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livres audio en cours de français

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Une réflexion sur l'usage des livres audio en cours de français.
Des pistes d'exploitation pédagogique et didactique.

Des liens vers des ressources et des sites.


En guise d'introduction : chose vue
Il est midi. Il reste quinze minutes de cours avant la sonnerie. Dans un coin, on a tiré les tabourets sur lesquels sont juchés les vingt-quatre élèves de cette classe de quatrième - il y a quelques absents ce jour-là - et un élève, échoué là après une exclusion de cours et qui prend le train en marche ... Certains ont la tête en l'air, d'autres l'ont dans les mains, quelques-uns s'accoudent à une table, certains s'y adossent, les yeux sont dans le vague, tournés vers un ailleurs invisible ... Que font-ils ? Le silence règne... le silence ? Pas tout à fait, une voix s'élève : une voix posée, qui articule et met le ton, une voix exercée à lire, à dire, une voix de professionnel ...Ce n'est pas celle du professeur. D'où sort-elle ? D'un ordinateur portable, posé au centre du groupe, sur une table. Ce jour-là, les enceintes sont en panne et il faut se contenter du son à peine assez fort de l'ordinateur. C'est ce qui explique cette installation désordonnée et peu orthodoxe. Malgré cette perturbation technique et spatiale, le travail continue et tous écoutent les premières pages du Chien des Baskerville : portrait de Mister Holmes étudiant une canne, arrivée d'un visiteur qui raconte la légende du Chien...
Quant à moi, un peu en retrait, j'observe cette scène qui évoque les veillées d'autrefois au coin du feu en me disant que la magie ne va pas durer, que leur attention va faiblir. Quand certains commencent à remuer ou à s'entre-regarder, je m'approche. Finalement, les quinze minutes passent, la sonnerie retentit et interrompt l'écoute. Les élèves s'emparent de leurs affaires et disparaissent : dans leur agenda, au début du cours, ils avaient noté en râlant qu'il faudrait lire le roman de Conan Doyle, mais en réalité ils ont déjà commencé...

De la lecture magistrale au livre audio
C'est cette anecdote - un vrai moment de bonheur professionnel - qui m'a donné envie de parler des livres audio et de leurs usages. A l'école primaire et maternelle, la lecture par l'enseignant est une pratique très répandue, c'est donc assez naturellement, du moins on peut le penser, que les enseignants du premier degré s'emparent des versions pré-enregistrées pour donner accès à des textes quelque soit le niveau de lecture de leurs élèves. Dans le secondaire, la lecture magistrale reste plus marginale : les élèves savent lire et peuvent - donc doivent ? - accéder au texte directement. Certains continuent cependant de pratiquer l'exercice, surtout au collège, et offrent à leurs élèves leur lecture : temps calme avant de reprendre le travail, ou pour clore un cours, lecture préalable à l'étude... Parfois, la lecture est dévolue à un élève - ce qui nécessite une préparation en amont pour un résultat agréable à l'oreille. La fréquence de l'exercice dépend essentiellement des pratiques d'enseignement mais également de la personnalité de l'enseignant : tout le monde ne se sent pas l'âme de déclamer devant sa classe ! Le recours au livre audio est encore plus marginal : l'enregistrement sonore est souvent réservé à l'étude de la poésie, en particulier pour des poèmes mis en chanson. Pourtant, l'offre ne cesse de se développer et on trouve aujourd'hui de plus en plus de textes du patrimoine littéraire en version audio, sur support CD ou numérique. Par ailleurs, le livre audio offre une plus-value non négligeable par rapport à la lecture magistrale : choix de lecteurs experts, travail de la voix, diversité des mises en scènes sonores, versions lues, racontées, voire jouées, texte original ou adapté, disponibilité dans mais aussi hors la classe... Il existe aussi des formats courts qui peuvent être proposés en lecture cursive (Short-édition.com...) Ce support offre donc de belles pistes à explorer pour l'étude des formes narratives.

