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Intégration et exclusion

mis à jour le 15/08/2002


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Intervention de Mr MAANI (Hamid MAANI est sociologue). Il prépare une thèse sur l'origine sociale des couples franco maghrébins avec Augustin BARBARA professeur de sociologie à l'université de Nantes et spécialiste des mariages mixtes.

mots clés : intégration, exclusion, culture, pauvreté, disqualification sociale, politique anti-exclusion


Hamid MAANI enseigne à l'école des jeunes éducateurs de Rezé et milite dans des associations comme l'ASAMLAC - association santé migrants Loire Atlantique -) .

Problématique

Logiquement, on ne peut dissocier intégration et exclusion. Néanmoins, sera abordé dans une première partie le mécanisme de l'intégration puis dans un deuxième temps le mécanisme de l'exclusion.

Première partie: l'intégration

A) Définitions
L'intégration est une notion fondatrice en sociologie. La thématique de l'intégration apparaît avec M. WEBER et E. DURKHEIM, deux pères fondateurs de la sociologie.
Rappelons que l'intégration fait partie du débat amorcé en ce 19ème siècle (celui-ci étant la conséquence à la fois de la révolution industrielle et de la révolution démocratique et politique). Dans cette logique, le 19ème siècle constitue une remise en cause de l'ordre traditionnel. D'après R. NISBET, les valeurs dominantes jusqu'au 19ème étaient les suivantes : attachements à la terre, à la monarchie, à la morale religieuse, à l'immobilité géographique et sociale. Désormais, on observe une remise en cause de tous ces attachements avec l'apparition de nouvelles classes sociales, l'émergence de nouveaux phénomènes tels que la délinquance, l'alcoolisme, la prostitution è dès lors se pose la grande question sociale. Déjà, à l'époque, les historiens parlaient de barbares dans les faubourgs parisiens.
L'ordre traditionnel est alors déstabilisé, sans qu'il y ait apparition d'un modèle alternatif : on peut dès lors parler d'anomie (absence de règles) puisqu'il y a remise en cause de tout ce qui fondait la morale antérieure.

Ces transformations sont-elles prometteuses de plus de bonheur et de justice (thèses socialistes) ? Ou ne va-t-on pas vers la déchéance humaine ? (thèse des conservateurs)
La sociologie va s'accaparer ce débat. R. NISBET, dans La tradition sociologique (PUF, 1984), va chercher à comprendre le problème engendré par la révolution industrielle d'un point de vue sociologique : il y voit là une réponse à la désintégration.

Définition de l'intégration (DURKHEIM) 
: processus par lequel l'individu participe à la vie sociale. Cette participation s'opère grâce à l'intégration des individus dans plusieurs instances

- Familiale
- Eglise (religieuse)
-Groupes professionnels

Toutes ces instances prédisposent l'individu à vivre en société. L'intégration est donc le résultat de la socialisation.

Définition de la socialisation (G. ROCHER, Introduction à la sociologie, tome 1) : processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise les éléments socioculturels de son milieu, les intègre à sa personnalité sous l'influence d'agents sociaux-significatifs et par là-même s'adaptent à l'environnement où elle doit vivre.

Action qui dure tout au long de la vie, il s'agit de faire sienne les normes et les valeurs dominantes de la société, sous l'égide d'instances de socialisation :

- la famille (cf socialisation primaire)
- les groupes de pairs (socialisation au milieu des semblables) ; cette instance prend plus de place aujourd'hui chez les adolescents
- l'école (espace ou l'enfant est confronté de manière normative aux attentes de la société)
- le marché du travail (apprend les comportements, fait respecter les règles ...)
- les médias (certaine façon de toucher les choses)
L'intégration définit donc la participation sociale qui s'opère avec l'acquisition progressive des normes et des valeurs dominantes. (Rappel : les normes sociales constituent une façon prédéterminée d'agir, supposant des attentes spécifiques)
L'intégration n'est donc possible que s'il y a acquisition de la culture du groupe par imprégnation et par instruction.

Définition de la culture (au sens anthropologique) : ensemble des acquis, d'actes, de croyances, de sentiments partagés par une communauté. C'est donc tout ce qui est acquis (par opposition à l'inné). Le social apparaît en conséquence comme le produit de l'homme.
L'intégration sociale présente donc un contenu concret. Si on fait référence à l'exemple de l'immigration ; elle est un analyseur, un moyen de révéler ce qu'est l'intégration.
On peut s'intégrer par ses différences à condition d'enrichir la collectivité ce qui permet de distinguer l'intégration et l'assimilation (qui consiste à rendre semblable l'autre).

