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image analogique, image numérique ? (Hugues Blineau)

mis à jour le 22/04/2004


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La dématérialisation de la production des images, via les outils numériques, a-t-elle pour conséquence la perte des repères et outils d'analyse précédemment construits pour comprendre les images matérielles ?

mots clés : image, numérique, analogique


questions - image : analogie et virtualité, narration, montage, présentation/représentation, statuts de l'image
 

L'image numérique, reproductible sans perte, ne possède pas la même matérialité que l'image analogique obtenue par enregistrement, captation de la lumière suivant des données physiques, puis reports successifs. Pensons à la fameuse séquence du Blow up de Michelangelo Antonioni durant laquelle le photographe incarné par David Hemmings invente ou réinvente ce qu'il a perçu à l'instant de la prise de vue. A la surface de l'image : granulations, zones d'ombre et de lumière comme autant de parcours et de lisières entre les objets et les formes. Dans le film du réalisateur italien l'image met le réel en suspend. Comme l'explique Philippe Dubois dans « L'acte photographique » un récit s'organise rapidement lorsque les images de plus en plus agrandies et marquées par les effets de l'émulsion, sont accrochées à l'extérieur du laboratoire. Un temps de re-construction s'effectue pour le regard, il est virtuellement infini.

 Les effets de montage, de manipulations agissent de manière plus immédiate, et sans doute moins intentionnelle lors de la production numérique d'une image. Le manque de recul au sens physique du terme, la fascination pour l'outil rendent pour l'élève les exercices critiques plus difficiles. L'utilisation de calques dans un logiciel comme Photoshop met en jeu d'autres rapports que lors de la réalisation d'un travail avec des outils plus traditionnels. Pas besoin comme dans la photographie analogique d'obscurité et d'un délai correspondant à une forme d'inquiétude, la lente révélation de l'image. Pas besoin non plus d'un deuxième temps, celui de la lecture à la lumière du jour, pour savoir quelle piste ultérieure suivre lors du processus de fabrication. Tout et tout de suite : les actions et opérations se concentrent dans un espace (moniteur, souris, clavier) et un temps très réduits. Inutile comme dans Blow up d'envahir l'espace matériel pour progresser vers l'image définitive. Avec Photoshop le travail s'effectue par strates, en superposant une multitude de couches, les calques. Si des textures sont appliquées elles le sont en tant qu'images, la planéité l'emporte. Les effets possibles, immédiatement disponibles, dans ce type de travail proviennent de différents champs des Arts plastiques : dessin, peinture, collage, photographie, vidéo...Le plus souvent les élèves les empilent en n'ayant jamais à l'esprit qu'ils manipulent des fonctions et jouent sur des registres différents : l'image unifie. Lors d'une production finale l'échelle n'est le plus souvent pas prise en compte : l'utilisation intensive du zoom permettant de pénétrer dans l'image, pas forcément de la penser en tant qu'objet. Nous pouvons être confrontés à ce problème lors de l'évaluation. De plus, sur une impression sur papier photographique, certaines dimensions sensorielles se voient modifiées, voire absentes comme la tactilité, à la différence de productions bidimensionnelles plus classiques.

Ces questions autour de ces nouveaux statuts de l'image (dans les expositions d'art contemporain mais aussi dans la vie quotidienne) nous permettent de réinterroger le champ même des Arts Plastiques.

Nombre de champs d'investigation menés les artistes mettent en évidence les phénomènes de croisements et d'hybridation entre image numérique et peinture, entre photographie et image médiatique, etc. Souvent différents domaines sont exploités simultanément (notons que les élèves agissent de même lorsque dans la même production ils appliquent un effet spécial lié à la photographie, utilisent le pinceau, jouent sur les rapports texte -image etc...). Le spectre est très large. Quoi de commun entre les différents projets impulsés par PierreHuyghe et Philippe Parreno autour du personnage d'Ann Lee, les portraits d'Aziz et Cucher, les mises en scène oniriques de Mariko Mori, les architectures virtuelles par Thomas Demand, les espaces interactifs de Jeffrew Shaw ? Sans doute sommes-nous face à de nouvelles représentation du corps, à des mises en récit, à des territoires qui déconstruisent notre perception habituelle de l'espace. De nouveaux rythmes de lecture sont créés, les limites semblant plus ténues encore entre images fixes et images en mouvement, entre fiction(s) et réalité(s).

 

Conclusion (et pour nous, professeurs d'Arts plastiques) ?

 Face à ces nouveaux champs référenciels les grandes notions disciplinaires telles le corps, l'espace ou le support, loin d'être obsolètes, sont rediscutées, mises en jeu, singulièrement redéployées. La question du  statut de l'œuvre origine de nombreuses pistes que l'on pourra à loisir emprunter.

 Aussi, une nouvelle fois, le professeur d'AP sera amené à agir de manière pragmatique, en gardant à l'esprit le fait que ce qui mine les nouvelles technologies de l'image, c'est leur propre puissance, leur capacité de produire et de reproduire à confusion *, pour reprendre les mots du sociologue Marc Guillaume.

 Pour démêler les différentes opérations plasticiennes menées et construire du sens, il nous faut (re)découper nos séquences en fonction des apprentissages possibles face aux outils technologiques, créer de nouveaux outils d'évaluation et de nouveaux temps de parole pour mieux retrouver l'œuvre.

 

* In « La dévoration des images », texte extrait de l'ouvrage collectif « Peut-on apprendre à voir ? » (collection L'image, éditions de l'ENSBA, 1999

 
auteur(s) :

hugues blineau

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux

type pédagogique : connaissances

public visé : enseignant, étudiant

contexte d'usage : non précisé

référence aux programmes :

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Hugues Blineau est professeur d'arts plastiques

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