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communiquer pour résister

mis à jour le 21/11/2012


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Présentation du thème du CNRD 2012-2013 et de quelques pistes pour préparer les élèves. (la version pdf de l'article est téléchargeable en bas de la ressource)

mots clés : CNRD, communiquer, résister, histoire, mémoire


Le Concours National de la Résistance et de la Déportation joue un rôle essentiel dans l'Académie de Nantes. Tous les ans, il fait l'objet d'une présentation dans chaque département, sous forme d'une conférence-débat. Les directions académiques, dans les cinq départements des Pays de la Loire, en lien avec l'inspection pédagogique régionale d'histoire-géographie, présentent le thème annuel du concours, les ressources et les modalités pratiques de sa préparation. Ces présentations rencontrent un succès de plus en plus vif au cours des années. Les professeurs, les membres des associations, les élèves, sont nombreux à assister à ces présentations, ce qui facilite le lien intergénérationnel et la recherche de témoins, malheureusement de plus en plus rares, acceptant de se rendre dans les établissements.
Il convient donc de présenter, à nouveau cette année, le thème du concours afin de donner aux professeurs quelques pistes leur permettant de mieux l'appréhender et de préparer leurs élèves dans les meilleures conditions. Aussi le propos développera-t-il les trois points suivants.
Il s'agira d'abord de répondre à une question a priori étonnante, mais finalement essentielle : pourquoi le thème du concours de cette année s'intitule-t-il « communiquer pour résister » ? Pourquoi ce sujet a-t-il été proposé à la réflexion des professeurs et des élèves ?
Dans un deuxième temps, on pourra dès lors présenter rapidement le thème dans ses grandes lignes.
Enfin, on abordera la manière dont les enseignants peuvent procéder avec leurs élèves, de façon concrète, afin de les préparer au concours dans les meilleures conditions, en fonction des sujets collectifs et individuels et en lien avec les nouveaux programmes d'histoire au collège comme au lycée, sans obérer les questions et les problèmes que ces changements peuvent susciter

1- Pourquoi le sujet de cette année s'intitule-t-il « communiquer pour résister » ?

 
Il s'agit donc tout d'abord de présenter le sujet, non pas au sens classique du terme, mais d'en proposer une analyse distanciée et de comprendre les raisons pour lesquelles cet intitulé, à savoir « communiquer pour résister », a été choisi. Car, rien ne va de soi, et c'est donc une sorte de « mise en abyme du sujet », de son intitulé stricto sensu, qui est proposée dans un premier temps à la réflexion.
De prime abord le sujet proposé, « communiquer pour résister », semble simple à comprendre et à appréhender. Pourtant, pourquoi a-t-on choisi le terme « communiquer » alors que celui de « propagande » aurait semblé plus logique a priori ?
En effet, lorsque l'on discute avec des témoins de la Seconde Guerre mondiale, résistants et/ou déportés, on constate parfois que l'intitulé du sujet de cette année n'a pas manqué d'interroger certains d'entre eux, voire de les surprendre ou de les laisser sceptiques... Ceci s'explique aisément. Car, si le terme « communiquer » est ancien dans la langue française, il faut bien dire en revanche que le mot « communiquer » était peu employé durant la Seconde Guerre mondiale, en tout cas au sens où on l'entend dans le cadre du sujet. En effet, on employait bien plus les termes ou expressions « propagande », « transmission ou diffusion de l'information » etc. Un résistant interrogé sur ce point a même affirmé : « pour moi, à l'époque, la communication, c'était les PTT » [1].
En fait, le terme « communiquer » renvoie plutôt à l'époque actuelle. Ne parle-t-on pas effectivement souvent, pour qualifier notre société, de « société de communication » ? Le verbe « communiquer » est d'ailleurs accommodé à toutes les sauces : « savoir communiquer » est devenu une injonction et un impératif social. Les mots « communiquer » et « communication » constituent un reflet de notre société, celle-ci étant de fait marquée par l' « hypercommunication ».

