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mis à jour le 10/09/2019
mots clés : 1%, PEAC, parcours
Yves MILLECAMPS Sculpture 1973 |
Les parcours éducatifs ont été mis en place dans le cadre de la loi de la refondation de l’école de la République du 08 juillet 2013. Qu’il s’agisse du PEAC, du parcours Avenir, du parcours Santé ou du parcours Citoyen, chacun d’eux est un ensemble de projets, articulés, cohérents, diversifiés qui est réalisé dans une temporalité longue qui est au moins celle du cycle. Il s’organise selon :
3 temps : Scolaire, périscolaire, extrascolaire
3 principes : continuité, équité, cohérence
3 modalités : enseignements, projets, partenariats
Depuis 2 ans, en accord avec ce cadre général, nous avons tenté avec Mme Assenard-Deslandes, professeure de sciences-physiques, de coordonner un certain nombre d’actions afin de donner du sens et de la cohérence au Parcours d’Éducation Artistique et Culturelle des élèves. J’ai voulu ici restituer dans sa temporalité l’élaboration de ces différentes actions.
« Les parcours éducatifs permettent à chacun, grâce à la diversité des actions proposées, de s’épanouir dans son établissement, dans son environnement, dans son lieu de vie. »
Document Parcours éducatifs de l’académie de Nantes
La mise en place du PEAC prend nécessairement appui sur le projet d’établissement. En l’occurrence, celui du collège Gaston Chaissac s’articule autour de 3 axes :
1. S’ouvrir sur le monde : citoyenneté, ouverture culturelle et internationale
2. Renforcer la communauté de vie du collège
3. Accompagner les élèves et leurs parents de la 6ème à la 3ème
Le collège est un établissement scolaire rural qui accueille des élèves issus d’un milieu social en grande majorité peu favorisé au regard de la culture. Pour bon nombre d’entre-eux, les activités proposées au collège sont le seul contact avec l’art.
De ce constat est né la volonté de développer des projets permettant de diversifier ces contacts, en lien avec un axe fort du projet d’établissement qu’est l’ouverture sur le monde. Nous avions pu mesurer l’impact positif des divers projets artistiques menés depuis plusieurs années sur la motivation des élèves et sur leur curiosité. Des classes à projet en 5ème ont permis de travailler à raison de 2 heures par semaine sur des thèmes comme la lumière, l’image ou encore le masque.
Mais s’ouvrir sur le monde, c’est aussi savoir accueillir. Dans un territoire où les contacts avec la culture ne sont pas toujours aisés pour nos élèves, il est important que les artistes puissent venir à leur rencontre. C’est cette motivation qui a guidé progressivement nos actions.
Parmi les artistes venus à notre rencontre, il y a Gaston Chaissac évidemment : artiste local au rayonnement international, figure éponyme de notre établissement. Mais avant même que le collège ne soit baptisé, l’art y était déjà présent grâce à la politique du 1%, une sculpture en aluminium de 6 mètres de haut réalisée en 1973 par Yves Millecamps.
Le véritable point de départ de ce parcours, le projet inaugural, fut donc un travail réalisé durant l’année scolaire 2015-2016 dans le cadre d’un dispositif académique destiné à valoriser les 1% présents dans les collèges.
Abordé de façon spécifique avec chaque niveau, ce projet a notamment permis aux cinquièmes de questionner un certain nombre d’enjeux liés à la sculpture tout en instaurant l’œuvre de Millecamps comme une référence privilégiée pour les élèves.
Le travail réalisé en début d’année a donné lieu à une exposition lors des Journées du Patrimoine, un « re-vernissage » visant à faire redécouvrir l’œuvre à la communauté éducative. Autour de celle-ci et des productions d’élèves, les échanges informels entre enseignants, élèves et parents, anciens ou actuels, ont été l’occasion de Renforcer la communauté de vie du collège et d’articuler ainsi différents axes du projet d’établissement.
Nous souhaitions cependant aller un peu plus loin que cette première action, assez précoce dans l’année scolaire. Un projet mêlant arts plastiques et sciences-physiques a ainsi été mené avec une classe de 5e avec pour objectif principal de s’interroger sur cet « objet » un peu étrange, à le redécouvrir.
Très vite, nous avons constaté son état de délabrement. L’élaboration d’un carnet de santé de l’œuvre est assez vite devenu une évidence.
les traces du temps - Cycle 4, 5ème | 10/10/2015 | |
Comment rendre compte de l'état d'une oeuvre et mettre en place un suivi ? | ||
patrimoine, suivi, mesure, geste artistique |
À l’issue de cette année scolaire, il était pour nous évident que ce projet « 1 %/Millecamps » devait être prolongé. Autour de cette question du temps, une certaine cohérence est apparue entre les différentes actions, cohérence que nous avons voulu renforcer pour donner du sens à notre PEAC.
