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Classes préparatoires. La fabrique d'une jeunesse dominante. Muriel Darmon

Références de l’ouvrage : Classes préparatoires. La fabrique d'une jeunesse dominante, Muriel Darmon, La Découverte, Paris, 2013.

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Pour décrire et analyser le fonctionnement de l'institution préparatoire et les effets sur les dispositions des élèves, Muriel Darmon s'appuie sur une enquête ethnographique en contribuant ainsi à la compréhension des processus de reproduction de l'ordre social à travers les effets socialisateurs des classes préparatoires.


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Cet ouvrage contribue à l'analyse des processus de socialisation en milieu scolaire. Il met en lumière les méthodes déployées par l'institution préparatoire pour mettre les élèves au travail (partie 1) et leurs effets sur les dispositions des élèves (partie 2). 
 

Contrairement à ce que peut laisser entendre le titre de l'ouvrage (« La fabrique d'une jeunesse dominante »), Muriel Darmon ne se focalise pas ici sur la « fonction sociale » des classes préparatoires, qui serait leur contribution à la reproduction des catégories dominantes (sur laquelle Bourdieu a travaillé dans La noblesse d'Etat), mais plutôt sur leur « fonction technique ». Elle rappelle cependant dès l'introduction que près de 60% des étudiants des classes préparatoires sont issus de milieux supérieurs ou enseignants, lesquels ne représentent que 18% de la population active. 

C'est la « fonction technique » qui est au coeur de l'analyse : comment l'institution préparatoire s'y prend-elle pour mettre au travail une population qui ne coopère pas spontanément ? Et quels sont les effets de la « socialisation préparatoire » sur les habitus des élèves ? Muriel Darmon analyse finement ce qui se passe en classe préparatoire, en tant que lieu de sociogenèse des habitus. Elle décrit la « fabrique » du préparationnaire. Ce faisant, elle contribue à éclairer les processus de reproduction de l'ordre social à travers les effets socialisateurs des classes préparatoires.  
 

L'auteure s'appuie sur un important travail de terrain, qu'elle a mené sur deux années au sein d'un lycée occupant une position intermédiaire dans la hiérarchie des prépas (entre les « grands » lycées parisiens et les « petites » prépas de province). Ont été retenues des classes préparatoires scientifiques (maths sup/spé) et commerciales (« prépa HEC »). 
 

La première partie cherche à décrire le fonctionnement de l'institution préparatoire.

Dans le premier chapitre (Une institution enveloppante : comment mettre une population au travail) Darmon forge le concept spécifique d' « institution enveloppante » pour définir la classe préparatoire. Contrairement aux « institutions totales » décrites par Goffman (l'asile notamment), qui ont une emprise totale sur les individus, l'influence de la classe préparatoire, pour mettre les élèves au travail, est plus subtile. Elle s'exerce en individualisant les élèves plutôt qu'en les traitant de façon homogène. Cette influence se manifeste sans brutalité dans la vie quotidienne des élèves, par le biais des devoirs-maison, des interrogations orales en classe ou en « colles », mais aussi à travers la façon de rendre les devoirs (par ordre croissant de note), etc. A partir de cette description, Muriel Darmon souligne que l'influence de l'institution, sans être violente et coercitive, n'en demeure pas moins extrêmement efficace. La prépa constitue en ce sens un dispositif spécifique de « gouvernance des personnes ».

Le second chapitre (La vie clandestine : « en-dessous », « à côté » et hors de l'institution) poursuit le travail de caractérisation de l'institution préparatoire, en se plaçant du côté des élèves, qui utilisent des marges de manoeuvre pour rendre plus supportables leurs conditions de vie. Sont ainsi décrits les cas des élèves qui cherchent à avoir une vie amoureuse à côté de la vie préparatoire, ceux qui se relâchent, rêvent de partir. Ces formes de résistances attestent finalement de l'emprise de l'institution sur la vie des élèves, dont les moindre faits et gestes sont définis par rapport à la prépa. 
 

La seconde partie questionne les effets de l'institution préparatoire sur les dispositions des élèves.

Le troisième chapitre (Apprendre le temps) se focalise sur l'intériorisation d'un « rapport au temps » indispensable pour réussir en prépa. L'usage du temps, face à l'urgence du travail, doit être rationalisé. Les « temps vides » sont proscrits et les temps purement récréatifs ou bien enrichissants sont autorisés dans la mesure où ils servent indirectement le travail. Ce rapport au temps est celui des classes dominantes, et par conséquent tous les élèves ne sont pas égaux : il existe en prépa des dominants et des dominés temporels. Ces derniers sont le plus souvent issus des catégories populaires.

Dans le quatrième chapitre (Les recettes et la science), Muriel Darmon montre que l'institution socialise les élèves selon deux schèmes : un schème « pragmatique », consistant à apprendre ce qui est utile pour le concours (les recettes) et un schème « élitiste et exigeant » visant à acquérir un ethos disciplinaire (la science). Elle s'intéresse pour se faire aux ratés de la socialisation préparatoire, c'est-à-dire aux élèves pour qui l'une ou l'autre des dispositions l'emporte.

Enfin, le cinquième chapitre (« Faire » scientifique, « faire » commercial) s'intéresse aux variations de la socialisation préparatoire, en s'appuyant sur la comparaison entre les prépas scientifiques et commerciales. Les dernières recrutent davantage dans les milieux supérieurs relativement plus dotés en capital économique que culturel. Le recrutement en prépa scientifique est plus mixte du point de vue des capitaux (économique et culturel). En termes de dispositions, les prépas économiques fabriquent davantage des managers, ouverts sur le monde, à travers une « pédagogie de l'homme total », alors que les prépas scientifiques forment des ingénieurs faisant tendanciellement preuve d'un ascétisme extra-mondain. On a donc ici deux cultures de classes (prépas) qui sont aussi des cultures de classe (sociales).  
 

En définitive, cette enquête ethnographique tord le cou à un certains nombre d'idées-reçues sur la classe préparatoire : ce n'est pas une « institution totale », on n'y met pas sa « vie entre parenthèse », tout le monde n'est pas logé à la même enseigne du stress permanent, il ne s'agit pas d'un intense « bourrage de crâne » et les élèves ne sont pas « coupés du monde professionnel ».


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