On peut donc s'interroger. Pourquoi avoir choisi le terme « communication », si marqué par le sceau du présent, alors qu'il était peu employé à l'époque ? N'est-ce pas sacrifier au présentisme qui caractérise justement notre époque, comme l'a montré l'historien François Hartog [2] et subordonner, peu ou prou, le passé à la tyrannie du présent, voire de la mode ? N'est-ce pas appréhender le passé exclusivement à l'aune du présent, de sa grille de lecture et d'analyse, ce qui reviendrait de fait à sombrer dans ce qu'il y a de pire pour l'historien, l'anachronisme ?

On le voit, la réflexion portant sur le choix de ce terme, « communiquer », invite à une interrogation quant à l'intitulé du sujet proposé cette année et, plus profondément, questionne non seulement la façon de produire de l'histoire mais aussi de l'enseigner. Car, proposer un sujet d'histoire est tout sauf anodin : tout sujet d'histoire suppose une vision des choses, une subjectivité propre à un ancrage spatial, temporel, social, psychologique et intellectuel. De fait, analyser un sujet d'histoire, c'est inévitablement analyser en creux la façon dont les contemporains interrogent et appréhendent le passé et la façon dont ils transmettent l'enseignement en direction des jeunes esprits et donc des futurs citoyens. A partir de là, c'est aussi avoir la possibilité de déconstruire cet enseignement, c'est-à-dire de le passer au crible de l'analyse avant de le reconstruire et de le proposer à l'intelligibilité de chacun.
Aussi, la question de la réflexion sur le sujet « communiquer pour résister » lors de la Seconde Guerre mondiale est-t-elle révélatrice de nos propres préoccupations actuelles quant au pouvoir de la transmission de l'information et quant à l'obsession de la communication. Le sujet du concours de cette année est donc bien, si l'on peut dire, un sujet d'aujourd'hui, en ce sens qu'il correspond à notre grille de lecture et à notre vision du monde. Pour reprendre la belle formule d'Heinrich Heine, on peut affirmer effectivement que « L'historien est un prophète qui regarde en arrière ». Ceci admis, on ne doit jamais perdre de vue que les hommes du passé ne pensaient pas de la même façon que les contemporains, le pire péché pour l'historien, on l'a dit, étant la transposition sans distance et l'anachronisme. Il s'agit pour celui-ci, tout en n'étant pas dupe de sa propre subjectivité, voire tout en en revendiquant son caractère inévitable, de s'inscrire dans une logique de vérité, le philosophe Paul Ricoeur ayant même parlé de « quête véritative » [3].
Dès lors, quelle conclusion tirer de cette réflexion sur le choix du sujet « communiquer pour résister » ?
On peut dire d'abord qu'il est toujours salutaire pour l'historien de maintenir une distance réflexive le plaçant en spectateur et analyste de ses propres travaux et ce d'autant plus que ceux-ci sont ensuite transmis à un public, et plus encore, à une jeunesse. Réfléchir à l'intitulé d'un sujet d'histoire c'est, par une sorte de mise en abyme, mettre à distance la discipline qui le produit et proposer aussi une réflexion sur nos pratiques, sur la finalité de nos enseignements et la façon dont on transmet l'histoire aux élèves. D'ailleurs, cette préoccupation rejoint celle de nombreux historiens, tels Patrick Garcia et Jean Leduc pour lesquels « l'histoire à enseigner se trouve donc perpétuellement inscrite en tension entre ces trois pôles : les finalités civiques et politiques qui lui sont assignées et qui justifieraient sa présence dans l'enseignement, la volonté de l'arrimer aux évolutions de l'historiographie et les questions posées par sa mise en oeuvre pédagogique » [4].
On peut dire ensuite que cette mise à distance permet d'envisager un jour que l'on puisse écrire une histoire du CNRD. Ce travail a été mis en œuvre, notamment dans le contexte du cinquantenaire du concours [5], quand bien même on ose espérer que celui-ci perdurera encore très longtemps.
On peut enfin donner les deux raisons principales qui ont présidé au choix de ce sujet, « communiquer pour résister » :
1. On a choisi le terme « communiquer » car il est beaucoup plus large que celui de « propagande », finalement assez restrictif, et montre bien les différentes acceptions que l'on doit donner au sujet, dans le contexte d'une Seconde Guerre mondiale qui a connu une fantastique montée en puissance des types et des formes de communication.
2. La thématique de la communication et de l'information au sens large n'avait fait l'objet d'un sujet qu'à une seule reprise dans l'histoire du concours, et ce depuis sa création en 1961. En effet, dans les annales du CNRD, le seul sujet qui soit vraiment proche de celui de cette année date de 1987 et portait sur la presse et la radio. Il s'agissait notamment de prendre conscience que « les progrès de la science et de la technique (...) mettent à la disposition (des sociétés humaines) de puissants moyens de communication qui peuvent servir au meilleur comme au pire » (...). Pour autant, le sujet de cette année est plus large, et c'est bien ici la principale justification de la raison pour laquelle les concepteurs du sujet on choisi le terme « communiquer ».
Dès lors, comment aborder le sujet de cette année ?
 

