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mis à jour le 18/09/2013
Un outil pédagogique autour de la question "art et mots", à partir de l'analyse de deux oeuvres de la collection du musée des Beaux-Arts d'Angers.
mots clés : chaarp, art et mots, image, texte, mot
L'image a son propre langage et si l'artiste choisit de créer avec des pinceaux plutôt que la plume ou le clavier, c'est bien pour attester d'un moyen d'expression singulier. Pourquoi alors vouloir lui acculer le texte, les mots ? L'œuvre d'art peut-elle et doit-elle se passer d'écritures ? Néanmoins, l'écriture répond à la définition suivante : la représentation d'une pensée ou d'une parole à l'aide de signes. C'est dans cette définition que des points de liaison entre écritures et images se dessinent : représentation et signes. L'écriture et l'image ne sont-elles pas toutes deux tracées, marquées de traits ? N'y a-t-il pas dans les deux cas représentation ? Mais est-ce que pour autant ces points d'achoppements nous disent réellement les liens que l'écriture et l'image entretiennent : simple illustration ? Complément ? Référencement ou citation ?
Dans une alcôve, un jeune couple assis au premier plan s'embrasse. A l'arrière plan, un sombre personnage brandit une arme. « Lorsqu'enfin l'heureux Lancelot cueille le baiser alors celui qui ne me sera plus ravi colla sur ma bouche ses lèvres tremblantes et nous laissâmes s'échappa ce livre par qui nous fut révélé le mystère d'amour. » Ces mots du roman de Lancelot du Lac se mêlent à ceux de Dante afin de nous conter ce qui se déroule dans la peinture d'Ingres. En effet, le peintre s'est inspiré de L'Enfer de la Divine comédie[1] lorsque Francesca relate le moment où elle scelle son sort à celui de son bel amant, Paolo et que son mari, Malatesta, les découvre. Il n'est donc pas question d'un récit mais de deux voire de trois avec la représentation. Dans ce petit format, une scène de théâtre se joue : Malatesta sort de derrière un rideau. La perspective marquée, les détails vestimentaires, les bijoux et les couleurs chatoyantes entérinent la dramaturgie. Le livre est l'élément essentiel de la chute pointant l'amour naissant et la vengeance. Ingres renforce les contrastes : le jeune et beau couple face au moche et sombre Malatesta. La fraîcheur, la douceur font face à la peau marquée et le regard fuyant. Le cadre d'inspiration médiévale entre phylactères et bois gravé introduit et cite directement le texte. Quelle place et quel rôle la peinture a-t-elle face au texte : Illustration? Référence? Relecture ? Ou Citation ?
[1] Chant V, v. 127-138.
Jean Lurçat, Liberté, 1943.
Sur un fond jaune séparé en deux parties, deux astres prennent place au centre et se chevauchent. L'arrière plan est constellé de nuages. L'astre du premier plan est solaire et surmonté d'un casque lui-même surplombé d'un coq. Il rougeoie et rayonne. Derrière, une lune semble éclipsée. Un mot retient notre attention se détachant sur un fond blanc : Liberté. Alors d'autres mots se distinguent « Pour te connaître... Pour te nommer » et quatre strophes semblent flotter aux quatre coins de la tapisserie. Le texte est directement présent, écrit dans l'œuvre et la composant. Là aussi, Jean Lurçat s'inspire d'un texte, un poème de Paul Eluard intitulé Liberté[1] écrit en 1942. uvre engagée, cette tapisserie a été tissée lors de la seconde guerre mondiale pendant l'Occupation allemande. Elle ne se présente pas telle une illustration du poème mais plutôt d'une interprétation, d'une seconde lecture permettant de véhiculer un message de résistance où les symboles tel le coq, l'éclipse et les figures de l'ombre n'étaient pas décelées, comprises par l'ennemi.
[1] Sur les formes scintillantes, Sur les cloches de couleurs, Sur la vérité, J'écris ton nom/ Sur la mousse des, nuages, Sur les sueurs de l'orage, Sur la pluie épaisse et fade, J'écris ton nom/ Sur toutes les pages lues, Sur toutes les pages blanches, Pierre, sang, papier ou encre, J'écris ton nom/ Sur les merveilles des nuits, Sur le bain blanc des journées, Sur les saisons fiancées, J'écris ton nom / Pour te connaître, Pour te nommer, Liberté
Complément d'images. L'image dès que nous la voyons, nous formulons des mots, pensons puis la décrivons et écrivons à propos d'elle. Ainsi, l'image semble ne jamais réellement se défaire de l'écriture. Soit cette dernière lui préexiste comme le texte de Dante pour la peinture d'Ingres ou le poème d'Eluard pour la tapisserie de Jean Lurçat. La question est alors de savoir quelle place accordait au texte ? Et donc à l'image ? Inséparables ?