D'une différenciation nécessaire à une différenciation choisie...
Pour travailler avec certains élèves, l'utilisation du support audio s'avère parfois nécessaire. Cette différenciation du support va de soi lorsqu'on s'adresse à des élèves non voyants ou malvoyants par exemple. Il existe d'ailleurs des bibliothèques audio spécialement conçues pour répondre aux besoins de ce public. Mais d'autres élèves pour lesquels la lecture est difficile peuvent bénéficier du support audio : élèves analphabètes, allophones, dyslexiques lourds. Dans ces différentes situations, l'enseignant aurait intérêt à privilégier l'accès à l'histoire - et donc à certaines références culturelles - et à libérer les élèves des contraintes liées au déchiffrage pur - à travailler sur un temps autre. En levant partiellement les obstacles, on peut distinguer les compétences qui relèvent de l'interprétation et la compréhension d'un message de celles qui sont directement liées au processus de lecture. Dès lors, il est possible d'utiliser le support audio pour tester la compréhension orale, la compréhension des idées. C'est un exercice souvent pratiqué avec les non-lecteurs : identifier les personnages, être capable de résumer l'action suppose en effet une écoute active mais aussi la construction d'un sens. On peut bien sûr combiner l'écoute et la lecture pour la faciliter. Il est par exemple possible de remplacer la lecture collective du texte étudié par une écoute. Cette écoute peut être faite avant la découverte du texte écrit ou en parallèle selon les objectifs visés. Ainsi m'est-il arrivé de laisser des élèves non-lecteurs ou très petits lecteurs travailler sur les contes en sixième à partir de la version audio tandis que les autres planchaient sur la version écrite (site : iletaitunehistoire.com ; inscription préalable à l'écoute). Rien n'empêche, si on est équipé (lecteurs MP3 ou salle info), que certains élèves, ou groupes d'élèves, travaillent sur le livre audio et d'autres sur le texte pour ensuite confronter et combiner les éléments recueillis de part et d'autre.

Favoriser l'entrée en lecture
Il est évident que l'acte de lecture reste un des enjeux d'apprentissage du cours de français et que l'écoute des livres audio ne sauraient s'y substituer. Mais face à la difficulté, voire l'impossibilité pour certains élèves de lire les œuvres étudiées, on peut légitimement penser qu'ils offrent une alternative aux très petits lecteurs. Certains élèves - parmi les dyslexiques notamment - avouent d'ailleurs que ce sont leurs parents qui leur font la lecture à la maison, tandis que d'autres compensent par des lectures de résumés quand ils n'abandonnent pas tout à fait. Or, que recherche-t-on à travers la lecture et l'étude d'œuvres littéraires ? Il est évident que les enjeux dépassent largement ceux du déchiffrage : constitution d'une culture commune, projection dans la fiction, éveil des émotions, développement de l'imaginaire, élaboration d'hypothèses de lecture, perception des enjeux esthétiques mais aussi philosophiques d'une œuvre, structuration d'un jugement critique... Tout cela n'est pas empêché par les livres audio, au contraire. C'est pourquoi, j'ai pris l'habitude de proposer à mes élèves des écoutes en classe, en particulier pour lancer l'étude d'une œuvre. On sait bien en effet que ce sont souvent les premières pages - ou la première heure de lecture - qui sont décisives pour "accrocher". En réalisant cette entrée en classe et en passant par un support qui ne fait pas obstacle, j'essaie de favoriser ce moment où on entre réellement en lecture. C'est la stratégie que j'ai adoptée avec Le Chien des Baskerville. Quand c'est possible, et nécessaire, je donne même des liens pour pouvoir écouter - au lieu, ou en plus, de lire - les œuvres étudiées en classe ou proposées en lectures cursives ou complémentaires. Ainsi tous les élèves, pour peu qu'ils en aient fait l'effort, sont-ils en mesure de participer aux activités liées à cette étude. Dans le cadre d'une séquence d'écriture longue en quatrième consacrée aux Misérables de Victor Hugo, j'ai demandé aux élèves d'adapter le roman en rédigeant 4 pages du journal intime d'un des personnages. Les objectifs étaient qu'ils s'approprient cette histoire tout en travaillant la notion de point de vue. Ils avaient à organiser eux-mêmes leur travail en gérant temps de lecture et d'écriture. Malgré le choix d'une version abrégée et donc nécessairement "adaptée", certains ont peiné dans cette lecture et par conséquent dans l'activité d'écriture : j'avais proposé un parcours balisé sur Jean Valjean aux petits lecteurs mais j'aurais dû leur offrir aussi la possibilité d'écouter cette histoire, éventuellement dans une version destinée à un jeune public (Les Misérables, d'après l'oeuvre de Victor Hugo, raconté aux enfants par Guy Tréjean, Frémeaux et associés, 2009), afin de ne pas les priver d'une vision d'ensemble du roman.