2. « Communiquer pour résister » (1940-1945). Définition et présentation du sujet.


a. Définir le sujet.

Il s'agit ici de décrypter et de présenter rapidement le sujet, en donnant peu d'exemples factuels, et ce d'autant plus qu'on les trouvera dans l'abondante bibliographie et sitographie à disposition des candidats, ainsi que dans La Lettre de la Fondation de la Résistance (n° 70 de septembre 2012), qui présente de façon très éclairante le thème annuel.
Pour comprendre le sujet, il faut bien entendu en expliciter tous les termes et les mettre en relation. Commençons par celui de « communiquer ». Le mot est ancien. En effet, on le trouve pour la première fois en 1361 chez Nicole Oresme (philosophe, économiste et savant français). Il a alors le sens de « mettre en commun », d' « être en rapport avec », de « participer à quelque chose ». Pourtant si ce mot est ancien, on a vu qu'il était peu employé durant la Seconde Guerre mondiale, au sens en tout cas où on l'entendait dans le cadre de la Résistance. Quels sont maintenant les différentes acceptions du terme « communiquer » ? Communiquer, c'est « concevoir et faire passer, transmettre un message purement informatif ou défendant des valeurs, une idéologie » [6]. L'usage de la préposition « pour » est très clair : il s'agit de montrer que l'on communique dans le but de résister contre l'occupant nazi mais aussi contre le régime de Vichy. Mais il faut aussi lutter ensemble contre l'ennemi puisque dans « communiquer » on trouve bien la racine et l'idée de mettre en « commun ».
Comment désormais définir le terme « résister » ? Résister, c'est se défendre, lutter, repousser. On pense donc ici à la communication dans le cadre du combat contre l'ennemi. Résister, c'est aussi défendre des valeurs intellectuelles et morales : les résistants ont combattu pour des engagements politiques, des valeurs démocratiques et civiques, des convictions religieuses. Ces valeurs ne peuvent exister qu'à travers une communication efficace. La diffusion de ces valeurs constitue de fait un des fondements du sujet de cette année.
Le sujet est donc clair : la communication constitua une condition sine qua non de la résistance. Pour autant, comment communiquer dans le cadre de la résistance ? Une typologie sommaire nous permet de distinguer deux grands types de communication.
Il s'agit d'abord de communiquer pour faire savoir, c'est-à-dire pour faire connaître la résistance, son message et ses valeurs, les raisons de son combat, la nature des ennemis et de leur idéologie et actions destructrices, mais aussi pour susciter des vocations et fédérer. Cette volonté de communiquer suppose alors des modes et des moyens de diffusion :
- Ces derniers relèvent évidemment de l'écrit qu'il s'agisse de l'imprimé et du papier ou de tout autre support (les murs pour les graffitis par exemple). On doit donc s'intéresser aux ouvrages de nature diverse, à la presse clandestine, aux tracts, aux papillons manuscrits ou ronéotés, aux lettres etc. On pense par exemple aux lettres d'adieu, comme celle, déchirante, de Missak Manouchian dans laquelle il annonce sa mort à Mélinée et où il proclame qu'il n'a aucune haine pour le peuple allemand.
- Le rôle de l'image a été primordial. Citons par exemple les photographies, les œuvres d'art (peinture, sculpture) les affiches de propagande (relevant ou non de l'œuvre d'art) etc.
- Il faut enfin évoquer les moyens techniques plus novateurs massivement utilisés durant la période c'est-à-dire la radio, dont le rôle a été absolument fondamental, qu'il s'agisse de la diffusion d'émissions de propagande émanant de la BBC, de chansons, de musique etc. Le cinéma, à travers les actualités et les films de propagande, a constitué un vecteur essentiel de la communication.
Mais, au delà du caractère propagandiste de la communication et d'une volonté de faire savoir, il s'agit aussi de communiquer pour résister et combattre, de communiquer dans le cadre de l'action, c'est-à-dire de résister en communiquant. On doit donc songer à tout ce qui, de prêt ou de loin, concerne le renseignement : les agents de liaison et la diffusion de messages, codés par exemple (cryptographie). A cet égard, le BCRA (Bureau central de renseignements et d'action) a eu un rôle éminent. On doit prendre aussi en compte les avancées de la science et des techniques durant la période, un des exemples emblématiques étant la mise au point du radar [7]. De fait, la communication au sein des mouvements de résistance, entre eux mais aussi avec les États en lutte contre l'Allemagne (pensons surtout à l'Angleterre) est absolument déterminante. On ne doit pas oublier non plus les opérations de désinformation et d'intoxication même si celles-ci ont d'abord et avant tout été menées par les Alliés dans le souci du plus grand secret, comme l'opération Fortitude.
La communication dans le cadre de l'action armée a donc été déterminante.
De fait, ces deux formes de communication, à savoir « communiquer pour faire savoir » et « communiquer pour combattre », supposent des acteurs dont on peut dresser une typologie sommaire :
- On doit citer les intellectuels et les hommes de pensée au sens large, qui se sont engagés dans le combat : des écrivains comme Vercors, alias Jean Bruller, qui fit paraître clandestinement le Silence de la mer en 1942, des poètes comme Paul Éluard, des philosophes comme Simone Weil, morte en Angleterre en 1943, des scientifiques, des journalistes etc.
- Le rôle des hommes politiques, des syndicalistes, des militaires devra être abordé mais il existe aussi des gens plus atypiques, voire inclassables, comme Pierre Dac, dont on connaît l'action à la BBC avec Radio Paris ment, Radio Paris est allemand, même si cette ritournelle a été créée par Jean Oberlé, peintre et journaliste.

