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Enfances de classe. Bernard Lahire (dir)

Références de l’ouvrage : Enfances de classe. De l'inégalité parmi les enfants. Sous la direction de Bernard Lahire, Seuil, 2019

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Pour analyser les mécanismes de la reproduction des inégalités, une équipe de 17 sociologues sous la direction de Bernard Lahire a réalisé une enquête de terrain qui permet de mesurer l’importance concrète des capitaux économiques et culturels des parents et de leurs influences sur tous les domaines d’existence façonnant les goûts, les dispositions, mais aussi « l’horizon des possibles » des enfants.


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Enfances de classe, sous la direction de Bernard Lahire, présente les objectifs et résultats d’une enquête de terrain réalisée entre 2014 à 2018, impliquant une équipe de 17 sociologues et menée auprès de 35 enfants âgés de 5 à 6 ans (dont l’ouvrage traite 18 cas détaillés et sélectionnés parmi ces 35), scolarisés en grande section de maternelle et vivant dans différentes villes de France. Ces enfants ont été sélectionnés en fonction de leur position au sein des 3 grandes classes sociales, et au sein même d’entre elles dans les différentes fractions de classes, en fonction des capitaux détenus (économiques / culturels) dans les classes moyennes ou supérieures, ou selon le degré de stabilité / précarité pour les petites classes moyennes et les classes populaires. Il s’agit de proposer une enquête fine des conditions de vie concrète des enfants, ainsi que les processus et acteurs de leur socialisation à partir d’entretiens approfondis menés auprès des parents, d’une personne significative de leur entourage jouant un rôle important dans leurs socialisation (nourrice, grand-parent etc.), de l’enseignant.e d’école maternelle, des observations réalisées à l’école, et enfin sur de petits exercices langagiers proposés aux enfants qui visent à objectiver leur maîtrise de la langue (étendue du vocabulaire, maîtrise de la syntaxe etc.). L’ouvrage est construit en 3 temps :
 

·    il présente d’abord dans l’introduction les enjeux, les modalités de l’étude sociologique menée   ainsi que l’ambition de celle-ci : « donner à voir les inégalités économiques et sociales » et leurs   modalités de reproduction.

·     il présente 18 cas (très détaillés) d’enfants à partir de l’étude sociologique réalisée, et balayant  l’ensemble de l’espace social, des classes populaires précaires, en passant par les classes moyennes aux classes supérieures (pôles économiques ou culturels)

·     enfin, la troisième partie résume les inégalités observées par une approche thématique : la trame spatiale des inégalités, l’inégale maîtrise du temps, le rapport à l’argent, le rapport à l’école et aux normes scolaires, le rapport à l’autorité, les inégalités langagières, les inégalités de loisirs, les inégalités dans les activités physiques et sportives et enfin le rapport au corps (alimentation, vêtements, soins).

 