Percevoir les enjeux d'un texte
Il est rare que la lecture oralisée d'un texte soit un objectif en soi au collège ou au lycée. "Parmi les pratiques culturelles, la lecture des textes littéraires offre à chacun une confrontation avec les idées, les valeurs, les sentiments qui ont marqué la pensée humaine. La médiation de la littérature permet une approche du monde et de soi essentielle dans un parcours de formation. Le lecteur est confronté aux diverses expériences humaines. Il enrichit dans l'espace du texte son expérience vécue et apprend à lire le monde : il participe aux débats moraux, politiques, philosophiques, esthétiques ; il découvre les mythes et les figures héroïques qui sous-tendent nos représentations du monde. Les lectures de textes littéraires, complétées par d'autres formes de lecture et d'étude, tiennent une place importante dans le programme d'enseignement du français parce qu'elles sont le creuset d'une réflexion essentielle sur le monde et sur soi (BO spécial n°2 du 19 février 2009 - Programme de français des baccalauréats professionnels).
Non seulement le livre audio peut permettre d'accéder au sens, et donc favoriser le développement des compétences liées à la pratique de la lecture en dépit des difficultés éventuelles de déchiffrage, mais il peut aussi servir de révélateur pour aider les élèves à en percevoir certains enjeux. Une première approche audio peut permettre par exemple de repérer certaines caractéristiques du texte avant d'en approfondir l'étude. Ainsi l'étude de l'incipit du Voyage au bout de la nuit peut-elle avantageusement débuter par une version audio (Anthologie Céline, extraits lus par Michel Simon, Arletty, Claude Brasseur, Frémeaux et associés, 2003 ; Voyage au bout de la nuit (intégral) lu par Denis Podalydès, Frémeaux et associés, 2003) : le style très particulier de L-F Céline lié à une certaine oralité est ainsi mis en avant. L'écoute peut être guidée par un questionnaire de compréhension ou au contraire laissée libre pour recueillir les impressions personnelles des élèves. Dans un deuxième temps, les élèves sont engagés à chercher dans le texte des éléments susceptibles d'éclairer ou de justifier ces impressions et les hypothèses de lecture qui en ont découlé. Nombreux sont les textes pour lesquels une bonne lecture en dit long sur le sens. Ce n'est pas pour rien que la lecture à voix haute des textes présentés à l'oral de l'EAF de première est un élément d'évaluation. Partir d'une écoute peut donc être une entrée tout à fait pertinente en particulier pour des textes qui présentent une ambiguïté de genre ou de registre, une forme d'ironie, une perturbation des codes de la narration (chronologie, narrateur, point de vue...) et pour lesquels toute lecture implique un parti-pris. Dès lors, c'est même sur ce choix que peut porter la discussion avec les élèves.

Réfléchir à la lecture comme acte d'interprétation
Lire un texte n'est évidemment pas un acte anodin puisqu'il constitue déjà une interprétation. Il est d'ailleurs intéressant d'entendre certains auteurs lire leur propre texte. Cette lecture d'autorité a un caractère particulier puisqu'elle émane de celui même qui a écrit le texte et qui est donc, vraisemblablement, le plus à même de savoir comment lire son texte : un peu comme le dramaturge, metteur en scène et acteur de sa propre pièce. Il est d'ailleurs particulièrement intéressant de noter que, bien avant l'engouement actuel pour les livres audio, Marcel Pagnol avait enregistré et lu lui-même, avec son accent provençal, La Gloire de mon père ou du Château de ma mère (La gloire de mon père et Le Château de ma mère, lus par Marcel Pagnol, Frémeaux et associés, 2004). La version disponible, tirée de ce vieil enregistrement, comporte certains passages - perdus - lus par une autre voix ce qui rompt véritablement l'atmosphère du roman et permet de mesurer l'importance du conteur dans la perception du récit, tout comme les choix relatifs à la mise en scène sonore : accompagnement musical, bruitages, dialogues à plusieurs voix. Toutes choses qui sont rendues possibles par la technique et qui peuvent modifier profondément la perception de l'œuvre. Ainsi, on pourra faire lire les lettres qui composent Les Liaisons dangereuses par un seul acteur ou au contraire faire incarner chaque personnage par une voix afin de rendre plus sensible la polyphonie du texte.

