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théorème vivant

VILLANI Cédric, Théorème vivant, Grasset, 2012


Théorème vivantVoici un livre dont l'ensemble des médias s'est beaucoup fait l'écho durant l'été et ce début d'automne 2012. Et pour cause !

Les étagères des librairies dédiées aux mathématiques foisonnent de précis de cours ou d'exercices du secondaire et du supérieur, de livres d'histoire des mathématiques, d'énigmes, de jeux de logique, d'essais de vulgarisation, et même, plus récemment, de romans. Mais la publication par une maison d'édition généraliste d'un ouvrage si pointu, qu'au plus quelques dizaines de personnes dans le monde peuvent s'approprier dans son intégralité, est à l'évidence un événement inédit.

Aux antipodes d'un ouvrage de vulgarisation, le Théorème vivant de Cédric Villani est le récit de la genèse d'une avancée mathématique majeure portant sur l'amortissement Landau et l'équation de Boltzmann, qui a valu à son auteur la dernière médaille Fields*, plus haute distinction du monde des mathématiques.
De mars 2008, depuis son bureau de l'Ecole Normale Supérieure de Lyon, au 19 août 2010 à Hyderabad où il reçoit cette fameuse médaille, Cédric Villani nous emmène dans ses valises, au gré de ses travaux et de ses conférences. Nous le suivons de Kyoto à Princeton, de New York à Budapest en passant par Paris...

Même si le propos est centré sur l'élaboration du théorème, ce livre, conçu comme un carnet de bord, nous fait partager bien davantage : le quotidien de la vie d'un mathématicien exceptionnel.

Cédric Villani nous transmet sa passion, ses doutes, évoque sa famille, essentielle à son équilibre, se lance dans une description détaillée de ses goûts musicaux éclectiques...

A l'issue de cette lecture, plusieurs idées fortes émergent.

-    Les mathématiques posent des questions difficiles. La complexité des démonstrations qui émaillent ce récit se chargera de convaincre les derniers sceptiques. Pourquoi l'auteur a-t-il pris le parti de livrer de manière brute (et qui peut sembler brutale) les concepts mathématiques qui occupent sa pensée, sans faire d'effort pédagogique pour donner au lecteur des clés pour les comprendre ? Cédric Villani s'en est expliqué lui-même lors d'une conférence donnée à Toulouse le 11 octobre 2012. Suivant la même logique qu'Henri Poincaré, son illustre aîné, dont il dirige l'Institut**, il considère que cet effort pédagogique à destination du grand public serait doublement inefficace : extrêmement chronophage et d'une portée très limitée (avec quelques centaines de pages d'explications supplémentaires, le lecteur lambda n'en n'aurait pas compris davantage), il divertirait surtout le lecteur du propos central qui réside dans le corps du texte et non dans les démonstrations.

-    Le processus de recherche n'est pas linéaire, il passe par des phases de travail conscientes, difficiles : il faut faire beaucoup d'essais, se tromper, recommencer... et par des phases inconscientes où le cerveau fait son œuvre magique : offrir l'indice qui donnera la solution à un problème qui la veille, résistait vaillamment.

-    Sans créativité, impossible d'être performant. Henri Poincaré disait « C'est avec la logique que nous prouvons et avec l'intuition que nous trouvons. ». D'un point de vue pédagogique, même si nos élèves et étudiants ne se lanceront pas nécessairement dans la recherche, on comprend l'importance des problèmes ouverts ou des tâches complexes dans l'apprentissage des mathématiques. L'intuition n'est pas du seul registre de l'inné. La pluralité des connaissances accumulées, les types de raisonnements effectués, sont autant de sources d'inspiration pour le mathématicien en quête d'une démonstration.

-    On se représente souvent un chercheur en mathématiques comme une personne isolée, passant de longues heures à noircir des centaines de pages blanches. Ces moments sont effectivement nécessaires, mais une telle image serait bien réductrice... Cédric Villani nous montre en effet l'importance des rencontres et des collaborations dans l'avènement d'un résultat décisif, au premier rang desquelles il convient de citer Clément Mouhot, jeune chercheur talentueux dont il a dirigé la thèse en 2004. Les courriels échangés (peu accessibles soyons honnêtes), tantôt enflammés, tantôt dépités, nous font percevoir l'excitation liée à la recherche, les doutes qui s'installent après plusieurs tentatives infructueuses, le moral renaissant grâce à une idée lumineuse... Mais l'auteur dresse aussi le portrait admiratif de ses rencontres avec les plus grands mathématiciens et physiciens contemporains qui ont contribué, dans une certaine mesure, à sa propre réussite.

Pour conclure sur une note humoristique, les lecteurs se sentiront rassurés par le fait que même le détenteur d'une médaille Fields n'est pas omniscient. A propos du problème de Syracuse***, non encore résolu, Cédric Villani confie page 186 : « Ce n'est certes pas moi qui essaierai : outre que cela semble d'une difficulté phénoménale, ce n'est pas ma tournure d'esprit ; mon cerveau n'est pas entraîné à réfléchir à ce type de problèmes »...




* Médaille Fields

Plus haute distinction dans le monde des mathématiques, la Médaille Fields est décernée tous les quatre ans à 4 chercheurs au plus, âgés nécessairement de moins de 40 ans au 1er  janvier de l'année de remise du prix. Cette contrainte d'âge explique que le mathématicien britannique Andrew Wiles, malgré sa démonstration du « Grand théorème de Fermat », ait dû « se contenter » d'une plaque d'argent remise en 1998 au congrès international des mathématiciens. Depuis 1936, 50 médailles Fields ont été accordées, dont 11 à des mathématiciens français, ce qui place la France en deuxième position du palmarès des nations après les Etats-Unis (12 médailles).

** L'IHP

« L'Institut Henri Poincaré (IHP), créé en 1928, est l'une des plus anciennes et des plus dynamiques structures internationales dédiées aux mathématiques et à la physique théorique. Il est situé sur le Campus Pierre et Marie Curie, dans le cinquième arrondissement parisien : un lieu chargé d'histoire qui est également associé aux premiers pas de la physique atomique, à la découverte de la radioactivité et à la naissance du CNRS. ». C'est la présentation lisible sur le site officiel de l'IHP dont Cédric Villani a pris la direction en 2009 : http://www.ihp.fr/

*** Le problème de Syracuse

Le problème de Syracuse est l'une des énigmes non résolues les plus célèbres de tous les temps. Prenez un nombre entier naturel N. S'il est pair, divisez-le par 2, s'il est impair, multipliez-le par 3 et ajoutez 1. Et réitérez le processus.
En partant par exemple de N = 50, on obtient successivement : 50, 25, 76, 38, 19, 58, 29, 88, 44, 22, 11, 34, 17, 52, 26, 13, 40, 20, 10, 5, 16, 8, 4, 2, 1, 4, 2, 1, 4, 2, 1, ...
Chaque fois dans l'histoire que ce calcul a été réalisé, on a abouti immanquablement au cycle 4, 2, 1. Cela signifie-t-il qu'il en soit toujours ainsi ? A ce stade, ce n'est qu'une conjecture. Celui ou celle qui parviendra à l'infirmer ou à la confirmer sera probablement un excellent candidat pour la médaille Fields... à condition qu'il ait moins de 40 ans...

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