Contenu

arts plastiques - InSitu

Recherche simple Vous recherchez ...

espace pédagogique > disciplines du second degré > arts plastiques > enseignement > leçons

dénoncer une injustice, défendre une cause

mis à jour le 24/04/2024


vignette.jpeg

L'enseignement des arts plastiques peut - il contribuer au Parcours citoyen des élèves ? Comment impliquer les élèves dans une pratique plastique citoyenne ?

mots clés : art engagé, engagement, citoyenneté, vidéo, parcours citoyen


Document sans nom
Si les programmes d'arts plastiques affirment désormais que « la démarche de projet peut se prêter à un travail à partir de questionnements variés susceptibles d'aborder des questions d'actualité, de société, ou liées à l'environnement », comment relier un engagement citoyen à une pratique artistique ? En quoi l'étude d'un film peut - elle amener à un questionnement amenant à un projet plastique ? Quelle place pour l'enseignement des arts plastiques dans le Parcours citoyen ?

Rafiki, film réalisé par Wanuri Kahiu et sorti au cinéma en 2018 (Prix « Un certain regard » au Festival de Cannes) est le point de départ de ce projet.

Ce film kenyan tourné à Nairobi n'a pas pu être diffusé au Kenya, car il raconte une histoire d'amour entre deux jeunes femmes. Dans ce pays d'Afrique de l'est, les relations amoureuses entre deux personnes du même sexe sont punies par la loi : 14 ans d'emprisonnement (selon l'ILGA, Association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et intersexués), les mariages forcés, les thérapies de conversion et même des « viols correctifs » sont les punitions couramment infligées aux personnes concernées.

Pour autant, le film semble aussi léger qu'une bulle de chewing - gum, selon les intentions de la réalisatrice qui atteste qu'elle n'a pas voulu produire une œuvre engagée, mais simplement raconter une histoire d'amour ; rappelant ainsi que son film ne devrait pas être considéré comme osé, engagé, courageux... parce que la relation de ses deux jeunes femmes devrait apparaître comme ordinaire.

Le film est projeté au cinéma pour tout le niveau de 4e. Il s'agit des dernières séances pédagogiques de l'année scolaire.

Afin de préparer les élèves au visionnage du film et de prévenir les éventuelles réactions homophobes, je consacre une séance avant la séance au cinéma à l'étude de deux extraits qui questionnent l'égalité filles – garçons et les stéréotypes de genre. Les élèves découvrent aussi la bande annonce et le sujet du film.

Deux documents édités par le site Zéro de conduite m'ont servi de supports pour ces séances. Les questions posées permettent de susciter la réflexion des élèves sur la place de la femme dans la société, kenyane en l'occurrence, mais pas seulement ; l'ambition scolaire et professionnelle, les choix de vie, les apparences, les vêtements, ce que les sociétés patriarcales attendent des femmes : procréer, s'occuper du foyer.

N'y a – t – il qu'une seule manière d'être une femme ? permet de questionner les élèves sur les apparences des personnages du film, quand ceux – ci affirment bien souvent que l'une d'elles est un garçon manqué par exemple, ou qu'elle a des activités de garçons parce qu'elle joue au football ou se déplace en skate board. Ces échanges sont essentiels à cet âge, alors que l'on remarque bien souvent des relations difficiles entre eux, des jugements rapides et stéréotypés, normatifs sur l'attitude et l'apparence que chacun devrait avoir. Dans certaines classes où des cas d'intimidation voire de harcèlement ont eu lieu, parler de ces sujets revêt d'autant plus un caractère indispensable.

Suite à la projection au cinéma, une séance est consacrée à la question de l'homophobie à partir de certaines scènes qui peuvent être remontrées. Des cartes réalisées par l'association ILGA servent aussi de support, servent à comprendre le monde dans lequel on vit et permet de rendre compte aux élèves de la situation des personnes dans différents pays.

Différentes questions sont posées au sujet du film, des questions qui permettent d'approfondir la réflexion, au – delà de la fiction : au début du film Kena et Ziki ont - elles le sentiment de faire quelque chose d'interdit ? Comment Kena prend – elle conscience que les homosexuels sont persécutés autour d'elle ? Comment Kena et Ziki sont-elles traitées lorsqu’elles sont surprises ensemble dans leur cachette ? Quelle est la réaction de leurs parents ? L’histoire d’amour de Kena et Ziki résiste-t-elle au rejet dont elles sont l’objet ?