B) L'exemple de l'intégration des maghrébins
Après cette partie « théorique », intéressons nous désormais à l'exemple de l'intégration des maghrébins. Sont-ils en voie d'intégration ?

Le sens commun voudrait qu'un immigré maghrébin soit porteur d'une culture antinomique avec la vie en société en France (rappelons l'existence de la rivalité chrétiens / musulmans du temps des croisades, les problèmes liés à la colonisation et à la guerre d'Algérie, l'image négative de l'Islam).

Que montrent les études de terrain ? Il existe une différence entre les personnes socialisées au préalable dans leur pays d'origine et leurs enfants.

1) Les parents
ont un mode de vie encore marqué par leur pays d'origine : la culture s'exprime au sein du domicile (éléments de décoration, alimentation, projets de retour « un jour, je rentrerai chez moi »). Pour les enfants, les choses sont bien différentes : la maison ne fait que remplir un rôle symbolique : montrer la réussite sur place. D'ailleurs, ce que montrent les chiffres, c'est que les immigrés envoient de moins en moins d'argent dans leur pays d'origine. On peut donc émettre l'hypothèse suivante : les dépenses s'opèrent sur place, à savoir sur le pays d'accueil. De surcroît, dans le domaine du religieux, l'intégration est en œuvre : il existe une demande de lieux de culte en France, ce qui tend à montrer que les enfants comment à se projeter ici (en France). En ce qui concerne les rapports à la mort : il existe une demande spontanée - n'émanant donc pas d'intellectuels - pour un carré musulman au sein des cimetières. Dans le domaine de l'accès à la propriété, la tendance est la suivante : les immigrés investissent dans la propriété.

2) Les enfants d'immigrés sont-ils intéressés par un repli identitaire ?

Constat : selon les travailleurs sociaux et les enseignants, les jeunes maghrébins essaient de constituer un groupe à part (cf. aussi études récentes sur les quartiers sensibles comme l'ouvrage de D. Le Poutre, "Au cœur des banlieues").

a) Le référent ethnique
Dans certaines banlieues de Nantes, on observe la constitution d'un groupe "maghrébin" à partir de deux référents dans le discours : un référent maghrébin et un référent religieux.
  • Les jeunes se définissent en tant que groupe : "nous" contre "eux" (les non arabes).
  • Fréquentation des associations en fonction du pays d'origine (club de foot, activités des maisons de quartier...)
  • Les jeunes se désignent par rapport au groupe de leurs parents (je suis marocain) et cherchent concernant le langage à avoir l'accent arabe (rouler les r, expressions et insultes en arabe).
  • Défense de causes arabes : exemple : question palestinienne
  • Reprise de stéréotypes : code de l'honneur
  • Port de certains objets : main de Fatima et henné pour les filles, le keffieh palestinien pour les garçons, les écussons du pays, la manière de se saluer...

Cependant, les jeunes ne mettent pas en avant la référence à une communauté mais font référence à la nationalité des parents et aux conflits territoriaux (problème sahraoui).


b) Le référent religieux joue t-il un rôle important ?
Une minorité de jeunes est mobilisée autour de la religion car les parents ont peu transmis les valeurs religieuses. En effet, ceux-ci sont issus du monde rural, et ont donc été peu scolarisés et ont donc peu ou pas étudié les textes religieux. Et les parents sont la seule source d'informations.
En fait, le véritable problème est la récupération de ses jeunes par des pseudo religieux.
La question à se poser est le pourquoi de cette référence à la religion.
C'est d'ailleurs un phénomène nouveau, depuis 1990, qui provient de plusieurs facteurs :

  • l'essoufflement de la politique de la ville qui a été mise en place dans les années 80, où les problèmes spécifiques des enfants d'immigrés sont apparus (émeutes dans les banlieues de Lyon...).
  • Difficulté d'accès à l'emploi (s'ils n'ont pas d'emploi, c'est parce qu'ils sont maghrébins)
  • Déconsidération par les Français de l'islam ; et donc tous ceux qui partagent les valeurs de l'islam se positionnent en tant que contestataires.
  • L'histoire des parents : les parents ont été exploités et on veut les mettre à la porte. Les enfants refusent la logique de l'invité adoptée par les parents (je ne suis là pas chez moi, donc je ne cherche pas le conflit). Les enfants pensent en terme de droit. Ils déconsidèrent l'autorité parentale car leurs parents ont accepté des conditions inacceptables (refus des métiers manuels).


Questions des collègues
:

  • Et les filles ? Certaines commencent ce repli identitaire qui jusqu'à présent était réservé aux garçons.
  • Pourquoi la référence à la culture noire américaine ? Parce qu'elle valorise la réussite individuelle. C'est une rupture par rapport aux années précédentes qui mettaient l'accent sur l'action collective.