Souvent, l'image ne semble que la copie d'une copie[1] et ne parait devenir pleinement œuvre que lorsqu'elle reçoit des écrits, des mots. Elle s'accompagne toujours d'un texte, cartel ou texte d'exposition dans le musée. Pour autant, l'image brise les cultures et les langages et ne nécessitent point de traducteur, elle est universelle.
[1] Les trois lits de Platon.
Relecture, inspiration et citation. Juger d'un niveau de primauté entre le texte et l'écriture est vain et sans doute inutile. Ingres lorsqu'il s'inspire de La Divine Comédie ne pose la question en ces termes. Le texte lui donne un sujet de peinture et loin de l'illustrer mot pour mot, ou trait pour trait, il en propose une version voire des versions puisque Paolo et Francesca est une peinture en série. Il contextualise le récit au moyen âge mais se permet des écarts quant au choix vestimentaire. Les influences littéraires permettent de montrer les liens qui se tissent entre littérature et peinture au point pour Ingres de nous offrir : une image littéraire.
Le mot dans l'image. Magritte écrit et affirme : ceci n'est pas une pipe. Joseph Kossuth dans One and Three chairs, nous dit que nous sommes face à l'image d'une image, une répétition langagière. Mais à l'inverse Jean-Michel Basquiat écrit, rature, crie sa violence et sa rage dans ses œuvres.
Le mot dans l'image n'a ni le même sens ni la même utilisation chez ses trois artistes. Il oscille de la signification au jeu de mot en passant par le signe calligraphique. Dans Liberté, Jean Lurçat utilise l'écriture comme un composant plastique et un véhicule d'idées. Dans tous les cas, le mot est dans l'image, les langages se superposent pour créer du sens. La peinture n'est alors plus une poésie muette ni la poésie une peinture aveugle.
Des mots-images.
En travaillant la bande dessinée, il s'agira d'inciter les élèves à construire un récit mais sans images. Le mot pourra bouger et animer la case autant qu'il racontera.
Commen-taire/ comment-faire. De la description à la fabrication, du texte à l'image. Comment l'élève peut-il écrire un texte, s'en emparer (du sien ou de celui d'un autre) pour créer une image ?
Ce que je vois n'est pas ce que je lis
Un travail plastique qui dissocie l'apparence plastique d'un message écrit et sa signification
L'espace de la classe murmure votre prénom
Comment le traitement plastique (format, matériaux, traitement de la ligne...) d'un mot peut suggérer un son.
Quand les mots prennent forme
Poser la question de l'aspect formel d'un mot, d'un sens abstrait, sculpter la langue ...
Oeuvres des musées d'Angers :
- Thomas Gleb, Le livre des naissances, Maria Gleb et Jean Kalman, 1994.
- Thomas Gleb, La petite Thora,
- Thomas Gleb, Livre-objet, années 70.
- Emile Signol, Réveil du juste, réveil du méchant, 1835.
- Daniel Tremblay, Sans titre, murs d'ardoise, 1983.
- Auguste Couder, Roméo et Juliette, 1820.
Bibliographie:
- Trésors de la collection, Daniel Duclaux, Musée-Château de Villevêque, Musées d'Angers, novembre 2010.
- Massin, La lettre et l'image, Gallimard, 1973.
- Laurent Lavaud, L'image, Flammarion, 1999.
- L'art peut-il se passer de commentaire(s)? Colloque Mac Val, 2006.
D'autres fiches CHAARP sur "art et mots" ou sur d'autres thématiques sont consultables sur le site académique et dans les structures culturelles suivantes : Frac des Pays de La Loire, Musée des Beaux-Arts d'Angers, Musée des Beaux-Arts de Nantes, Musée de l'Abbaye Sainte-Croix des Sables d'Olonne. |
aurélie dourmap, chargée de mission Arts plastiques aux musées d'Angers
niveau : tous niveaux
type pédagogique : démarche pédagogique
public visé : enseignant
contexte d'usage : sortie pédagogique
référence aux programmes :
voir le murmure | 31/10/2015 | |
De l'audible au visible ... une leçon d'arts plastiques qui interroge la plasticité du mot. | ||
texte, image, son, espace, visible, lisible | sandra georget - chargée de mission au Frac des pays de la Loire |
éducation artistique et action culturelle - Rectorat de l'Académie de Nantes