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mis à jour le 01/04/2008
mots clés : photographie, image, représentation, corps, espace public
Visite : IUFM des Pays de la Loire, 4 chemin de Launay Violette BP 12227 - 44322 Nantes
Site web de la structure
En juin 1998, Arnaud Théval demande aux personnels qui travaillent dans les bâtiments du site IUFM Launay Violette, à Nantes, d'accomplir en extérieur un parcours stéréotypé : quelques pas dans une direction, puis dans une autre.
Des photographies sont prises à distance, tandis que les marcheurs s'absorbent dans ce qui n'est pas même une tâche ni une performance, mais une fraction de leur gestuelle quotidienne. Toutefois, pour la première fois depuis longtemps, ils sont obligés d'avoir à l'esprit ce qui constitue leur démarche : tel mouvement du bras, tel allongement du pas, telle position du corps. Cet instant devient alors à la fois parfaitement banal - ce qui est demandé ne réclame ni effort ni préparation - et parfaitement exceptionnel, au point que certains des « modèles » s'y refuseront tout d'abord.
Arnaud Théval met en place, à travers cette action, un point de rencontre entre l'extrême banalité du quelconque et l'extrême caractérisation du singulier (cette posture et ces gestes qui sont propres à chacun d'entre nous).
Le traitement de l'image en série (les mêmes corps apparaissent souvent plusieurs fois dans la photographie finale) et la disparition du contexte par l'effacement du fond accentuent encore cette idée d'un suspens entre le différencié (chaque individu est reconnaissable) et l'indifférencié (ce qui apparaît est l'image d'une communauté).
Mais si communauté il y a, c'est une communauté sans identité : à travers ce travail Arnaud Théval efface les distinctions liées à la hiérarchie sociale ou professionnelle et produit l'image d'un collectif qui exhibe à la fois les traits singuliers des personnes et une pure communauté de situation créée par le dispositif de prise de vue et le traitement des images. Il transforme les modèles en acteurs, mais des acteurs qui ne jouent aucun rôle, sinon celui qui consiste à manifester de façon consciente devant l'objectif ce qui d'ordinaire appartient à l'inconscient de la gestuelle individuelle et commune.
Ainsi la photographie devient le langage que fait exister ce qui l'articule comme une ponctuation : le silence des corps. Le fond blanc rassemble une foule artificielle et donc parfaite dans son statut de communauté indéfinie, sans contenu.
La réception d'une telle œuvre doit se décliner en deux temps. Tout d'abord réception par les « modèles » eux-mêmes ou en leur présence, incluant les phénomènes de « reconnaissance » aux deux sens du mot (se reconnaître et être reconnu dans l'image, mais aussi accéder à une reconnaissance par l'élection contenue dans le geste photographique et artistique). Pour beaucoup il s'agit d'une expérience tout à fait nouvelle non seulement dans le fait d'être le « sujet » d'une œuvre d'art mais dans la découverte d'une telle forme de pratique artistique (la photographie lorsqu'elle refuse le clivage entre exceptionnel et banal pour rendre compte du rapport entre l'humanité contemporaine et ses images).
Mais au fil du temps l'œuvre se détache de ses conditions de production, ceux qui sont dans l'image ne sont plus nécessairement devant l'image et un jour plus personne ne sera là pour en raconter l'histoire. Les interrogations deviennent autres mais ne sont pas moins proches du cœur de l'œuvre : qui sont ces gens, où vont-ils, à quoi s'affairent-ils et pourquoi sont-ils ainsi rassemblés ? L'anonymat énigmatique de cette foule et de ses gestes fait alors accéder l'œuvre à ce qu'elle devait être enfin : le portrait de l'humanité sans qualités qui habite un monde sans destination.
Bruno NOURRY
Responsable de la Division des Affaires générales,
IUFM des Pays de la Loire
regarder l'image
Cette image fait partie à l'origine de l'installation présentée dans le cadre de la résidence d'Arnaud Théval, artiste invité par l'IUFM en 1999.
À la suite de ce projet, cette photographie a été acquise par l'IUFM et accrochée, selon le souhait de l'artiste, dans le hall au-dessus de la cafétéria.
le titre
Le titre Reconstitution renvoie à l'image d'une foule reconstituée, recréée, « fabriquée » par l'artiste.
Cette foule, composée de personnes de toutes professions et travaillant à l'IUFM en 1999, peut renvoyer à la tradition du portrait - et ici du portrait de groupe - que l'on peut trouver dans la peinture et la photographie.
l'espace et le lieu
On peut parler, d'une part, de l'espace à l'intérieur de la photographie elle-même, et d'autre part du rapport très fort de cette image à l'espace extérieur, au lieu ; mais il semble difficile de séparer ces deux notions tant elles semblent en étroite imbrication.
