Texte n°2: Réactions de certains Etats
Après la Russie, qui a récemment serré la vis du Bitcoin, c’est au tour de l’Australie. La National Australia Bank (NAB), l’une des quatre principales banques australiennes (avec l’Australia New Zealand Bank, la Commonwealth Bank of Australia et Westpac Banking Corporation), a annoncé jeudi qu’elle comptait prendre ses distances avec le controversé bitcoin, monnaie virtuelle internationale auto-régulée dont l’encadrement est problématique.
Ainsi, l’établissement va fermer, dès le 2 mai prochain, les comptes de ses clients-entreprises dont l’activité principale consiste à échanger des bitcoins et autres devises virtuelles. Dans une lettre envoyée à ses clients, la NAB souligne que des liens avec les monnaies virtuelles informatiques posent un niveau de risque inacceptable pour les activités et la réputation du groupe bancaire. Un porte-parole de NAB a, par ailleurs, confirmé que l’établissement se distançait des monnaies virtuelles, qui ne sont pas soumises à d’autres régulations que celle de leurs utilisateurs. « La National Australia Bank n’a pas d’activité bancaire ou commerciale avec les monnaies qui ne sont pas soumises à une régulation (officielle), et elle ne prévoit pas d’en avoir», a déclaré son porte-parole à l’AFP.
Depuis plusieurs mois, nombreux sont les pays à se mobiliser pour encadrer cette devise virtuelle (qui n’existe pas sous forme matérielle). Le Japon a, par exemple, tenté de déployer une réglementation encadrant échanges et achats. Autre exemple : l’ Etat de New York a récemment fait savoir qu’il envisageait de soumettre les plates-formes d’échange de Bitcoin à des licences. En mars dernier, Pierre Moscovici, alors ministre de l’Economie, se mobilisait pour une régulation européenne du Bitcoin et Tracfin, la cellule de lutte contre le blanchiment de Bercy, doit remettre à la mi-avril au gouvernement ses propositions de régulation.
Le Bitcoin, créé en 2009 à partir d’un codage informatique crypté, peut être utilisé pour des achats de marchandises ou de services, ou bien être échangé en ligne contre des devises. Les transactions ne passent pas par une compensation entre organismes bancaires, échappant ainsi à toute commission. Cette devise virtuelle est très controversée : elle ne dépend pas d’une banque centrale, sa valeur s’apparente à la trajectoire des montagnes russes, et la faillite retentissante de la plate-forme d’échanges MtGox(1) , il y a quelques semaines au Japon, a renforcé la méfiance à son encontre. Enfin, les Bitcoins sont soupçonnés de favoriser le blanchiment d’argent, en raison de l’anonymat des transactions. Leur créateur, jusqu’alors inconnu, aurait été démasqué par le magazine «Newsweek» le mois dernier.
(1) Depuis l'article, la plateforme d'échanges MtGox a déposé le bilan au Japon et aux Etats-Unis. Cette plate-forme a stoppé ses transactions le 7 février, voyant "disparaître" quelques 750 000 bitcoins de clients et 100 000 détenus par la société.
Les Echos | 10/04/2014
Texte n° 3 : Bitcoin : après le boom, le krach
Le bitcoin, monnaie de plus en plus virtuelle. En moins de quarante-huit heures, entre mardi et mercredi dernier, la devise numérique a perdu près de 30% de sa valeur. Elle est même passée sous la barre symbolique des 200 dollars (172 euros), seuil qu’elle n’avait pas franchi depuis octobre 2013. La dégringolade, surtout, se poursuit après une année catastrophique durant laquelle le bitcoin a perdu près de 56% de sa valeur. Une chute qui en fait la «pire monnaie de l’année», selon l’agence de presse économique américaine Bloomberg, devant le rouble russe et la hryvnia ukrainienne. Un peu plus d’un an après avoir franchi le pic des 1 000 dollars, en novembre 2013, le bitcoin est-il en train de s’éteindre ? […]
Premier souci, le bitcoin est très volatil, comme l’ont prouvé les chutes et les envolées de son cours. Cette hypersensibilité s’explique par les inégalités et les asymétries du marché de cette monnaie 2.0. «Peu de gens détiennent beaucoup de bitcoins et beaucoup de gens détiennent peu de bitcoins», résume Nicolas Houy, chercheur en économie au CNRS. Il suffit qu’un seul des gros détenteurs convertisse ses bitcoins pour que le marché dégringole. Au contraire, l’arrivée d’un gros investisseur lui fait tutoyer les sommets. De plus, l’achat de bitcoins pour un nouvel arrivant n’est pas aussi rapide que la vente. «Il faut une dizaine de jours pour acheter des bitcoins, alors que la vente se fait dans l’heure. Le mouvement à la baisse est donc quasi instantané, pas celui à la hausse, qui prend plus de temps», décrit Nicolas Houy. Conséquence, le marché est très facile à manipuler par les magnats du bitcoin.
Les crises de confiance répétées, dues à des piratages, comme celui de la plateforme d’échange Bitstamp, début janvier, contribuent à l’instabilité de l’e-monnaie. […].
Le bitcoin est aussi menacé par sa perte d’attrait. Comme le définit Alexandre Delaigue, «une monnaie en devient réellement une à partir du moment où un nombre suffisant de personnes est disposé à l’utiliser en tant que telle». Or, les germes qui risquent de faire fuir les utilisateurs se trouvent au cœur même de l’algorithme du bitcoin. En premier lieu, son anonymat. Atout au départ, «cela pousse aujourd’hui les gouvernements à vouloir le réglementer car cela peut être utilisé pour des transactions dissimulées ou de la fraude fiscale», prévient Delaigue. Si, pour le moment, peu d’Etats ont réglementé, ils sont nombreux à étudier le problème. La question de l’application de la TVA, par exemple, pourrait freiner l’utilisation de la monnaie. Mais l’interdiction pure et simple paraît compliquée. D’après Sébastien Couture, cofondateur du podcast Epicenter Bitcoin, «c’est comme essayer de bloquer BitTorrent», le logiciel de peer to peer.
Autre élément qui pourrait perturber le bitcoin : sa rareté. L’algorithme limite la quantité de la monnaie émise à 21 millions de bitcoins. A long terme, sa valeur est donc destinée à augmenter, ce qui a ouvert un terrain de chasse aux spéculateurs. Le pic de 2013 serait ainsi dû, selon Alexandre Delaigue, à une course «pour produire le plus possible» de cette «"monnaie Icare" qui perd de son attrait en s’approchant trop près du succès». La spéculation a ainsi infesté les réseaux de cryptomonnaies, ce que déplorent leurs défenseurs. «Le Bitcoin est avant tout un protocole de transfert transparent et décentralisé», rappelle Superresistant. Ce mineur est certain que «la spéculation n’aura pas raison de l’unité bitcoin, bien que cela lui donne mauvaise presse».Mais il devient de plus en plus difficile de «miner» l’e-monnaie. «Je me suis arrêté car ce n’était plus rentable, explique Jonathan, passionné de cryptomonnaie. Le coût de l’électricité est devenu supérieur aux gains rapportés.» Sans parler du matériel (près de 2 500 euros), qu’il compte désormais revendre. Il réinvestira cet argent en bitcoins, en profitant de la baisse actuelle et en anticipant une hausse prochaine. […]
Julien PRUVOST et Philippine ROBERT 19 janvier 2015 ; www.lesechos.fr