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un paysage dans ma main

mis à jour le 18/04/2023


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Dessiner un paysage avec ses mains et sur ses mains : comment tirer parti des contraintes liées à un support singulier ?

mots clés : paysage, corps, main, dessiner, nature, tatouage


 

Et si la main devenait le support de la pratique des élèves ? En quoi peut-il amener à une réflexion sur la limite entre l'intérieur et l'extérieur ?
Les mains des élèves pourraient-elles contenir le fruit de leurs réflexions ?
La main comme espace sensible, comme lieu de la représentation, le corps acteur et simultanément support d'une pratique éphémère, auraient-ils quelque chose à voir avec notre perception du monde ?
En investissant la surface de leur peau, les élèves vont être amenés ici dans un questionnement sensible du ressenti de chacun face à l'espace, l'environnement, sa place dans le monde.



 

Document sans nom

Il s'agit d'une séquence / séance de deux heures, dans le cadre de la CHAAP (Classe à Horaires Aménagés en Arts Plastiques) mais elle peut s'adapter à deux séances d'une heure en classe ordinaire.
En classe de 6e, les élèves de la CHAAP ont eu l'occasion de questionner la notion de paysage. Pour ce faire, ils ont rencontré, à l'école d'art, les maquettes des artistes Jezy Knez, et imaginé, sur des formats raisin, un paysage urbain composé de papiers colorés découpés en formes géométriques.
En 5e, ils ont expérimenté le volume et la relation au spectateur, notamment à travers la performance. Ils ont aussi questionné le support, la peau, le tatouage et dessinant avec une pointe sèche sur des bananes. En classe au collège, ils ont aussi représenté un paysage urbain dans un livre d'artiste à colorier suite à une visite du centre historique d'Angers.
Ainsi, convoquer la question du paysage et celle de l'espace de leurs mains est apparu comme une suite dans la progression de leurs acquis.

« La nature n'existe pas », selon l'anthropologue Philippe Descola, c’est-à-dire que nous nommons notre environnement en opérant une distinction nette entre les humains et les non-humains. Nous pouvons regretter une position en surplomb des humains vis-à-vis de la nature, qui est alors vue comme une ressource à exploiter. C'est en partant de cette idée que j'ai élaboré une séquence très simple visant à interroger la relation de chacun avec le paysage, l'espace dans lequel nous vivons mais aussi celui qui nous fait rêver.
 

Nous nous assurons que la notion de paysage est compréhensible pour tous : paysage urbain, rural, « naturel », et nous rappelons qu'il s'agit d'un genre pictural qui ne fut pas toujours un sujet principal, longtemps "seulement" décor de la scène représentée. Nous pouvons évoquer la densité des questionnements artistiques liés au paysage, à travers les lieux et les époques. Après la séance explicitée ici, d'autres occasions leur seront données de questionner le paysage, la miniature, le lointain, le corps, l'espace, à travers différentes propositions comme : « Mon rêve / mon secret dans une boite », ou « Un paysage, le plus lointain possible ». Le dispositif du diorama fera ainsi partie des références en termes de paysage avant la fin de l'année de 5e.

Le travail commence directement dans ou sur une main, avec des crayons de maquillage utilisés traditionnellement afin de se grimer pour le carnaval ou autre fête déguisée. Ces crayons sont gras et inoffensifs pour la peau. Ils se nettoient facilement à l'eau et au savon. Je n'avais toutefois pas anticipé que certains élèves hésiteraient, au départ, en expliquant que leurs parents leur interdisaient d'écrire sur leurs mains !


Paolo

Alors que ceux-ci commencent, parfois timidement, à se dessiner sur la peau, nous pouvons rappeler à leur mémoire les paysages en sfumato de Leonard de Vinci, ceux qui changent d'apparence selon les saisons et les heures de la journée, dans les toiles de Claude Monet, ou encore ceux qui inventent de nouvelles dimensions à la perspective rabattue et aux couleurs saturées chez David Hockney.
En montrant des paysages de ce dernier, il est intéressant de mettre en exergue le jeu entre différents formats et différents supports pour la même œuvre. Et ainsi d'apporter une nouvelle contrainte aux élèves : que le paysage se poursuive ou se complète d'une main à l'autre.


Sören

Gaspard

Cette première étape consiste à découvrir les contraintes liées au support et aux outils. Après cette phase d'expérimentation, les élèves se lavent les mains et sont invités à élaborer un projet sur papier. Il est question d'une recherche de profondeur, de cheminement possible.