Malgré quelques réticences isolées, au départ, chez quelques élèves, je constate que l'essentiel est atteint : si l'on ne peut intervenir directement sur leur opinion, les moins tolérants comprennent malgré tout la souffrance des personnes exclues et condamnées. Ils sont capables d'un peu plus d'empathie et la loi en France aide à cela : l'homophobie est un délit. Ceci est rappelé en classe.

À l'inverse, pour comprendre les phénomènes de groupes et les violences homophobes au Kenya, par exemple, on explique que la loi n'encourage pas la paix et la tolérance. Les agresseurs ne sont pas condamnés et dans le film, ce sont les deux jeunes femmes qui sont en garde à vue après avoir été agressées. Sans être forcément homophobes, peu de personnes ont le courage de prendre la parole quand la loi va dans un sens qui encourage les discriminations.



 

Document sans nom

Dès la rentrée scolaire suivante, alors que ces élèves arrivent en classe de 3e, on se remémore ce qui a été fait en fin de 4e. L'épreuve orale du DNB est présentée ainsi que les choix de parcours.

Nous poursuivons la séquence consistant à Défendre une cause, dénoncer une injustice et qui s'intègre dans le Parcours citoyen des élèves par une proposition de pratique plastique.

Dans une production vidéo de quelques minutes, en groupes de deux ou trois, les élèves doivent défendre la cause de leur choix et/ou dénoncer l'injustice qui les touche le plus.

Lors d'un échange oral où sont notées directement les suggestions des élèves, nous retrouvons généralement : la xénophobie, l'homophobie, le sexisme, l'antisémitisme, le harcèlement scolaire, le harcèlement sexuel et le cyberharcèlement, les inégalités sociales, l'islamophobie, l'écocide, le gaspillage, la grossophobie, la maltraitance animale, les féminicides, les violences, la guerre...

C'est à partir de l'une de ces causes ou injustices que chaque équipe va imaginer un scénario.

Comment montrer pour dénoncer ou défendre à travers des images en mouvement ?
Comment transmettre un message, une émotion, susciter une réflexion par des images vidéo ? Quels choix mettre en œuvre afin de produire une vidéo dans une intention artistique ?

Un projet comprenant un titre, un synopsis et un story board est demandé aux élèves. Celui-ci atteste du cheminement de la pensée des élèves. La vidéo, résultat du travail mené, est l'aboutissement du projet. L'ensemble est évalué au sein de la même compétence (Mettre en oeuvre un projet artistique).

 

   
  Le projet de Maélis et Solène dénonce la disparition de la biodiversité dans les jardins. Qu'est-ce qu'un "beau jardin" ? Un espace propre et contrôlé ou bien un espace où se réfugie le vivant ?  
     
 

Tout d'abord, il est nécessaire de préciser aux élèves ce qu'est un synopsis. Pas tout à fait un résumé, il présente succictement le propos du film, attise la curiosité, intrigue, pose des questions. Il diffère de la note d'intention que les élèves ont l'habitude de rédiger pour soutenir un projet. Il est une ébauche de scénario.

   
  Le projet de Lily et Rose dénonce la maltraitance animale. L'animal peut-il se subsituer à un objet appartenant à un humain ? L'homme considère-t-il qu'il a tous les droits sur un animal ?  

Quant au titre, qui vient souvent après l'écriture du synopsis, il est intéressant car il apporte intrinsèquement l'intention artistique du projet. En effet, en cherchant à ce qu'il soit mystérieux, en décalage ou poétique, on dévie du projet de reportage ou d'exposé qui peut devenir l'écueil de ce type de proposition.
Ensuite, le projet se précise à travers ce que l'on appelle un story board, qui est un ensemble de dessins ou de croquis servant à visualiser les plans d'une séquence.
Pour les élèves, l'idée de la bande dessinée peut être convoquée afin de comprendre les attendus du story board. Préparer ainsi le travail n'est pas toujours leur réflexe : ils auraient tendance à filmer sans cette étape, quitte à réajuster leurs ambitions après coup.

 

Document sans nom
La principale contrainte précisée aux élèves a été la suivante : qu'ils soient les auteurs de leurs images. En effet, les choix plastiques sont vastes : animation dessinée, animation d'objets ou de matériaux, saynette filmée, images abstraites en mouvement, travail du son, montage de son et d'images fixes... mais les images ne seront pas prélevées sur internet.
Ayant déjà expérimenté le stop motion en classe de 5e, à l'occasion de "Collège au cinéma", les élèves ont compris le fonctionnement de cette technique, qui peut paraître fastidieuse mais qui peut aussi être très modeste. Certains clips et tutoriels de Michel Gondry peuvent être montrés afin d'aider les élèves à s'approprier les aspects techniques du film d'animation.

