Contenu

arts plastiques - InSitu

Recherche simple Vous recherchez ...

espace pédagogique > disciplines du second degré > arts plastiques > enseignement

le projet de l'élève en arts plastiques, du choix à l'initiative (Patrick Ducler)

mis à jour le 15/06/2000


texte_article_bleu_2.jpg

Le projet de l'élève fonde depuis son origine l'enseignement des arts plastiques. Il est une des cinq clefs fondamentales du programme de troisième.

mots clés : projet, autonomie, libre-choix, didactique


article publié dans les Cahiers EPS de l'Académie de Nantes n° 22, juin 2000
 

La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. Elle n'est jamais immédiate et pleine. Les révélations du réel sont toujours récurrentes. Le réel n'est jamais "ce qu'on pourrait croire" mais il est toujours ce qu'on aurait dû penser. La pensée empirique est claire, après coup, quand l'appareil des raisons a été mis au point. En revenant sur un passé d'erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel. En fait, on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même, fait obstacle à la spiritualisation.

Gaston Bachelard, La formation de l'esprit scientifique

 

projet(s)

 

Le projet de l'élève fonde depuis son origine l'enseignement des arts plastiques. Il est une des cinq clefs fondamentales du programme de troisième (1998) :

2 - Le projet de l'élève

Au cours des années précédentes, le souci pédagogique de se centrer sur l'élève par des situations ouvertes, au sein desquelles il effectue des choix, est de nature à permettre en classe de 3ème de passer des choix à l'initiative.

La notion de projet apparaît dès lors qu'il y a démarche personnelle de l'élève dans l'intention de réaliser.

Le projet de l'élève est à comprendre dans ses formes même les plus modestes, au sein de l'enseignement usuel et en situation de cours ordinaire. Il est à comprendre aussi dans des formes plus ambitieuses, ceci à la mesure des classes et des élèves.

Seul ou associé à d'autres, l'élève se donne les moyens d'agir afin de concrétiser ses intentions. Toute réalisation, aboutie ou non, doit être l'occasion de mettre en évidence, entre intention et réalisation, le processus mis en jeu. Ce qui importe, c'est que l'élève développe une démarche dont il prend conscience lors de la verbalisation au moment de l'évaluation. En deçà de l'apparence, c'est faire apprendre à l'élève la complexité et la diversité des processus de création.

La notion de projet de l'élève suppose des modalités d'enseignement variables, qui vont du choix à l'initiative. Elle concerne l'ensemble du cursus scolaire, collège et lycée.
 

proposition

Nous souhaiterions illustrer par un exemple  ce que peut être une forme modeste de projet d'élève (faire des choix) dans le cadre d'un enseignement usuel, ici celui d'un cours en proposition. Il s'agit, pour l'enseignant, de travailler (et faire travailler) une partie du programme de troisième portant sur la sensibilisation à l'architecture. A partir d'une simple incitation (abri), chaque élève fabrique une réponse (document page ci-contre) pour laquelle il dispose d'une réelle liberté de choix mais doit "composer" avec les contraintes déterminées par l'enseignant (quelques précisions indispensables concernant les conditions de travail, temps, matériaux et instruments, modalités de présentation, etc.) Notons au passage la radicale distinction entre le jeu avec les contraintes -qui offrent une résistance, forment un obstacle à surpasser- et le trop fameux "respect des consignes" qui guide vers la solution. A l'issue de l'effectuation,  les travaux sont présentés et commentés collectivement. Pour dire tout ce que cette simple notion d'abri enserre, on se fonde sur ce qui a été réalisé : on relève les modalités de production puis on confronte ces images d'abri (les souvenirs enfantins de la cabane, du nid, de l'enclos, du berceau) à celles de la poésie puis au réel et au social (la maison, l'immeuble, les favelas, les sans-abri). On confronte après coup la production de la classe à des références artistiques, architecturales, sociologiques. Une telle situation, exploratoire, laisse à chaque élève une marge de réussite (il n'est pas attendu de fabrication type et les connaissances culturelles, si elles ne nuisent pas, ne sont pas un préalable). Le cours d'arts plastiques permet ainsi que se construisent des connaissances et que se fondent de nouveaux repères collectifs et individuels en évitant un double écueil, celui de la technique (seuls réussiraient les élèves habiles) et celui de l'élitisme (seuls réussiraient les bons élèves ayant de solides bases scolaires en général et en art en particulier).
 

initiatives

Pour ce qui relève des formes plus ambitieuses (prendre des initiatives), nous aurons recours à une explicitation plus discursive, un seul exemple ne pouvant satisfaire la démonstration. Nous  commencerons par un bref rappel historique.

