Les gardiens qui nous accompagnent nous confient alors à ceux que
nous voyons pour la première fois, les SS, avec leur schlague et
leurs chiens. Et c’est eux qui vont nous prendre en charge. Le
premier groupe de 50 monte dans le premier wagon. Aucune difficulté.
Moi, je fais partie du deuxième groupe. Nous nous présentons,
avec mes camarades, devant le deuxième wagon. Et là, nous commençons
à comprendre ce qu’est le régime concentrationnaire. Et à
grand coups de schlague, les chiens aux mollets, et avec des
hurlements, on nous fait comprendre que ce n’est pas dans le
deuxième wagon que nous devons monter, mais encore dans le
premier. Dans le premier où il n’y a plus de place, où on
s’entasse, dans le premier où les camarades se mettent à
hurler, parce qu’ils étouffent. Il nous faut, à grands coups
de schlague, monter, monter. Et c’est à 100 que nous sommes
tassés, entassés dans ce wagon, et que les portes sont fermées,
plombées. Et si, parfois, on a pitié des animaux qu’on met
dans ces wagons, parce qu’il y a des fenêtres à chaque extrémité
du wagon, pour nous, ces fenêtres sont complètement fermées, à
l’extérieur, par des planches clouées. Si bien qu’au bout de
quelques heures, c’est l’asphyxie", c’est la soif
terrible qui nous empoigne. Alors, des hurlements s’élèvent,
des coups sourds dans les parois du wagon. Ce sont les Allemands
qui nous disent que si nous n’allons pas nous taire, ils vont
tirer à travers les parois. Nous sommes bien obligés de nous
taire. |