A travers ces différents cas d’enfants répartis sur l’ensemble de l’espace social, on mesure l’importance concrète des capitaux économiques et culturels des parents et de leurs influences sur tous les domaines d’existence façonnant les goûts, les dispositions, mais aussi « l’horizon des possibles » des enfants : leurs compétences scolaires plus ou moins rentables (lire, écrire, parler mais aussi « bien se comporter » à l’école), avoir ou non un « chez soi » et disposer de son espace et de jouets ou de livres, les loisirs et sorties ou bien les activités physiques et sportives, le rapport au corps, l’alimentation, le choix des vêtements etc. Par exemple, les modes d’exercice de l’autorité parentale ou la promotion d’un esprit critique chez l’enfant varient selon les milieux sociaux et préparent inégalement les enfants à l’intégration des normes scolaires les plus rentables. Ainsi, les enfants des classes populaires, généralement contrôlés par des interventions directes de leurs parents, sont préparés à percevoir l’autorité comme une contrainte extérieure, ce qui les amène à attendre des adultes qu’ils leurs disent ce qu’ils doivent faire (ou ne pas faire). Ils sont souvent perçus comme « trop petits » pour s’autocontrôler ou discuter des règles. Dans les familles des classes moyennes peu dotées en capital culturel, c’est d’abord la volonté de préserver l’innocence enfantine qui domine, ce qui ne participe pas de la construction d’un esprit critique chez l’enfant. Cette volonté de préservation de l’enfance se double souvent d’une certaine mise à distance de la compétition scolaire (au nom là aussi du bien-être de l’enfant), ce qui peut ainsi objectivement reléguer ces enfants de la compétition scolaire lorsque celle-ci s’intensifie. Cela conduit aussi à des effets ambivalents sur les enfants qui peuvent pour certains (en particulier les filles) faire preuve de docilité et discrétion en classe. Ces normes éducatives, à distance des enjeux de compétition et de pouvoir, peuvent aussi déboucher sur des nouvelles manières de faire société (moins compétitive). Dans les familles du pôle culturel des classes moyennes, le mode d’autorité consiste à « faire comprendre » à l’enfant leur propre intérêt à agir selon les règles explicites, et parfois en partie négociées avec eux. C’est aussi dans ces familles que l’on retrouve une familiarisation à une prise de distance critique face à l’autorité (critique des médias par exemple, ou des hommes/femmes politique, filtrage des conseils du médecin, etc.). Enfin, dans les classes supérieures, on retrouve fréquemment une préparation à la compétition dès le plus jeune âge, à travers les loisirs, jeux éducatifs ou bien les activités physiques ou sportives favorisant le dépassement de soi. Ces modes d’autorité et de socialisation à l’esprit critique préparent mieux les enfants des classes moyennes et supérieures à la discipline scolaire, mais ils transmettent aussi des compétences argumentatives et de raisonnement susceptibles de les avantager à l’école en prenant de l’avance, car ces enfants sont déjà considérés à la maison comme assez « grands » pour faire preuve d’autocontrôle et être confrontés à des opinions contradictoires (ainsi qu’à exprimer leur point de vue). L’analyse très fine menée dans l’ouvrage permet aussi de mesurer les écarts entre fractions au sein même des classes sociales selon la nature des capitaux détenus (économiques ou culturels). Par exemple, selon la nature du capital culturel détenu par les parents (plus « littéraire » ou «scientifique ») en fonction du parcours scolaire ou de la trajectoire familiale, l’influence des parents sur les rapports à la culture, aux loisirs etc. peut changer sensiblement d’une famille à l’autre.

 

En conclusion, l’auteur rappelle qu’aucun Homme n’est seul mais est socialement situé dans un réseau complexe de relations et de dispositions et connaissances accumulées à travers l’Histoire. L’augmentation des capacités naturelles par la fabrication d’artefacts ou l’élaboration de savoirs et savoir-faire constitue bien la définition même de l’humanité. Cette culture de l’artefact (que l’on ne retrouve dans aucune autre espèce vivante avec autant d’intensité) constitue aujourd’hui un enjeu de pouvoir permettant aux individus d’augmenter leur réalité : allonger leur durée de vie, améliorer leur quotidien, corriger certains handicaps etc. Toutes les inégalités mises en évidence dans cet ouvrage (scolaires, langagières, résidentielles, vestimentaires, corporelles etc.) touchent, d’une façon ou d’une autre, à la question fondamentale de l’accès aux extensions de soi, à toutes les formes d’augmentation de la réalité ou de son pouvoir sur la réalité. Une partie de la vérité des inégalités de classe réside donc bien là : dans l’inégal accès aux conquêtes civilisationnelles et à tous leurs bienfaits, et coexistent dans nos sociétés des réalités augmentées et des réalités diminuées. Il en va donc en particulier du rôle de l’État, dans les sociétés démocratiques, de réduire ces inégalités et d’augmenter la réalité de ceux qui sont dépourvus de certaines ressources.

Cet ouvrage étant particulièrement dense, deux fiches de lecture sont disponibles au téléchargement :

 Cette fiche rend compte de la démarche méthodologique et des principaux résultats de l'enquête
 Cette fiche intègre des résumés de 10 « cas » parmi les 18 étudiés dans l'ouvrage, résumés qui peuvent être particulièrement utiles pour une exploitation en classe, avec les élèves.

 


 

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