Cette typologie doit aussi distinguer les genres : quel fut le rôle des femmes durant cette période ? On pourra s'intéresser, entre autres, à leur rôle fondamental en tant qu'agents de liaison. On peut aussi citer les jeunes, l'action des étrangers (et notamment le rôle de la MOI, main-d'œuvre immigrée).

b. Communiquer, mais pour dire quoi ? Une communication unanime ?


Communiquer, c'est donc résister contre l'ennemi. C'est à la fois diffuser de l'information pour faire savoir et entrer en contact les uns avec les autres dans le contexte de la lutte armée.
Pour autant, il ne faudrait pas avoir une vision univoque et faire comme si cette communication avait été facile entre les résistants eux-mêmes. On sait combien les conflits et les rivalités entre les acteurs de la Résistance ont été nombreux, qu'il s'agisse des relations entre le PCF et le général de Gaulle ou entre Henri Frenay et Jean Moulin. Bref, communiquer pour résister était une réalité mais le sujet ne doit pas masquer les divergences, quand bien même il s'agissait de lutter contre l'ennemi commun.

c. Communiquer certes, mais en direction de qui ?

Les résistants ont communiqué en direction :
- des populations. Il s'agit de gagner la bataille de l'opinion publique, notamment pour faire basculer ceux qui s'accommodent de la présence allemande, selon l'expression de Philippe Burrin [8]. Le terme d' « opinion publique » doit être pris au sens large, et dans sa diversité à la fois : les Français, les étrangers, les peuples colonisés... La communication relève donc largement de la propagande mais elle doit répondre évidemment aussi à celle de l'ennemi. Ainsi, on ne doit pas oublier la contre-propagande, qui occupe par exemple une place essentielle dans l'action du « réseau du musée de l'Homme », avec notamment Boris Vildé et le lancement d'un véritable journal clandestin, justement nommé Résistance, et dont le premier numéro parut le 15 décembre 1940.
- des résistants eux-mêmes et des Alliés, la communication n'étant pas toujours facile d'ailleurs, comme en témoignent les relations houleuses entre de Gaulle et Roosevelt.
- de l'ennemi, qu'il s'agisse de l'Allemagne nazie et de ses Alliés, du régime de Vichy, des collaborateurs et collaborationnistes.

d. Le cadre spatial.