Voici quelques photogrammes des vidéos réalisées :

Elise et Lia
Sous l'océan dénonce dans une animation en stopmotion la pollution et la prédation de l'homme sur l'environnement à travers la surpèche, les déchets déversés dans les océans, les accidents liés à l'homme comme les fuites d'hydrocarbures.



Lily
Les droits des femmes dans le monde et l'histoire du féminisme sont racontés par la voix off et par des petits papiers montés en stopmotion.



Sacha, Andy et Nathan
Dans ce montage vidéo, il s'agit de la mise en scène d'une cyber arnaque. Les élèves jouent les scènes.


Lisa, Klara et Emeraude
Deux élèves jouent différentes scènes de harcèlement scolaire, la troisième filme. Le manque d'empathie, l'absence de l'intervention de témoins et la répétition des actes sont mis en évidence.



Camille, Salomé et Lara
Dans cette animation en stop motion, deux injustices sont dénoncées : les intimidations et le racisme. L'écart entre le caractère innocent des jouets d'enfants et le désespoir de la cible, qui, a la fin, se donne la mort, interpelle.


Ces productions, parce qu'elles sont préparées et réalisées en classe - tout ou partie - amènent à des verbalisations et à des enseignements qui débordent du cadre des arts plastiques. En cela, le projet s'intègre dans le parcours citoyen des élèves.

 

Document sans nom

En lien avec cette pratique, deux autres œuvres engagées ont été étudiées en cours d'arts plastiques :
- Norman ROCKWELL, The Problem we all live with, 1963
- Klaus LITTMAN, For forest, 2019

D'autres œuvres engagées ont été étudiées en arts plastiques, à l'occasion d'autres séquences, durant l'année de 3e :
- Taysir BATNIJI, No condition is permanent, 2014
- Felix GONZALEZ-TORRES, Untitled (Portrait of Ross in LA), 1991

Ces oeuvres peuvent être des ponts entre les disciplines, engageant parfois les enseignants de langues vivantes : en anglais, les élèves ont analysé l'oeuvre de Norman Rockwell et évoqué le contexte de ségrégation raciale aux Etats-Unis. En cours d'Education Musicale, l'étude de Strange Fruit de Billie Holiday vient appuyer le propos et peut donner une autre piste : nous pouvons notamment évoquer en référence commune l'installation de Barthélémy Toguo, sur cette musique, visible au château des ducs de Bretagne, à Nantes, en 2023 à l'occasion de l'exposition Expression(s) décoloniale(s). En SVT et en français, les élèves ont été sensibilisés à la protection de la biodiversité et à l'avancée du désert du Sahara sur les forêts. En histoire -géographie-EMC, les cartes de l'ILGA peuvent être un support pédagogique questionnant les droits selon les pays, en matière de discriminations liées à l'orientation sexuelle. Différents conflits sont aussi évoqués et recontextualiser l'oeuvre de Taysir Batniji, artiste palestinien ayant intégré l'exil dans sa pratique artistique.
D'autres références peuvent être convoquées, et réactivées à la mémoire des élèves à l'occasion de la Journée mondiale contre l'homophobie, chaque 17 mai, où l'on pourra par exemple étudier une oeuvre et plus généralement l'engagement d'une artiste activiste comme Zanele Muholi. Lors de la semaine d'éducation et d'actions contre le racisme et l'antisémitisme, l'étude de certaines oeuvres de William Kentridge, qui dénonce les crimes de l'Apartheid, est encore une possibilité. Le champ correspondant à ce que l'on considère comme "art engagé" est riche, ce qui nous aidera à relier la culture artistique à toutes les injustices qui touchent notamment les jeunes, qui y sont particulièrement sensibles.


Télécharger le document InSitu sur l'engagement et références artistiques

 

 
auteur(s) :

julie janet

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux, Cycle 4, 4ème, 3ème ODP

type pédagogique : démarche pédagogique, scénario, séquence

public visé : non précisé, enseignant

contexte d'usage : classe, travail autonome

référence aux programmes : La représentation ; images, réalité et fiction
La narration visuelle : mouvement et temporalité suggérés ou réels, dispositif
séquentiel et dimension temporelle, durée, vitesse, rythme, montage, découpage, ellipse.

La conception, la production et la diffusion de l'oeuvre plastique à l'ère
du numérique
: les incidences du
numérique sur la création des images
fixes et animées, sur les pratiques plastiques en deux et en trois dimensions ;
les relations entre intentions artistiques, médiums de la pratique plastique, codes et outils numériques.


haut de page

arts plastiques - InSitu - Rectorat de l'Académie de Nantes