Travailler l'oralisation
Amener les élèves à questionner les choix qui ont présidé à l'enregistrement d'un livre audio, tout comme pour une mise en scène théâtrale, c'est aussi les conduire à interroger leurs propres pratiques : qu'est-ce que je fais, moi, quand je lis, et en particulier quand je lis à voix haute. On a rappelé déjà les attentes concernant la lecture de l'EAF, mais c'est une compétence qui méritait d'être travaillée bien avant et dans d'autres perspectives. J'ai tiré un fil rouge cette année dans mes classes de troisième en leur demandant de mémoriser et dire environ un texte par séquence. L'objectif était qu'il y ait une réelle appropriation et même imprégnation de ces textes, choisis notamment pour leurs caractéristiques formelles et stylistiques. Dans cette perspective, il m'a semblé intéressant de travailler sur les propositions de "grands lecteurs" pour aider les élèves à faire leurs propres choix de diction. L'un des extrait proposé étant l'arrivée à New York de Bardamu dans le Voyage au bout de la nuit, je les ai donc invités à écouter et comparer les lectures de Fabrice Luchini et Denis Podalydès (Denis Podalydès, op cit  - Fabrice Luchini lit Céline, Voyage au bout de la nuit, Médiadisc,1994). Même si je n'ai pas mis à disposition des enregistrements pour tous les textes "récités", cette réflexion s'est prolongée tout au long de l'année à travers d'autres moments d'écoute (textes poétiques dits ou chantés, lectures par des élèves, etc.). Les livres audio s'inscrivent donc naturellement dans le travail de l'oralisation des textes. On pourrait d'ailleurs pousser la logique jusqu'au bout : pourquoi ne pas proposer aux élèves d'adapter un texte bref en livre audio pour le mettre à disposition d'autres élèves ? Et pourquoi pas les faire contribuer en "donnant leur voix" sur des sites tels que littérature audio ? J'avoue qu'il ne s'agit pour moi que d'un projet, mais d'autres l'ont déjà fait ! (créer un livre audio : écrire et enregistrer un récit de chevalerie)

En guise de conclusion : cultiver le plaisir d'écouter des histoires
Les livres audio offrent aujourd'hui une ressource intéressante pour travailler autrement en français. Loin d'être seulement un pis-aller ou une béquille pour les non-lecteurs, la version audio d'un récit permet de travailler efficacement les enjeux de sens d'un texte et d'interroger l'acte même de lecture. Varier les supports, c'est offrir à nos élèves davantage d'occasions d'entrer en littérature. En définitive, les livres audio renouent selon moi avec la tradition très ancienne du conteur et de l'aède. Il fut un temps en effet où il n'était d'histoires que dites, portées par une voix qui savait capter l'attention, où c'était le conteur qui donnait corps au récit. Pourquoi se priver de cet héritage, réinventé grâce aux technologies modernes ? D'autant qu'il n'est souvent qu'un pas du plaisir d'écouter des histoires au plaisir de les lire soi-même...ou de les écrire !

Liens
Sur la question des livres audio :
http://www.audiolib.fr/questions-frequentes

De nombreuses ressources accessibles en suivant ce lien :
http://litteratures.sonores.free.fr/general.htm

Certains site proposent de nombreux titres à l'achat :
Audible.fr ou Bookdoreille.com

Certains sites sont gratuits :
Littératureaudio.com


 

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