Deuxième partie: l'exclusion
A) Définitions
Notion récente mais recouvrant des réalités anciennes. S. Paugam, R. Castel, D. Schnapper font l'analogie avec la paupérisation du 19ème siècle :
  • Dégradation des conditions de vie
  • Dégradation morale
  • Inquiétude de l'opinion publique


Dans les années 60 , le terme exclusion renvoyait à la notion de pauvreté. Mais René Lenoir en 1974 avec son livre "Les exclus" montre que l'exclusion n'est pas spécifique des pauvres. Dans les années 80, le terme exclusion est remplacé par nouvelle pauvreté. Ce n'est que dans les années 90 que le terme revient en force car :

  • Dégradation du marché de l'emploi
  • Meilleure connaissance de la population exclue (notamment avec l'instauration du RMI suite à un vote unanime)
  • L'exclusion contrevient à l'idéal égalitaire qui prévaut en France.
  • Rôle des actions caritatives
  • Les Français ont peur de basculer dans l'exclusion (discours sur la fracture sociale lors de la campagne présidentielle de 1995)

Donc pas de définition unique d'exclusion car multiplicité des facettes. Les synonymes que l'on peut évoquer sont : vulnérabilité-pauvreté-indigence, relégation-disqualification sociale-désaffiliation, précarité, misère du monde, stigmatisation, marginalisation , discrimination sociale ....

Cependant, on peut dire que l'exclusion est un processus dynamique qui consiste en un ensemble de ruptures affectant aussi bien les aspects matériels de la vie que ceux symboliques et sociaux.
  • Exclusion économique par rapport au mode de consommation ou au monde du travail è économie souterraine
  • Exclusion sociale (logement è assignés à résidence dans les quartiers)
  • Exclusion des jeunes (vivant chez leurs parents d'où infantilisation è adultes immatures)
  • Exclusion culturelle (échec scolaire, illettrisme) plus discriminant dans une société de communication
  • Exclusion physique (alcoolisme, handicap physique) et psychique.
  • Exclusion institutionnelle (détenus des prisons)
  • Exclusion légale (les sans papiers)


B) Les causes de l'exclusion résultent essentiellement de deux phénomènes structurels majeurs :

1) Transformations structurelles dans le monde du travail : régression du modèle tayloriste qui consommait de la main d'œuvre non qualifiée. Aujourd'hui, on recherche de la main d'œuvre responsabilisée faisant preuve d'autonomie et d'initiative. La sélectivité est accrue et les emplois atypiques se multiplient.

2) Transformations des liens sociaux :

Déstabilisation familiale : génère dans une certaine mesure une exclusion (cf. étude de l'INED sur les SDF parisiens)
Etude du CERC montre que plus de 28 % des actifs en France travaillent dans des secteurs peu dynamiques et sont donc menacés par le chômage. Or ceux qui ont les emplois les moins stables, sont aussi les moins stables dans leur vie privée.
De plus, les chômeurs s'excluent des instances générant du lien social comme les associations.
Celle-ci était centrée sur le travail mais aujourd'hui avec la prise en compte du caractère structurel du chômage, l'action se porte sur les associations locales et les initiatives locales. Plus volontariste et plus globale doit être la politique de la ville :
- Pour les quartiers qui « décrochent », il faut les « traiter » socialement, les désenclaver
- Dynamiser la vie associative : les habitants doivent devenir des partenaires
- Réhabilitation des logements, mais se pose le problème des surloyers
- Faire travailler en commun tous les intervenants (cf M. CROZIER)
- Prévention des été chauds
- CCPD (conseils communaux de prévention de la délinquance)
- Les missions locales (à ne pas confondre avec les ANPE), avec la présence de conseillers, psychologues, médecins
- Le RMI (créé en 1988) : l'exclusion ne concerne pas seulement les pauvres (cf trajectoires), le risque étant d'avoir des « habitués »

Rédacteurs : POITEVINEAU Christelle, WOLFF René. Corrections et compléments DESSIOUX Jacques, GEHANNE Jean Claude

 

BIBLIOGRAPHIE



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information(s) pédagogique(s)

niveau : 1ère ES, Terminale ES

type pédagogique : compétences

public visé : enseignant

contexte d'usage : espace documentaire

référence aux programmes : Première ES.  La culture : transmission et construction collective (intégration, acculturation, sous-culture, conflits culturels)
Terminale ES. La cohésion sociale (lien social, socialisation, intégration, exclusion
et les instances d'intégration)

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