Analyse comparative et conflictuelle de 2 œuvres traitant de la Nature Morte : Raisins et Grenade de Chardin, 1763, 47x57 cm, conservée au Louvre et Tableau piège de Spoerri, 1965, 120x140 cm.
Un point succinct sur le genre de la Nature Morte s'impose :
De tous temps, on a fait des natures mortes (peinture, mosaïque, hier, photographie, sculpture, vidéo, aujourd'hui), ce genre a fait le tour des supports.
C'est sans doute au XVI, XVIIème que se développe réellement la nature morte, c'est aussi à ce moment qu'on peut réellement parlé de "genre" autonome, notamment en Hollande. Le genre semble répondre aux attentes d'une société bourgeoise qui fonde ses valeurs sur la possession et le commerce des biens. Tout comme les natures mortes de Chardin semble s'accorder avec la doctrine du sensualisme au XVIII. L'importance, voir la primauté des sens dans l'acte de connaître et d'approcher le réel va s'opposer à toute la tradition rationaliste venue de la pensée de Descartes. La nature morte est sans doute un support privilégié pour aborder les relations d'une société à ses objets et au delà au monde matériel et au réel.
Peu de choses, en apparence suffisent à faire une nature morte. Aucune présence humaine, aucune animation, le silence règne, on parle de peinture "muette". Alors comment rendre un morceau de poisson ou un compotier aussi riche qu'un déjeuner sur l'herbe ? la question du réel au delà de la narration est posée.
Ce que nous renvoie, de prime abord, la nature morte c'est la ressemblance - ou l'écart selon les époques- avec l'objet de référence. Mais au delà de ce point de départ mimétique les prolongements sont riches: l'objet fidèlement reproduit renvoie à l'homme centré sur lui-même, les répétitions du Pop Art nous renvoie à une critique acerbe de la société de consommation, et de la transformation d'objets industriels en objets esthétiques...
la nature morte n'est pas considérée comme une forme majeure avant Chardin au XVIII °s. Au XX°, elle devient un sujet d' expérimentation avec Picasso, Gris, Matisse ou Braque.