L'espace étudié correspond d'abord au territoire métropolitain, avec la zone occupée et la zone dite libre (non occupée, en tout cas jusqu'en novembre 42). C'est aussi Londres, avec la France libre, les colonies... et le reste du monde.

e. Les principales phases.

Il s'agit de dégager une périodisation de la montée en puissance de la « communication » au cours du conflit. On est passé progressivement d'un amateurisme bien compréhensible et de quelques initiatives isolées à un véritable système de guerre au service de la communication, dont les répercussions ont d'ailleurs été très importantes bien après le conflit, puisque l'on sait que les guerres sont aussi grandes pourvoyeuses de progrès scientifiques et technologiques.
De fait, si la Première Guerre mondiale a connu un saut qualitatif et quantitatif essentiel dans le domaine de la communication, c'est encore plus net pour le second conflit mondial. Aussi peut-on grossièrement dégager 3 phases :
- 1940-1942 : les premières initiatives et l'organisation progressive
- 1942-1943 : le tournant du conflit
- 1944-1945 : la victoire
- Une quatrième phase peut cependant se faire jour, même si elle n'appartient pas stricto sensu au sujet. En effet, se pose la question des conséquences au-delà de la période, puisque le sujet permet aussi d'établir des liens avec des événements postérieurs qui ont montré l'importance de la communication dans la lutte pour la liberté.

Conclusion

La communication apparaît comme un enjeu essentiel de la Seconde Guerre mondiale. Pour vaincre, il fallait aussi gagner la guerre de la communication. Au début du conflit, la domination des Allemands dans ce domaine était insolente, notamment concernant la propagande : Goebbels utilisa systématiquement tous les moyens de communication pour servir la politique et l'idéologie nazie. Puis, progressivement, se fit jour, notamment dans le cadre de l'entrée en guerre des Etats-Unis, la montée en puissance des Alliés et le fait qu'ils purent finalement écraser l'Allemagne nazie sur deux plans : la propagande (avec des films et des documentaires comme « Pourquoi nous combattons », de Frank Capra) et la guerre de la communication au combat (la cryptanalyse d'Enigma fut un succès total). Quid de la Résistance, dans ce contexte ? On le sait, si la communication fut balbutiante au départ, elle s'organisa progressivement et devint un outil incontestable de la victoire.
Cette communication a triomphé aussi parce qu'elle défendait des valeurs, celles de la démocratie. Il s'agit d'un aspect fondamental du sujet et que l'on doit absolument aborder avec les élèves. En effet, en ces temps de relativisme absolu, de confusion des valeurs, de défiance souvent justifiée face au traitement de l'information, mais aussi de remise en cause de la liberté des médias face aux fondamentalismes de tout poil, il faut que l'éducation à la communication et aux medias constitue un axe prioritaire de la politique éducative. Former les jeunes générations dans ce sens constitue un enjeu essentiel, et de fait, le sujet du CNRD de cette année y contribue pleinement. Il doit donner à réfléchir, il doit participer à l'éveil, chez les élèves, du sens critique, de la mise en perspective, à travers l'analyse des images, des sources, de l'indispensable recul devant s'exercer face à l'usage de l'Internet, tout en contribuant à l'éducation à la citoyenneté.
 

3. Comment travailler avec les élèves ?


Les types de sujets, les conditions du concours, les méthodes et les questions que suscitent les nouveaux programmes et les nouvelles épreuves d'examen. Les outils et les ressources.

a. Deux types d'épreuves.

