Enfin,
au bout du quatrième jour, dans l’aube naissante, le train
s’arrête. Les portes s’ouvrent. Nous sommes dans une petite
gare en bois, au milieu d’une forêt. Là, de nouveaux SS, de
nouveaux chiens nous attendent. Il faut descendre des wagons, mais
descendre plus vite qu’on y est monté. En abandonnant tout ce
qu’on pouvait avoir, tout ce qu’on avait apporté avec soi. Et
il faut sauter, et vite, et descendre les morts, et traîner les
fous, et se reformer par groupes de 50. Et notre convoi s’ébranle,
plus d’un kilomètre de marche, dans des conditions
excessivement pénibles, dans une très large allée, bordée de
magnifiques villas.
Dans le lointain, nous distinguons bientôt des barbelés. Dans le
lointain, on aperçoit des baraquements en planches : c’est le
camp vers lequel nous arrivons. Une grande grille en fer forgé
avec d’énormes lettres d’or au-dessus : "Jedem das
Seine", ce qui voulait dire, "A chacun son dû..."
A tort ou à raison, ici c’est ma patrie. Toi qui entres ici,
perds toute espérance. C’est par cette devise terrible que le
camp de Buchenwald accueillait ceux qui allaient devoir vivre et
mourir derrière ses barbelés. |