 
 

Anouk
Barnabé

Dans L'Analyse de la beauté, William Hogarth écrit que dans la représentation d'un paysage, « l'oeil ne doit pas parcourir immédiatement, comme une flèche, toute la longueur dans une direction, mais doit être conduit vers le point principal avec des détours, en musardant ».

En effet, le paysage est un espace construit par une succession de plans, une profondeur suggérée, ou encore des lignes. Alors la réalisation sur les mains peut reprendre.

En restant attentif au rythme des représentations en cours, interrompre la pratique pour que chacun présente son paysage aux autres permet de mettre à jour des trouvailles insoupçonnées ! Comme c'est le cas d'Angèle, qui imagine une invasion d'extraterrestres dans un jardin entourant une maison qui semble au premier abord très conventionnelle. Les extraterrestres ne semblent pas menaçants, ils sont de sympathiques personnages verts. Dessinés sur les doigts de son autre main, ils apparaissent dans son paysage alors qu'elle fait passer sa main derrière la première. Angèle questionne ouvertement les stéréotypes : la maison cube au toit pointu, les bonhommes verts... et se joue d'un univers enfantin lié aux outils et au support de la pratique du jour.

   

Angèle


Durant cette phase de la pratique, vient l'idée aux élèves que le corps comme support est la piste explorée.

Comment tirer parti de ce support particulier, qui, d'ordinaire est ce qui tient l'outil pour créer ? Comment s'emparer de cette surface et de ses sillons, de ses « lignes de vie » et de ses bosses, creux et pores ?
Comment dessiner avec et dessus en même temps ? Faut-il à tout prix vouloir conserver la netteté du trait ? Peut-on dessiner recto-verso ?
Comment garder trace de cette réalisation ? Que peut bien signifier et symboliser le fait de porter un dessin dans ou sur ses mains, un dessin qui sera éphémère et mouvant ?
 

Suzanne
Anouk Shana


Différentes images montrant des œuvres ayant pour support le corps sont distribuées aux élèves. Ils sont en binômes. Ils ont, avec chacune de ces reproductions, un mot ou une expression, un terme spécifique ou une notion à employer dans une phrase ou un court texte décrivant l’œuvre. Chaque binôme s'accorde puis énonce à l'oral son analyse succincte de l’œuvre, en présentant l'image aux autres, celle – ci étant simultanément projetée au tableau.

Pour cette séquence, les références sont :
- Liu Bolin, Hiding in the city n°89, Forbidden City, Série Camouflage, 2010 ;
- Wim Delvoye, Snow white, 2010 ;
- Keith Haring peignant le corps du danseur chorégraphe Bill T. Jones en 1983 ou celui de Grace Jones en 1984, photographié par Robert Mapplethorpe ;
- les photographies de Shirin Neshat ; et
- le dessin d'un chef maori réalisé en 1784 après le premier voyage de James Cook en Nouvelle-Zélande.

Les mots reliés à ces œuvres et qui faciliteront le travail d'analyse des élèves tout en leur apprenant à employer ce vocabulaire, sont les suivants :


Regarder en soi et y voir un espace à cultiver, à protéger, à respecter. Ainsi, tenir un paysage dans le creux de ses mains, ce serait le protéger, le contempler, le retenir afin d'éviter qu'il nous échappe, mais aussi l'offrir aux autres ou le rêver dans une réflexion solitaire. Relier nos gestes et les corps à la « nature », à l'environnement qui sont en même temps autour de nous et en nous pourrait bien amener les élèves à penser à en prendre soin.


Licence Creative Commons
 
auteur(s) :

julie janet

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux, Cycle 4, Collèges tous niveaux

type pédagogique : leçon

public visé : non précisé, enseignant

contexte d'usage : classe

référence aux programmes :

L'oeuvre, l'espace, l'auteur, le spectateur

La relation du corps à la production artistique : l'implication du corps de l'auteur, les effets du geste et de l'instrument, les qualités plastiques et les effets visuels attendus […]; La présence matérielle de l’œuvre dans l'espace, la présentation de l’œuvre : le rapport d'échelle, […] la dimension éphémère […]; L'expérience sensible de l'espace de l’œuvre : les rapports entre l'espace perçu, ressenti et l'espace représenté ou construit […] le point de vue de l'auteur et du spectateur dans ses relations à l'espace, au temps de l’œuvre, à l'inscription de son corps dans la relation à l’œuvre ou dans l’œuvre achevée.

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