Après l’œuvre en train de se « défaire », il nous semblait intéressant d’envisager l’œuvre en train de se « faire ». L’atelier artistique (dispositif proposé par la DAAC en partenariat avec la DRAC et permettant à un artiste plasticien d’intervenir dans la classe) fournit un cadre adéquat pour confronter les élèves à la dynamique d'une démarche artistique. L’atelier a été l’occasion de questionner la notion de projet, de l'idée à la réalisation : prendre en compte la spécificité des matériaux dans une démarche exploratoire, savoir infléchir son projet pour rester attentif à ce qui advient en prenant en compte l’imprévu, le hasard. Ce sont des enjeux importants de la pratique des arts plastiques, et qui sont au cœur des programmes d’arts plastiques, notamment en cycle 4 :
Pour ce faire, nous voulions proposer une temporalité autre que celle des cours : un rythme plus lent, invitant à prendre son temps, laissant une place aux errances, aux bifurcations, à l’approfondissement du projet. Le travail de Bernadette Chéné sur le temps et son expérience d’artiste qu’elle a su partager avec les élèves ont contribué à leur faire prendre conscience de cette temporalité spécifique.
Nous souhaitions également montrer aux élèves les liens qui existent entre démarche artistique et démarche scientifique. Les moments de discussion collective alternant avec des échanges individualisés avaient pour but d’infléchir ou de relancer les projets. Avec le filtre de nos disciplines respectives, nous pouvions orienter les questionnements des élèves.
Des références, qu’elles soient artistiques ou scientifiques, sont venues ponctuer les séances pour enrichir les connaissances des élèves mais aussi pour interroger, relancer, nourrir la pratique.
Une visite au Musée de l’Abbaye de Sainte-Croix aux Sables-d’Olonne a été organisée. Les élèves de l’atelier ainsi que l’ensemble du niveau 6ème ont ainsi pu découvrir, outre les expositions temporaires de Valère Novarina et d’Anita Molinero, les œuvres de Gaston Chaissac.
À l’occasion de l’exposition de l’atelier artistique, un catalogue a été réalisé. Les textes ont été rédigés par les élèves de la classe PEM (Projet d’éducation aux médias) après avoir interviewé les élèves de l’atelier artistique.
La classe PEM, qui associe Histoire-géographie, arts plastiques et documentation, s’est donné comme objectifs de susciter l'envie de s'informer et de transmettre des informations à la communauté éducative, tout en contribuant à la maîtrise du socle commun. Il s’agit surtout de sensibiliser les élèves aux médias et à leur diversité et de leur permettre de prendre un recul critique vis-à-vis des nombreuses informations qu’ils reçoivent chaque jour.
En demandant aux élèves de cette classe PEM de rédiger les textes du catalogue, nous souhaitions qu’ils réinvestissent ce qu’ils avaient découvert au cours de l’année tout en permettant aux cinquièmes de l’atelier de mettre des mots sur leurs productions et sur le cheminement qui avait été le leur durant cette année de projet.
Le collège fêtait durant cette année scolaire 2016-2017 ses 50 ans, ce qui ne manquait pas d’entrer en résonance avec notre questionnement sur le temps. Cet événement nous a permis d’ancrer le travail de l’atelier artistique dans le temps spécifique du collège et de créer des liens avec l’axe 2 du projet d’établissement : Renforcer la communauté de vie du collège.
Le projet « 1 %/Millecamps » qui ouvrait sur tant de pistes que nous n’avions pas eu le temps d’explorer s’est poursuivi de façon tout-à-fait imprévue. Le blog que nous alimentions régulièrement pour rendre compte à la communauté éducative de l’avancée de notre travail a permis à l’artiste d’en prendre connaissance.
Ainsi avons nous pu découvrir un jour dans notre casier une lettre de M. Millecamps.
Après de multiples échanges, les cérémonies des 50 ans du collège nous ont donné l’occasion d’une rencontre physique. L’artiste fut l’invité d’honneur de ce cinquantenaire.
Ce fut un moment fort pour tous, pour les élèves et les enseignants comme pour l’artiste. Notre projet a dépassé le cadre de la classe. Les élèves maintenant répartis dans différentes 4e, ont été à nouveau réunis pour un échange avec l’artiste. Le carnet lui a été remis à cette occasion.