- Au premier regard on perçoit l'image dans son ensemble, une foule de figures noires sur fond blanc, puis le regard s'attarde, cherche et découvre peu à peu l'image de façon fragmentaire, discontinue ; il est en effet impossible de tout percevoir au premier coup d'œil.
Il y a bien un effet de perspective, donné par la taille et le positionnement des figures, et qui creuse l'espace, comme, par exemple, dans ce tableau du XVIIe siècle de Philippe de Champaigne, Le repas chez Simon, au musée des Beaux-Arts de Nantes, représentant une scène de groupe savamment ordonnée. Mais cette profondeur dans Reconstitution est contredite par le blanc qui envahit toute l'image et dans lequel les figures semblent flotter.
L'impression est celle d'un espace indéfini, indéterminé, sans repères : pas de sol, pas de ciel, pas de « décor », pas de lieu.
Cette impression de flottement est renforcée par une certaine nonchalance dans les attitudes des personnes, ce qui interroge sur leur identité et leur fonction (sont-ils au travail ou en congés ? pourquoi sont-ils tous ensemble ? où vont-ils ?).
Ce questionnement est renforcé par différentes tenues vestimentaires et par le manque d'accessoires qui pourraient nous renseigner sur leur travail. De la même façon, le blanc devient une lumière égale qui ne peut nous renseigner sur tel ou tel moment de la journée.
Flottement également dans la structuration hiérarchique de l'image : loin du portrait de groupe traditionnel, qu'il soit d'apparat ou relevant d'une scène religieuse (comme dans le tableau de Champaigne cité plus haut, où les figures principales comme le Christ et ses Apôtres placés au centre du tableau), les figures ici sont placées indépendamment de leur fonction. Se côtoient ainsi l'intendante, des professeurs, le personnel d'accueil, les responsables du site...
Les personnes arrivent et repartent (elles sont soit de face, soit de dos) dans un jeu d'aller et retour, de répétitions qui rythment et construisent l'espace.
On découvre ainsi que les trois figures très foncées au centre forment un triangle repérable, on remarque alors que la pointe en bas à gauche et le sommet de ce triangle correspondent à la même figure féminine répétée.
Ceci amène le spectateur à chercher peu à peu dans l'image, les jeux de reconnaissance et de répétition des silhouettes.
- Champ et hors-champ ; de l'espace de la photographie à l'espace de l'IUFM :
La photographie est accrochée dans un lieu de passage et de convivialité (le hall et la cafétéria). L'intention de l'artiste est, en effet, de faire en sorte que le personnel de l'IUFM se retrouve forcément, à un moment ou un autre de ses pérégrinations, confronté à son image.
Si la façon dont l'image est constituée permet une déambulation visuelle à l'intérieur-même de son espace, de la même façon son accrochage permet de multiples points de vue.
On peut ainsi la percevoir d'en bas, depuis les passerelles ou le premier étage...
On trouve également dans certains bureaux des détails reproduits de cette œuvre (par exemple, dans le bureau du responsable du site, on trouve ainsi l'image de deux anciens directeurs).
C'est bien l'idée de circulation (visuelle, réelle, mentale) qui est ainsi au cœur de cette image.
le noir et le blanc
Certains noirs accentués dans la photographie permettent de se repérer visuellement et construisent des lignes - horizontales, diagonales - qui organisent l'espace. On peut également remarquer un jeu important de différents gris, de petits motifs (rayures, pois, carreaux, jeu des plis des tissus) qui animent et rythment l'image et provoquent une certaine vibration optique.
Ceci redouble et intensifie l'idée de la marche et du mouvement de la foule.
Le blanc, omniprésent, est à la fois fond et forme, il engloutit ou fait apparaître les figures. À certains endroits le blanc révèle les corps par fragments (ainsi que la forte lumière dans certains tableaux du XVIIe siècle).Ce blanc qui annihile tout contexte, tout décor, place les figures dans un espace intemporel.
groupe intercycles
niveau : tous niveaux
type pédagogique : article
public visé : enseignant
contexte d'usage : classe
référence aux programmes : L'œuvre et l'image, l'œuvre et le lieu, l'œuvre et le corps
à partir d'une œuvre d'Arnaud Théval | 18/02/2008 | |
Des éléments de travail et d'analyse pour découvrir l'œuvre in situ avec les élèves. | ||
image, photographie, représentation, corps, identité, espace public | Groupe Intercycles |
Arnaud Théval, Reconstitution |
Le document pdf édité par le CRDP des Pays de la Loire et le Rectorat de Nantes |
arts plastiques - InSitu - Rectorat de l'Académie de Nantes