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Descartes, Les passions de l'âme - III. Les passions constituent une manière de comprendre l’interaction simultanée de l’âme et du corps.

mis à jour le 14/10/2009


descartes

Ce document est le compte rendu de séances de formation continue consacrées en 2008-2009 à la lecture collégiale des Passions de l'âme de René Descartes.

mots clés : philosophie, la matière, l’esprit, le réel, descartes


Présentation :


Les passions constituent une manière de comprendre l'interaction simultanée de l'âme et du corps.
Descartes cherche à connaître la nature des passions.  Une description psychologique des représentations de la conscience affective et émotionnelle ne suffirait pas à en expliquer le mécanisme et encore moins à fonder l'efficacité de la volonté . Au-delà des phénomènes affectifs c'est la réalité anthropologique, affective, corporelle et spirituelle, qui est en jeu.
 

Remarques introductives :

 
Première remarque introductive :
 
Descartes avait conscience de faire œuvre de novateur en rédigeant le traité des Passions de l'âme. Il n'y a rien de plus proche des hommes que les passions, mais pourtant rien a été dit de décisif à leur propos. En un sens, on peut tenir cette approche pour de la vantardise, mais, en un autre sens, ce que dit Descartes est vrai.
Sa philosophie des passions est une illustration ou une exemplification de sa théorie de l'âme et du corps. Le deuxième versant de la métaphysique est la théorie de l'union, et examiner les passions constitue une manière de comprendre l'interaction simultanée de l'âme et du corps. L'interaction est bien l'action simultanée des deux constituantes ; à partir d'un moment, la distinction s'efface pour laisser place à l'unité, c'est-à-dire l'homme. Autrement dit, la question de l'homme ne peut être séparée d'une distinction entre l'âme et le corps.
Concevoir l'union n'exclut pas de concevoir la distinction : il y a là deux « séquences » ou deux plans d'intelligibilité. Pour autant, on ne se situe pas dans l'« ontologisation » : la démarche cartésienne est plus épistémologique qu'on ne le croit. Par exemple, dans la Préface, Descartes a souhaité considérer les passions en physicien et non en orateur moral. « En physicien » signifie qu'il convient d'étudier les phénomènes par leurs causes sans considérer les passions comme des idées ou des modes d'être. Avant de constituer des modes d'être, les passions sont des phénomènes dont la genèse causale est seule à même d'en rendre raison. Par conséquent, le traité des Passions de l'âme n'est pas un traité de la subjectivité. La subjectivité est découverte après, elle n'est pas un factum premier.
Alquié, dans son édition, remarque le caractère sommaire de la description phénoménale des passions. En effet, ce n'est pas leur signification vécue qui intéresse d'abord Descartes. Ce qui l'intéresse est la façon dont s'y prend la nature pour nous donner des signes de l'utile et du nuisible. Il propose ainsi en quelque sorte la cartographie des mouvements des esprits animaux, dans le but de montrer comment les passions se produisent mécaniquement. Dieu est relativement absent : c'est la nature qui est au premier plan, non comme puissance de création, mais comme puissance instituante (ce thème est hélas peu remarqué).
Quel est le rôle de la nature ? Elle n'est pas un guide, et pas davantage une puissance créatrice. Il s'agit de coder la relation entre deux types de phénomènes différents. Le problème de la nature est de traduire deux langages l'un dans l'autre. La nature, avec peu de moyens, produit : elle est une sorte d'ingénieur qui construirait une machine destinée à fonctionner seule. Il s'agit donc de savoir comment la nature s'y prend (comment elle s'est « branchée » ou « connectée », si l'on peut dire).
Ce qui produit les passions chez l'homme n'a rien d'arbitraire, de variable, ni de mystérieux : cela fonctionne sur une base très simple. Précisément, la première partie du traité des Passions de l'âme dégage toutes les passions primitives, au nombre de six, qui se combinent ensuite à la manière des lettres d'un alphabet (constitué de six lettres). Il n'y a rien de moins subjectif. L'anthropologie matérialiste prendra ensuite appui sur Descartes : un pas de plus, et la conscience devient épiphénomène, mais Descartes ne le franchit pas.
 
Deuxième remarque introductive :
 
Descartes a modifié l'ordre des passions, ce qui est fort important. À grands traits : les théories scolastiques sont centrées sur la priorité de l'amour (dans ses différentes formes : compassion, etc.), dans le sillage du thomisme. Or il existe une différence décisive entre la théorie thomiste et les théories modernes de Hobbes et Spinoza : dans ces dernières, le désir passe au premier plan, et cela change tout dans la représentation de l'homme. Désormais, quand l'homme aime, c'est parce qu'il désire. L'amour est une forme du désir, et pas l'inverse.
L'originalité de Descartes réside dans le fait que, selon lui, c'est l'admiration qui est la plus primitive des passions. Elle est première au sens ordinal ; « première » signifie donc : celle par laquelle il faut commencer. Il n'est pas sûr qu'elle soit la première manifestation de l'incarnation. D'ailleurs, ce n'est même pas envisageable car la première, dans l'embryon, est l'amour. On aime car cela nous plaît : il n'y a pas d'admiration dans le foetus. L'admiration arrive avec l'être qui dit « je » et donc avec une conscience de soi.
Mis à part ceux qui pour des raisons idéologiques empruntent le même chemin, il n'y a pas chez les autres auteurs l'admiration dans la liste des passions (excepté chez Malebranche, qui a cependant du mal à lui donner un sens). Ces autres auteurs lui refusent le statut de passion de l'âme.
 