1. Les sujets individuels.

Au collège, ce concours s'adresse uniquement aux élèves de la classe de 3e, bien entendu en lien avec les programmes d'histoire étudiant la Seconde Guerre mondiale. Les élèves composent durant 2 heures sur un sujet type Brevet.
Au lycée, le concours s'adresse à toutes les classes : de la seconde à la terminale (même si on sait que la classe de première est plus concernée avec la Seconde Guerre mondiale au programme). Ce concours s'adresse au lycée général et technologique mais aussi au lycée professionnel. Les élèves composent durant 3 heures.
- Pour le lycée général, est proposé un sujet classique type « composition » mais avec un plan guidé pour ne déstabiliser personne, et ce d'autant plus que ce concours concerne les classes de la seconde à la terminale.
- Le sujet proposé aux élèves de lycée technologique et professionnel correspond à l'étude d'un ensemble documentaire avec des documents et des questions dans une première partie et une synthèse dans une seconde partie.

2. Les sujets collectifs.

L'épreuve collective consiste à présenter un dossier réalisé sur le thème national (le travail collectif peut être alors un mémoire, associé ou non à d'autres supports, ou alors un travail exclusivement audiovisuel : film, documentaire sonore). Ces sujets collectifs s'adressent, encore une fois, aux élèves de 3e uniquement pour le collège et aux élèves de tous les lycées.
Attention cependant à la longueur de la production. Certains documentaires sont beaucoup trop longs. Il ne faudrait pas excéder 45 minutes.

NB : les élèves peuvent s'inscrire et concourir aux deux types d'épreuves : individuelle et collective. L'inscription s'effectue auprès du secrétariat de l'établissement, qui reçoit une liste à compléter, et qui la renvoie à l'inspection académique dans un second temps.

b. Le calendrier.

La date des épreuves est fixée cette année au Vendredi matin 22 mars 2013 : réalisation des devoirs individuels.
Vendredi 29 mars 2013 : arrivée des travaux à la direction académique.

c. Rester réaliste pour être efficace.

La présentation du sujet effectuée ci-dessus a montré ses dimensions multiples. Pour autant, on s'adresse bien entendu à un public d'élèves et il faut donc être réaliste : tout ce qui a été dit précédemment ne pourra pas être abordé avec les élèves !
Ainsi, en 3e, le sujet doit être abordé de façon simple et concrète, en soulignant par exemple le rôle joué par la presse, les tracts, la radio... etc. Pour le lycée, on ira plus loin dans la réflexion et le champ du sujet, tout en appuyant l'analyse sur des exemples précis, en n'obérant pas le champ local.


d. Les questions que suscitent les nouveaux programmes et les nouvelles épreuves d'examen.

Plusieurs questions et difficultés se posent à propos du concours et des nouveaux programmes d'histoire de collège comme de lycée. On ne peut ni ne doit les éluder, tant leur impact sur le CNRD est réel.

Le niveau 3e

Première difficulté


- Les nouveaux programmes ne traitent pas la Seconde Guerre mondiale d'un seul bloc mais l'abordent en deux temps au cours de l'année, et selon une logique chrono-thématique :
- La Seconde Guerre mondiale est d'abord abordée, plutôt en début d'année, dans le cadre de la partie intitulée « Guerres mondiales et régimes totalitaires (1914-1945) ». Le thème 3 doit traiter « le sujet suivant : « La Seconde Guerre Mondiale, une guerre d'anéantissement (1939-1945) ». Il faut montrer que ce conflit est un affrontement aux dimensions planétaires et qu'il s'agit d'une guerre d'anéantissement aux enjeux idéologiques et nationaux. C'est dans ce cadre que « le génocide des Juifs et des Tziganes est perpétrés en Europe ».
De fait, on constate que l'aspect « déportation » du concours est donc vraiment abordé dans cette partie du programme et plutôt dans la première partie de l'année.
Le deuxième temps où la Seconde Guerre mondiale est abordée en 3e correspond à la 4e partie, à savoir, « la vie politique en France ». En effet, le thème 2 s'intitule « effondrement et refondation républicaine » : il s'agit d'étudier successivement la défaite de 1940, le régime de Vichy et la collaboration avec l'Allemagne nazie et de voir qu'en liaison avec la France libre, la Résistance intérieure lutte contre l'occupant et porte les valeurs de la République. Enfin, il s'agit d'aborder la libération de la France et le retour à la République.
On le voit, C'est donc à ce moment du programme que l'on développe le thème de la Résistance, puisque le programme précise que « la Résistance est abordée à travers l'exemple d'un réseau, d'un mouvement ou d'un maquis. Une mise en perspective permet d'expliquer la place de la France libre, ses liens avec la Résistance intérieure et le rôle qu'elle a joué dans son unification ».
Plusieurs questions se posent donc à propos de l'indispensable mise en relation entre le CNRD et le nouveau programme d'histoire en classe de 3e :
- D'abord le problème de l'éclatement des thèmes. On constate que la déportation et la Résistance, sans que le traitement soit totalement étanche, sont plutôt abordées séparément, ce qui ne facilite pas d'emblée la préparation au concours.
- De plus, comme on s'inscrit dans la logique d'une histoire chrono-thématique en 3e, il est hors de question d'éclater les thèmes au risque de dénaturer le programme et de ne pas correspondre aux types de sujets qui seront posés aux élèves pour le DNB. De fait, il ne s'agit pas d'étudier la Résistance ou la Déportation en tant que telles mais bien de traiter « La Seconde Guerre mondiale, guerre d'anéantissement » puis « Effondrement et refondation républicaine (1940-1946) ».