 

Au cours des années Soixante-dix, l'hétérogénéité des classes se développait au Collège. Elle était une des conséquences directes des réformes visant une meilleure démocratisation de l'enseignement (création du Collège unique) et d'un accroissement massif de la population scolaire.

 

Pour faire face à cette nouvelle réalité, les disciplines inventaient (réinventaient) le travail indépendant, le travail in­dividualisé et le travail autonome. Le contexte général suffisait à justifier une recherche en ce domaine pour les Arts plastiques. Mais depuis plus d'une décennie, la discipline développait une forme originale d'enseignement: le cours en proposition (Abri s'inscrit dans cette famille de cours) qui avait débouché sur l'invention de la situation d'autonomie qui octroyait aux élèves de plus grandes initiatives.

Cette recherche s'articulait autour de trois concept-clefs qui gardent aujourd'hui toute leur pertinence :  situation d'autonomielibre choix et projet.
 

libre-choix

Le libre-choix signifie que chaque élève peut déterminer son travail, l'organiser, gérer le temps, l'espace, les moyens, les matériaux, les outils et instruments, travailler seul ou en équipe. Il ne s'agit pas ici d'un coup ponctuel mais d'un engagement radical, proposé pour une longue durée, souvent l'année entière. Proposer le libre-choix est ce qui fonde la Situation d'autonomie. Il ne faut pas s'y tromper, cela n'a rien de commun avec ce qui était dit travail autonome ou lorsque des élèves vont seuls consulter un dictionnaire ou faire une recherche au CDI ou sur Internet pendant un cours, ni avec le dossier préparé chez soi, ni avec le classique dessin libre des anciens cours de dessin... Avec le libre-choix des activités par les élèves, c'est une structure éducative nouvelle qui se met en place : la Situation d'autonomie.
 

situation d'autonomie

L'enseignant ne fait plus cours (au sens usuel du terme). S'il est celui qui connaît, qui propose et qui gère cette forme nouvelle d'enseignement, il n'est plus celui qui décide de tout, organise tout, découpe tout, celui qui gère seul les te­nants et les aboutissants de l'acte éducatif. S'il reste évidemment celui qui, pour l'essentiel, maîtrise les savoirs de la discipline, il n'est plus seul à les distribuer. L'enseignant se décentre, chaque élève, à travers son projet, est à tout moment au centre de la situation. Entre les élèves, et par la présence simultanée dans une même classe de différents projets, se tisse un ré­seau dense de faits, de relations qui démultiplient l'action de l'enseignant  et où circulent des données qu'il n'est plus seul à introduire.

 

L'élève est ainsi appelé à prendre des décisions, à commencer par celle de travailler dans ce dispositif (après quelque temps d'essai, les élèves ont à se déterminer et peuvent aussi bien refuser cette proposition de l'enseignant), puis celle de choisir la nature de son travail. Il a de réelles responsabili­tés. Situation parce que rien n'est donné d'avance, que l'autonomie ne se décrète pas, qu'il ne suffit pas de la nommer (l'autonomie)  pour qu'elle devienne un état de fait : elle est à construire ; situation indique bien que l'autonomie est un objectif.