Troisième remarque introductive :
 
La question que l'on peut se poser est la suivante : pourquoi Descartes considère-t-il l'admiration comme une passion primitive ?
L'admiration ne paraît pas relever de l'ordre de l'affectivité : il est difficile d'en faire un affect en tant que ce qui nous lie à un donné pour des raisons obscures. L'admiration est en effet une passion représentative de son objet. La fonction première de l'admiration est la prise de contact avec un réel extérieur à l'âme. L'admiration est ainsi la première subite surprise de l'âme devant quelque chose qui arrive. Mais en quoi une surprise est-elle un affect ? En quoi n'est-elle pas une conscience de quelque chose de singulier ? Descartes considère l'admiration comme la première des passions primitives or, en philosophie, on parle plutôt d'étonnement (thaumazein, dans le Théétète) en tant que vertu et non comme passion. En faisant de l'admiration la passion primitive, Descartes ferait-il de tout homme un philosophe en herbe, dans l'ordre d'un socle anthropologique ? Ce n'est pas le cas.
L'admiration est une passion cérébrale : elle se produit dans le cerveau via les esprits animaux. Pourquoi l'admiration n'est-elle pas mentionnée lorsqu'on procède à la genèse de l'âme dans le fœtus ? Parce que les pensées de l'âme dans le fœtus sont des pensées directes, mais pas réfléchies. Ces pensées directes sont investies dans leur objet. Elles n'ont pas la mémoire d'elles-mêmes comme pensées.
Art. 53 : « Lorsque la première rencontre de quelque objet nous surprend, et que nous le jugeons être nouveau, ou fort différent de ce que nous connaissions auparavant ou bien de ce que nous supposions qu'il devait être, cela fait que nous l'admirons et en sommes étonnés. Et parce que cela peut arriver avant que nous connaissions aucunement si cet objet nous est convenable ou s'il ne l'est pas, il me semble que l'admiration est la première de toutes les passions. » [fin de citation]
« première » : il ne s'agit pas de quelque chose de plus moteur qu'autre chose (le désir chez Hobbes ou Spinoza), il s'agit de la condition de possibilité du reste. L'âme doit avoir conscience d'un objet en tant qu'objet. L'admiration trace une démarcation entre l'enfant et le tout petit homme qui est un homme dans la mesure où il a conscience d'autre chose que lui-même.
L'admiration n'a pas une place dynamique (liée à la force). Elle est liée à une généalogie des passions qui montre que les passions sont passions de l'âme, en liaison avec une affectation : nous ne percevons les choses qu'au travers des idées ou des pensées. Le chaud, le froid sont contenus par des idées, c'est-à-dire par des représentations. L'âme est une chose qui pense, qui se représente, et « penser » signifie « avoir l'idée de... » Il n'y a pas de transitivité de la pensée dans l'objet. La pensée primitive est liée à un jugement. Le jugement n'est cependant pas prédicatif : il n'y a pas association d'un prédicat à un sujet (liaison analytique), c'est plutôt une synthèse de l'appréhension, c'est un acte synthétique. Avec l'admiration, dans la première appréhension, s'éprouve quelque chose de « nouveau », mais « nouveau » n'est pas un caractère de l'objet. L'admiration est la condition de possibilité épistémologique de tout rapport à autre chose.
Pourquoi est-elle une passion ? Tout d'abord, parce qu'elle est une signification, une information, avant d'être un affect. Elle est une signification vitale, utilitaire, liée à l'intérêt. D'où sa différence d'avec le désir : dans le désir, il y a « mouvement vers », et pas d'abord représentation. Le désir est un comportement moteur. Or, dans l'admiration, je reste « sur place ». Je suis pétrifié : ce n'est donc pas un mouvement. Dans l'admiration, il y a immobilisation de l'âme.
Telle est l'attitude première de l'homme vis-à-vis du réel : se le représenter avant de s'y diriger ou de s'en éloigner, de l'aimer ou de le haïr. Ce « avant » désigne une condition de possibilité : il ne s'agit pas d'un « avant » archéologique. On pourrait émettre ici une objection : l'existence la plus simple ne dément-elle pas l'inférence présumée ? « Je me représente puis j'agis » : n'est-ce pas une reconstruction schématique ? En réalité, il ne s'agit pas plus d'une inférence que dans le cogito, si bien que l'objection peut et doit être démantelée.
M. Guenancia y insiste : la théorie cartésienne des passions est l'application de la philosophie de Descartes. Avec le traité des Passions de l'âme, on ne passe pas à un autre plan. Descartes ne se dit pas du tout : « après la philosophie, l'anthropologie ».
M. Guenancia présente ensuite les grandes lignes du plan de sa conférence :
A. Présentation de l'admiration : 1) la question du « nouveau » ; 2) le statut de ce « nouveau ».
B. Lorsque ce « nouveau » disparaît, l'admiration disparaît-elle pour autant ? Peut-on transférer la technique de la nature à propos de l'admiration sur des choses qui en valent vraiment la peine ? Y a-t-il attribution d'un mérite propre, établi par l'homme, indépendamment du mécanisme de la nature ? Y a-t-il une bonne et ne mauvaise admiration ? [Descartes se pose la question de savoir s'il y a une mauvaise admiration, et il répond de manière assez évasive] L'admiration procède sans règle de l'entendement, ce qui ne pose pas spécialement problème : à rebours de l'admiration, dans telle ou telle situation dangereuse, la nature a par exemple bien fait de me dire de fuir sans syllogisme. Autrement dit, la signification ne passe pas nécessairement par la réflexion et encore moins par le raisonnement : dans un premier temps, j'admire, sans règle pour l'entendement. La deuxième admiration, celle des art. 151 sq., est bonne au sens où elle est sujette à une règle. Dans son régime habituel d'admiration, l'entendement suit une règle. Un critère est présent pour donner son assentiment ou le récuser. Cette règle a rapport à la dignité.
 

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux

type pédagogique :

public visé : non précisé

contexte d'usage :

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