Deuxième difficulté


Si le traitement de la déportation ne pose pas de problème par rapport à la date du concours, puisque ce thème est abordé en début de programme, globalement vers la Toussaint, en revanche il n'en va pas de même pour la Résistance, qui apparaît en fin de programme. On est donc face à une difficulté évidente : le concours se déroulant au mois de mars, la très grande majorité des élèves n'aura donc pas étudié la Résistance.

Troisième difficulté


La nouvelle épreuve d'histoire géographie du DNB et la nécessaire adaptation des sujets individuels.
Dans l'académie de Nantes, il a été décidé de proposer cette année au concours un sujet correspondant à cette épreuve. Les sujets se présenteront de la façon suivante :
- Une 1ere partie intitulée « questions », avec deux temps forts : d'abord une série de 4 questions précises à réponses relativement courtes notées en tout sur 6 points. Puis, une 5e question, plus générale que les précédentes, et demandant de rédiger un développement construit, le nombre de lignes n'étant pas limité. Cette question sera notée sur 6 points.
- Une seconde partie, intitulée travail sur document, notée sur 6 points. Un seul document est soumis à l'analyse des élèves, ces derniers devant répondre à 4 questions maximum.
- Orthographe et présentation : 2 points.
Ce format correspond à une expérience pour cette année, susceptible d'évolution pour l'an prochain, avant d'adopter un format pérenne.

Le lycée

Au lycée, les difficultés sont globalement identiques à celles rencontrées au collège puisque l'étude de la Seconde Guerre mondiale est abordée, en classe de 1ere, en deux temps :
- pour le thème 2, « la guerre au XXe siècle », on doit à nouveau étudier la Seconde Guerre mondiale selon la focale suivante : « guerre d'anéantissement et génocide des Juifs et des Tziganes ».
- Le thème 5, quant à lui intitulé « les Français et la République », doit aborder la question « La République, trois Républiques » et traiter « les combats de la Résistance (contre l'occupant nazi et le régime de Vichy) et la refondation républicaine ».
On voit donc que les élèves, là encore, étudieront la Déportation et la Résistance plutôt séparément et pour cette dernière plutôt en fin d'année, donc globalement après le déroulement des épreuves du concours.
Les mêmes difficultés s'observent donc, tant en collège qu'en lycée, dans le traitement du sujet et de l'étude globalement distincte entre déportation et Résistance.
Un levier cependant apparaît dans le cadre des nouvelles épreuves et de la présence de la composition en 1ere, notamment avec l'épreuve anticipée de 1ere S, même si on sait que l'histoire et la géographie vont être réintroduites, pour tous et obligatoirement, en Terminale.

e. Les outils et les ressources.

