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Quel passé pour quel avenir ? par Pierre BILLOUET

mis à jour le 17/12/2008


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Compte rendu de la conférence prononcée à la Société Nantaise de Philosophie le 7 décembre 2001

mots clés : philosophie, passé, histoire, présent, avenir, conscience, existence, temps, interprétation, billouet


Quel passé pour quel avenir ? par Pierre BILLOUET


      Merci, Pierre Billouet, pour cette méditation dense et instructive sur la destinée humaine.

          Vous distinguez d'emblée deux conceptions des rapports de l'homme à l'avenir : selon les Anciens celui-ci est contenu dans le passé, selon les Modernes l'avenir est ouvert ; cela entraîne deux conceptions différentes de la liberté (entendue comme déploiement de la substance ou bien comme projection futurisante) dans tous les domaines de l'existence humaine, notamment ceux de l'éducation, de la morale et de la politique.

          À partir de là, vous vous mettez en recherche d'un modèle de la personne raisonnable que vous trouvez, par delà les aléas de l'histoire de la pensée, chez Kant qui rend l'action humaine indépendante à l'égard de la surnature et de la nature et donc de l'onto-théologie, ce qui fonde l'autonomie de la réalité humaine.

          Mais vous mettez cette autonomie (« préjugé le plus commun de la culture occidentale » dites-vous) à l'épreuve du structuralisme contemporain qui fait de la décision humaine non pas une origine en soi mais un effet du monde, la révolution criticiste n'étant pas elle-même le fait de la décision de l'homme Kant mais un effet de structure, selon Foucault notamment.

          Mais, nouveau rebondissement, Foucault lui-même en vient à hésiter entre la causalité structurelle et l'arbitraire de la décision, hésitation ou « oscillation » qui serait en fait, plus ou moins explicitement, à l'œuvre chez Kant lui-même.

           Puis vous tâchez d'interpréter une telle oscillation pour ce qui est de la crise de la culture mais aussi de la philosophie contemporaines, marquées par l'ère de la technique, dont le systémisme semble débouter toute prétention de l'homme à la décision libre, la technocratie supplantant et même éradicant toute illusion démocratique et peut-être la techno-éthique toute illusion morale.

          Vous terminez par quelques questions portant pour l'essentiel sur le rapport de la raison pratique technique et de la raison pratique morale (une nouvelle synthèse en est-elle possible ?) et donc sur le statut de la personne humaine, appelant par là même au débat.

Eléments du débat :


      Un des moments forts du propos du conférencier ayant été la distinction entre l'autodétermination empirique et l'autonomie morale, la question est d'abord posée du statut du soi (et donc du sujet) qui se trouve impliqué dans ces deux figures de la liberté. Le conférencier est ainsi amené à repréciser cette distinction capitale pour l'interprétation du criticisme kantien mais aussi pour la conception de la liberté humaine. Dans le cas de l'autodétermination, il s'agit d'un soi qui se détermine pour des mobiles sensibles, particuliers et contingents (comme l'époux qui décide unilatéralement de divorcer), ce qui témoignerait selon Kant (de façon apparemment paradoxale) du libre choix de l'individu qui se décide alors pour le mal et donc de la légitimité qu'il y a à lui imputer la responsabilité de son acte et à l'en punir. C'est dans le cas de l'autonomie proprement morale, qui consiste pour le soi à être déterminé par des motifs rationnels et raisonnables (universels et nécessaires et donc partageables par autrui), que le choix disparaîtrait comme tel puisqu'alors la raison commande absolument, de façon catégorique : déductible de la raison, le choix ne saurait alors revendiquer une libre décision, qui  n'est qu'une illusion. Mais une telle interprétation de l'autonomie se trouve contestée par une seconde question qui demande s'il ne faudrait pas distinguer, dans l'esprit même du criticisme kantien, des maximes de l'autonomie et des maximes de l'hétéronomie, ce qui serait propre à réintroduire le choix arbitraire (libre) d'un sujet qui disposerait de la liberté originaire de se décider pour l'autonomie ou pour l'hétéronomie et donc soit de se déterminer par des motifs de la raison soit d'être déterminé par des mobiles de la sensibilité. Si l'analytique est propre à dissoudre la liberté dans la nature par la voie d'une démarche régressive infinie qui reconduit la décision à ses multiples conditions empiriques, la dialectique met en évidence le fait irréductible car indéductible de la liberté d'une raison qui peut de façon originaire opter pour le discours ou pour la violence, comme y insiste Éric Weil notamment. En objection à un tel décionnisme radical, le conférencier tient qu'une telle interprétation de la liberté comme libre arbitre absolu en ignore les conditions empiriques, qui lui laissent au mieux la possibilité de ne pas faire (ne pas parler, par exemple) mais pas celle de choisir positivement de faire : on ne décide pas de parler, toujours déjà pris que l'on est dans la structure de la langue ou dans la réalité langagière. S'il y a bien quelque décision individuelle, celle-ci n'est jamais originaire et encore moins fondatrice. À ce moment du débat, il est demandé « où est passée l'histoire ? » dans ce propos sans doute urgent quant au statut (empirique ou transcendantal, voire transcendant ?) de la liberté humaine, mais qui devrait aussi se soucier de ses implications mondaines. En réponse, le conférencier rappelle son insistance sur l'emprise du système technicien sur la temporalité historique, emprise qui est telle qu'elle semble bien empêcher de plus en plus de croire qu'une décision humaine puisse être effectivement décisive. Face à un tel systémisme, la question du statut du principe d'autonomie se trouve alors reprise : si l'hétéronomie est bien chronologiquement première (puisque l'homme ne commence pas par savoir et vouloir être ni ce qu'il devient), l'autonomie n'advient-elle pas progressivement selon des conditions sans doute objectives (relevant de la nature et de l'histoire) mais aussi subjectives (essentiellement la capacité ou du moins l'exigence humaine de la référence à des principes universels), comme en témoignent aussi bien la formation de la volonté morale individuelle (jusqu'à l'autonomie personnelle) et la formation de la volonté politique collective (jusqu'à la souveraineté des peuples) ? Cette historicisation du principe d'autonomie qui fait de celle-ci une tâche éthico-politique plutôt qu'un donné empirique ou transcendantal (ou même transcendant) n'est-elle pas propre à permettre l'évitement des deux écueils inverses mais finalement complices du décisionnisme, qui alimente un subjectivisme existentiel ignorant de ses propres conditions et finalement anomique, et du systémisme que nourrit un objectivisme scientiste méconnaissant la spontanéité de la réalité humaine et finalement totalitaire ? À une telle conception et pratique de la réflexion comme méthode philosophique faisant reposer l'autonomisation progressive de la condition humaine sur la référence à une action normée par une discussion tâchant d'universaliser toujours plus ses propres principes, le conférencier rappelle le sens heuristique de son questionnement qui revendique la distinction critique entre les catégories de l'entendement et les catégories de la réflexion, mais aussi et surtout la portée éducative de son souci de la fragilité des choses humaines.

  
Rédacteur : J. GAUBERT
 

Publication :

Le texte révisé de la conférence est paru dans L'Enseignement philosophique, n° 53,6 en juillet 2003.

En savoir plus sur l'auteur :

 
 

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux

type pédagogique :

public visé : non précisé

contexte d'usage : non précisé

référence aux programmes : philosophie, passé, histoire, présent, avenir, conscience, existence, temps, inyterprétation

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