant à tous et à toutes, pensée pour tous et toutes, ce que signifie mener une politique culturelle qui met en rapport des créateurs et créatrices avec des personnes qui s’intéressent à la création contemporaine mais aussi avec d’autres qui, peut-être, ne seraient pas par elles-mêmes portées à s’y intéresser – et qui pourtant peuvent y trouver un plaisir, un moyen de penser et de sentir autrement, de se penser, y compris en étant bousculés, en découvrant des réalités artistiques ou littéraires qui n’étaient pas soupçonnées, des points de vue qui peuvent retenir l’attention…”Jean Pierre Siméon ne disait pas autre chose dans son intervention lors de la matinale de France Culture le 14 mars dernier.
Faisons en sorte que ces rencontres soient encore possibles à l’avenir.
Bibliographie de Yara El-Ghadban sur le site de sa maison d’édition, mémoire d’encriers
La maison de la poésie de Nantes
présentation de la soirée au Lieu Unique
Programme de Yara El-Ghadban dans les Pays de la Loire de mars à avril 2025
Les mots très justes de Jean-Pierre Siméon sur une intervention dans un lycée professionnel (33ème minute)Jérôme Presneau, enseignant, LP Goussier, Rezé