La construction est double : il s'agit aussi bien de  constituer un réseau de relations humaines (avec ses lois, ses contraintes et la marge des libertés individuelles possibles) qui tienne compte de l'inscription de ce cours dans le dispositif d'ensemble qu'est l'institution scolaire et de se constituer un réseau de connaissances avec le champ artistique,  - et ainsi de le définir (ou plus exactement de le redéfinir, les élèves n'étant pas sans connaissances avant leur arrivée en arts plastiques et leur travail en situation d'autonomie).
 

projet

Par le libre-choix des activités, surgissent dans la classe des pratiques qui sont celles des élèves, faites de ce que sont leurs connaissances en Arts plastiques, leurs représentations, leur culture personnelle et familiale, leurs habitus. Ainsi, une grande peinture côtoie-t-elle un coloriage ; une archi­tecture, une construction en épingles à linge ; une installation, un fil tendu, une vidéo des sculptures en Siporex.  La Situation d'autonomie permet véritablement de travailler sur les représentations de chacun. Pro­gressivement, le travail patient de l'enseignement, la dynamique de la classe, l'engagement des élèves, les projets ambitieux se multiplient, les architectures, les sculp­tures, les installations, les peintures, etc. prennent le pas sur les activités plus enfantines, les travaux plus scolaires et les bricolages, sans qu'il faille pour autant les éradiquer : de ces petits bricolages naissent quelquefois les inventions les plus intéres­santes, les plus poétiques. Par son projet - présenté à l'enseignant -  l'élève apprend à anticiper, à prévoir, sans pour autant négliger l'expéri­mentation et l'aventure : le projet est une recherche dynamique, non une exécution. Chacun  doit pouvoir y affirmer sa singularité s'il lui est donnée d'émerger.
 

un avenir pour la situation d'autonomie ?

Le cours en situation d'autonomie est une pratique pédagogique engageante et exigeante. Chacun donne de sa personne, l'enseignant et les élèves ont à trouver leurs marques, à construire de nouvelles formes d'intervention, de collaboration et de vie commune. La Situation d'autonomie est une sérieuse école de la socialisation et du civisme.

 

La Situation d'autonomie permet également de mettre les élèves en relation forte avec les pratiques les plus actuelles de l'art, et cela ne suppose pas pour autant l'abandon de pratiques et de savoirs anciens.

 

Après plus de vingt années d'existence et de recherches, la Situation d'autonomie demeure, pour les Arts plastiques, une forme de cours novatrice. Il convient cependant d'être attentif : elle exige un niveau d'engagement tel que sa généralisation en collège n'est pas à l'ordre du jour. Elle est réservée aux enseignants les plus expérimentés et convient particulièrement aux possibilités des ateliers de pratique artistique. En lycée, cette pédagogie de projet traverse l'ensemble de l'enseignement des arts plastiques. Un très récent rapport de l'IGEN, qui porte sur la place des enseignements artistiques dans la réussite des élèves précise :

Que les enseignements artistiques n'aient pas le même poids que les mathématiques, les lettres ou l'histoire dans l'évaluation de la réussite scolaire ainsi que dans l'orientation, autorise d'autres modes de relations entre élèves et professeurs (et, lorsqu'il y en a, intervenants) ; cela amène à des pratiques pédagogiques différentes. De même, les finalités et les objectifs des matières artistiques permettent d'autres modes de travail scolaire ainsi que d'autres modes d'évaluation. La dimension artistique, la place accordée au corps et à la pratique, modifient les modes d'enseignement et autorisent une individualisation beaucoup plus grande des apprentissages, une prise en compte plus immédiate des motivations et des projets des élèves, bref des modes de relations aux savoirs et à la vie scolaire qu'on pourrait qualifier d'emblée de "pédagogie de réussite". C'est-à-dire une pédagogie qui n'ayant aucun moyen de pression extérieur à elle-même pour réussir auprès des élèves, se centre sur l'élève, mise sur ses motivations, ses centres d'intérêts, ses acquis, sur ce qu'il est et ce qu'il devient ; une pédagogie qui, passant par la pratique, élargit le champ d'expérience de l'élève et le confronte directement à ce qui s'y produit, une pédagogie qui apportant en quelque sorte une forme de gratuité, s'inscrit dans la vie personnelle de l'élève.
 
auteur(s) :

patrick ducler

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux

type pédagogique : étude de cas

public visé : enseignant, parent, étudiant

contexte d'usage : travail autonome

référence aux programmes :

documents complémentaires

le projet de l'élève en arts plastiques
texte complet au format texte texte complet au format pdf

haut de page

Patrick Ducler est Inspecteur d'académie, Inspecteur pédagogique régional

arts plastiques - InSitu - Rectorat de l'Académie de Nantes