- Les brochures. Une brochure est éditée chaque année pour présenter le thème annuel. Remarquablement conçue, elle propose aussi des références bibliographiques, une sitographie, etc. Brochure de la Fondation de la Résistance, qui présente le thème du concours 2012-2013. Brochure « Mémoire vivante » Brochure « les chemins de la Mémoire » émanant du ministère de la Défense etc.
- Le CDI et les bibliothèques : il faut vraiment inciter les élèves à compulser des livres : ils appartiennent désormais à une génération pour laquelle le premier réflexe est souvent Internet et non le livre. Il faut donc inciter les élèves à compulser des ouvrages au CDI.
- Internet : la plus grande prudence s'impose : il convient de prendre garde aux sites pléthoriques et parfois peu sérieux, voire même dangereux pour les élèves. Il ne faut cependant pas hésiter à inciter les élèves à utiliser internet, bien au contraire, et au moins pour deux raisons : on participe au développement de leurs compétences informatiques, par exemple au collège dans le cadre du B2i et de la quatrième compétence du socle commun. On stimule aussi leur esprit critique en montrant qu'il convient de se méfier des sources et que ce n'est pas parce que l'on trouve quelque chose sur Internet que c'est forcément vrai. Il convient de prendre garde aussi au piège du « copier/coller »... Le sujet de cette année invite à faire appel à l'esprit critique des élèves : c'est le moment de mener une réflexion sur le statut de l'image et son caractère subjectif. Une réflexion sur la séduction exercée par les images, les discours et le problème des sources et des données, notamment présentes sur Internet, s'impose. Les élèves croient souvent savoir utiliser Internet alors que leurs connaissances peuvent être faibles dans ce domaine, notamment en ce qui concerne les sources : par exemple, ils ne savent souvent pas faire la différence entre un site institutionnel et un site personnel. Le CNRD peut donc être une bonne occasion d'utiliser Internet, toujours bien entendu en le considérant comme un moyen et non comme une fin en soi. Quelques sites, parmi une liste foisonnante :
  • les sites des associations : Fondation de la France Libre (propose des mises au point très complètes et les liens nombreux, par exemple vers les musées), Fondation de la Résistance, AERI (association pour des études de la Résistance intérieure) etc.
  • les sites des musées : musée de la Résistance nationale qui présente le réseau des musées, à savoir Bourges, Champigny-sur-Marne, Châteaubriant, Givors, Montluçon, Nice, Varennes-Vauzelles
  • le site du Mémorial de Caen.
  • les sites de L'Éducation nationale, avec notamment les sites académiques.
- Le rôle des archives
À travers ces outils évoqués, on constate que l'ancrage local constitue une approche essentielle : les enseignants baseront en grande partie leur travail avec les élèves à partir des témoignages de personnalités de la région. L'ancrage local, qui n'exclut cependant pas, bien entendu, une contextualisation plus générale et un élargissement national, constitue donc une excellente démarche.
 


[1] Remarque de René Joffrès, résistant, membre de la Fondation de la Résistance
[2] HARTOG (François), Régimes d'historicité, présentisme et expériences du temps, Paris, Le Seuil, 2003.
[3] RICOEUR (Paul), La mémoire, l'histoire, l'oubli, Le Seuil, 2000.
[4] GARCIA (Patrick), LEDUC (Jean), « Enseignement de l'histoire en France » p. 138, dans Historiographies. Concepts et débats, tome I, Gallimard, 2010.
[5] Voir le dossier du cinquantenaire du CNRD, avec notamment l'article de Joëlle DUSSEAU. On peut consulter aussi le travail de Denis MAZZUCCHETTI, qui a publié à partir de son mémoire de DEA un article consacré à l'histoire du CNRD dans les cahiers du Centre d'études et d'histoire de la défense n°28, téléchargeable à partir du site du ministère de la Défense et sur le site de la Fondation de la Résistance.
[6] Cercle d'étude de la Déportation et de la Shoah
[7] Voir à cet égard le lien avec le programme de 3e : Thème 1, « Un siècle de transformations scientifiques, technologiques, économiques et sociales ».
[8] BURRIN (Philippe), La France à l'heure allemande 1940-1944, Paris, Le Seuil, 1995.
 
auteur(s) :

Gaël Reuzé, IA-IPR d'Histoire-Géographie

éditeur(s) :

Claudie Ferchaud

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux

type pédagogique : article

public visé : chef d'établissement, enseignant

contexte d'usage :

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histoire-géographie-citoyenneté - Rectorat de l'Académie de Nantes