La discussion fut riche. Le thème de la restauration fut bien évidemment abordé par ces élèves comme une suite logique au diagnostique qu’ils avaient effectué pour compléter le carnet de santé. Les remarques furent particulièrement lucides pour des élèves de cet âge :
« Est-ce que ce sera encore votre sculpture si elle est reconstruite totalement ? »
« Aura-t-elle encore autant de valeur si on fait disparaître totalement les traces du temps ? »
« Elle ne nous appartiendra plus vraiment si elle est déplacée à l’entrée du collège, là où nous n’avons pas le droit d’aller pendant les récréations ».
On perçoit bien dans ces remarques que les élèves se sont appropriés totalement cette action du PEAC et qu’elle ne concerne plus uniquement le volet S’ouvrir sur le monde du projet d’établissement mais tout autant Le collège comme communauté de vie. Ainsi se trouve affirmé, par les élève eux-mêmes, le rôle de l’art comme ciment du vivre ensemble.
Mémoire-empreinte-fiction : reconduction de l’atelier
Au cours de l’atelier de cette année, une élève s’est interrogée sur le « retourneur de temps », l’objet qui, dans la saga Harry Potter, permet de remonter le temps. En cette année du cinquantenaire du collège, ce questionnement prend une coloration singulière en nous invitant à considérer le passé, par un regard en arrière non pas nostalgique mais qui permet à tous, adultes et élèves, de s’approprier cette histoire que nous n’avons pas vécue mais qui pourtant nous appartient. Nous avons donc décidé que le projet de l’année prochaine pourrait prendre appui sur l’histoire du collège.
Le projet « 1 % / Millecamps » nous avait déjà conduit à envisager, grâce au bilan de santé de la sculpture effectué par les élèves, le temps écoulé depuis sa création en 1973. Mais il y a bien d’autres modalités de retour sur son
passé. La mythologie, l’étymologie, l’archéologie, l’astronomie… sont autant de moyens différents pour remonter le temps.
Nous avons considéré que la fiction pourrait être un moteur pour des élèves de 5ème et de 4ème. Leur goût pour la narration permettrait de faire se rencontrer les histoires et l’Histoire. La fiction rejoindrait alors le mythe : s’inventer un passé plutôt que le retrouver. Ces préoccupations sont entrées en résonance avec le travail de l’artiste plasticienne Christine Laquet.
Celle-ci doit effectuer une résidence à Rocheservière en Vendée, entre septembre et novembre 2017. Par ailleurs, le FRAC des Pays de la Loire a établi un partenariat avec la structure culturelle de l’Échiquier à Pouzauges (structure avec laquelle nous travaillons régulièrement). Une exposition doit avoir lieu en 2018. Il semblait judicieux de tisser des liens entre ces différents projets pour apporter cohérence et ambition à notre atelier. Des contacts ont été pris en ce sens avec le FRAC pour coordonner nos projets.
Un partenariat s’amorce donc avec le FRAC et l’Échiquier. L’espace d’exposition mobilisé pour les 50 ans du collège va être adapté pour satisfaire aux exigences des uns et des autres afin de constituer une véritable galerie d’art au sein de l’établissement.
Renforcer la continuité du PEAC, c’est aussi l’inscrire dans une temporalité qui excède le cycle. Ce projet d’ouverture d’une galerie, au-delà de permettre à l’art de venir à la rencontre des élèves, vise à développer la liaison avec l’école primaire. Il permettra de faire des collégiens d’aujourd’hui des médiateurs de l’art pour les collégiens de demain.
Dans le cadre du centenaire de 1914-1918, à l’initiative du professeur d’Histoire-géographie, un projet sur les traces de la Grande Guerre à Pouzauges est envisagé pour l’an prochain. Il permettra notamment aux élèves de collecter les traces au sein de leur famille. Ce projet pourra donc croiser un EPI sur l’autobiographie mêlant arts plastiques et français dont une des problématiques pourrait être : en quoi notre histoire familiale participe à la constitution de notre identité ? Il ne s’agit pas pour autant de relier artificiellement ces projets. Parmi les élèves de 3ème qui vont travailler sur ces traces de la guerre, il y a des élèves qui avaient participé au projet « 1 %/Millecamps », sur les traces du temps.
Depuis deux ans maintenant, nous avons conçu nos différents dispositifs, qu’il s’agisse d’actions ponctuelles ou de projets plus ambitieux, comme autant de jalons dont l’élève va pouvoir se saisir pour se construire un parcours personnel. Mais c’est en assurant la cohérence et la continuité de ces jalons que nous avons voulu permettre à l’élève de constituer un parcours qui fait sens et non pas simplement une succession de projets indépendants.
lionel théfany
niveau : tous niveaux
type pédagogique :
public visé : non précisé
contexte d'usage :
référence aux programmes :
arts plastiques - InSitu - Rectorat de l'Académie de Nantes